Colysée@Arthur – 29 janvier 2033

Excédé par la lenteur de son administration à adopter le Pacte Agricole et Urbain, le ministre italien de l’industrie, des services et de l’agriculture a présenté sa démission et annoncé son intention de déménager dans un pays « qui a su saisir pour son peuple la chance de la révolution des territoires ».

 

L’agriculture à terre

Le Pacte Agricole et Urbain trouve ses origines dans la crise alimentaire mondiale.

La FAO, dont le siège est ironiquement situé à Rome, avait mis en avant depuis le début des années 2000 la menace de la disparition des terres arables dans le monde, en baisse régulière depuis le pic de 1992 (260 hectares de terres arables par habitant en 1992, contre 200 en 2010 et moins de 170 aujourd’hui). Phénomène accru par le fait que les foyers de population se sont historiquement développés au milieu des zones fertiles. Alors que la réduction des terres arables était dans un premier temps largement compensée par la hausse des rendements agricoles au début des années 2000, la production agricole n’a cru en moyenne que de 1,7% par an entre 2012 et 2021, soit moins vite que la consommation de calories par habitant (plus de 2% par an), créant une tension sur les prix des produits agricoles. Convaincue du ralentissement de la croissance des rendements, la FAO concluait déjà en 2012 à l’urgence de la protection des terres arables.

Sans attendre l’hypothétique mise en place d’accords mondiaux contraignants, l’Union Européenne avait profité de la renégociation de la PAC en 2013 pour imposer à ses membres la mise en place de mesures de classement des terres arables péri-urbaines à titre conservatoire en contrepartie du déblocage des aides. Et c’est en 2015 que l’UE a finalement adopté le Plan Agricole et Urbain visant à classer en zone agricole 100% des surfaces agricoles alors répertoriées et à encourager le développement des Productions Agricoles Alternatives.

La sanctuarisation des terres arables a incité à redensifier les zones urbaines

Au sein des pays membres de l’UE ayant fait appliquer le PAU, le classement des terres arables s’est mécaniquement accompagné de la concentration de la pression foncière sur les zones déjà construites, pression traduite par un remembrement foncier visant à densifier les aménagements. Le PAU européen prévoyait cette conséquence et recommandait aux Etats d’orienter la redensification autour de 2 axes : densifier les zones pavillonnaires situées à proximité de lignes de transports ferroviaires, et recréer des centres-villes dans les zones commerciales extérieures aux centres-villes historiques. Le Pacte imposait ainsi sur la totalité des zones non agricoles un seuil minimum de surface devant être occupée par chacun des usages (habitation, bureaux et industries, commerces, espaces verts, transports en site propre). La logique qui prévalait lors de la rédaction du PAU était de ne pas reproduire la spécialisation des territoires qui prévalait pendant la 2ème moitié du 20ème siècle et qui avait conduit à la formation de ghettos de logements, de quartiers d’affaires désertés le soir, de zones commerciales tentaculaires, ainsi qu’à la congestion des systèmes de transports et au déséquilibrage des réseaux électriques.

Les Productions Agricoles Alternatives en complément de la production agricole terrestre

En plus de la réorganisation de l’occupation du territoireMur végétal, le PAU incluait dès 2015 un volet de soutien aux Productions Agricoles Alternatives. Les précurseurs des Productions Agricoles Alternatives avaient initialement visé l’agriculture urbaine mais leurs tentatives furent soldées par un échec. Ces initiatives portaient sur la culture sur toiture et dans des tours agricoles. Les cultures sur toiture, principalement maraîchères en raison de la petite taille des surfaces, ne résistaient pas aux conditions climatiques difficiles au sommet des immeubles et renchérissaient considérablement le coût d’entretien des immeubles, s’attirant les foudres des occupants. Ces cultures ont vite été remplacées par des jardins d’agrément plantés d’espèces plus résistantes, contribuant néanmoins à l’isolation thermique des bâtiments, à la réduction du réchauffement urbain et à l’embellissement des villes, donnant à certains quartiers les faux airs de jardins de Babylone que nous connaissons aujourd’hui. De même, les tours agricoles constituées d’un empilement de serres contenant des cultures hors sol ont rapidement été abandonnées, en raison de coûts de production trop élevés.

Les investissements en Productions Agricoles Alternatives se sont au cours des années 2016-2017 rapidement réorientés vers la production de végétaux marins dont la production a explosé à la fin des années 10, portée par la demande asiatique, par l’essor de la cuisine ‘Zaolei’ (aux algues) dans les pays occidentaux et par l’absence à l’époque de réelle pression foncière sous-marine. Au final, le PAU a permis à l’Union Européenne de renforcer son statut de puissance agricole au niveau mondial.

Le remembrement urbain, facteur de relance des économies européennes dans les années 10

Les bénéfices économiques du PAU ont cependant largement dépassé le seul secteur agricole. Alors que l’on attendait au début des années 2000 beaucoup des énergies renouvelables pour soutenir l’industrie des économies matures, c’est finalement l’effort de remembrement urbain qui a relancé l’activité des membres de l’UE ayant appliqué le Pacte. Les conséquences économiques ont été multiples, à commencer par le scindement en 2 du marché de l’immobilier : un marché urbain sur lequel la pression foncière a permis aux promoteurs et collectivités de rentabiliser leurs opérations immobilières, et un marché rural pour lequel le classement des terres a permis un réinvestissement du bâti ancien. Mais la véritable contribution du PAU a d’abord été dans la forte mise à contribution du BTP et des opérateurs de services urbains qui ont dû reconstruire les réseaux, qu’ils soient d’énergies, d’eaux ou de transports. L’effort de reconstruction a permis à ces filières de développer l’emploi à tous les niveaux de qualification et aux opérateurs de se positionner sur le marché du remembrement qui connaît aujourd’hui un boom en Asie.

Le retard italien perçu comme une occasion manquée

En Italie, alors que les sondages indiquaient dès 2015 que la population italienne était majoritairement favorable à la protection des terres agricoles et que les premiers pays membres ayant appliqué le Pacte affichent déjà des bénéfices durables de son application, aucun des gouvernements successifs n’a réussi jusqu’à présent à traduire le pacte dans la loi italienne. Les élus semblent redouter que les impacts concrets du remembrement urbain froissent les électeurs et acteurs de l’économie locale. Le ministre italien de l’industrie avait fait de l’application du PAU un marqueur de progrès de la société italienne. Le ministre, qui a quitté ses fonctions ce mercredi à l’issue du conseil des ministres, n’a pas indiqué le pays dans lequel il souhaitait s’installer avec sa famille, précisant simplement qu’il s’agirait d’un des 23 pays membres de l’UE ayant déjà voté le PAU « parce qu’ils témoignent tous de l’ambition de leur population et de leurs élus pour leurs pays ».

Auteurs :
L'équipe EnergyPoint