1. Imitation de réactions naturelles

La compréhension et l’imitation de processus naturels permettent d’imaginer de nouvelles réponses à des questions d’efficience énergétique, tout en limitant leur impact environnemental. La photosynthèse artificielle et les batteries « redox flow » organiques en sont des exemples.

Photosynthèse artificielle : la feuille artificielle de Nocera

La feuille artificielleParmi les nombreuses réactions de la photosynthèse, c’est plus particulièrement la phase d’oxydation de l’eau (réaction associée à un domaine enzymatique du photosystème II) grâce à l’énergie solaire que les scientifiques cherchent à imiter.

Une équipe de chercheurs du MIT, conduite par Daniel Nocera, est parvenue à une avancée notable, celle de produire de l’hydrogène et de l’oxygène à partir de molécules H20, grâce à une « feuille artificielle ». Cette « feuille » se compose de silicium, d’une face recouverte de cobalt et l’autre de nickel. Une fois plongée dans de l’eau, elle permet la formation de bulles de dioxygène sur la face cobalt et de dihydrogène côté nickel.

Si ce concept reste à perfectionner avant de devenir une alternative commercialisable, il a l’avantage d’utiliser des matériaux catalytiques courants, ainsi que de produire de l’O2 et du H2sans apport énergétique autre que l’action des photons. Les perspectives ouvertes par les travaux du Professeur Nocera sont à l’origine de la constitution d’autres équipes de recherche sur la photosynthèse artificielle.

D’un point de vue énergétique, les applications de la « feuille artificielle » peuvent être particulièrement intéressantes, notamment par la production d’H2. L’hydrogène constitue en effet une source d’énergie non génératrice de CO2, une alternative au pétrole pour les carburants, ainsi qu’un potentiel de stockage d’énergie, dans un contexte de recherche de flexibilité entre les différentes énergies.

De la capacité à produire abondamment de l’hydrogène en maintenant des coûts de production peu élevés, dépendra le succès de cette technologie.

Stockage des énergies renouvelables, à partir d’un dérivé de rhubarbe 

BatterieUn stockage de l’énergie alternatif aux batteries traditionnelles, grâce à une molécule présente dans la rhubarbe ? L’idée peut paraitre saugrenue. Pourtant, une équipe de chercheurs d’Harvard a perfectionné une batterie à flux, fonctionnant à partir d’un dérivé de la rhubarbe, la quinone.

Les quinones sont des molécules organiques présentes dans de nombreuses plantes, qui permettent de capter des électrons lors de la photosynthèse. Or, après des tests effectués parmi des milliers de végétaux, la quinone de rhubarbe présente d’excellentes performances pour optimiser le fonctionnement d’une batterie à flux, ou « batterie redox-flow » (à oxydo-réduction).

Dans un contexte où l’accroissement des capacités de stockage d’énergie devient un enjeu stratégique du développement des énergies renouvelables, cette solution devient une alternative sérieuse aux batteries classiques. La batterie élaborée par l’équipe de chercheurs d’Harvard permettrait, selon eux, de stocker 1 kWh pour une vingtaine d’euros, c’est-à-dire 3 fois moins qu’une batterie métallique. Elle serait également plus sure, car sans risque de départ d’incendie. La technologie de la batterie redox-flow reposait auparavant sur un électrolyte au Vanadium, générant un milieu acide corrodant les autres composants. L’utilisation de la quinone, non corrosive, comme électrolyte organique, permet de dépasser les freins au développement de cette technologie.

À suivre : une startup française, Kemwatt[1], a mis au point le premier prototype industriel de Batterie Redox Flow Organique de 10 kW, en septembre 2016. Cette structure est soutenue par des fonds d’investissement, ainsi que BpiFrance, l’Ademe et le ministère de l’Education & de la Recherche. Les prochaines étapes de la startup sont de développer ce produit et de le commercialiser rapidement.

2. Intégration de réactions chimiques 

L’intégration consiste non plus à tenter de reproduire un processus chimique observé dans la nature, mais à l’intégrer dans un système artificiel. La start-up française Glowee est un exemple intéressant pour illustrer cette notion.

Glowee : l’éclairage urbain par bioluminescence[2]

DNALe point de départ des recherches de l’équipe de Glowee repose sur l’observation de la capacité de luminescence nocturne chez certains organismes vivants, tels les algues, les lucioles ou les calmars. Chez le calmar, cette particularité s’explique par les bactéries qu’il héberge, ces dernières abritant un gène régissant la capacité d’émettre de la lumière. Ce gène, isolé, est aujourd’hui disponible dans les banques d’ADN. Les scientifiques de l’équipe Glowee ont réussi à insérer ces portions particulières d’ADN dans des bactéries communes, qui deviennent bioluminescentes.

Les bactéries sont élevées et insérées dans une solution nutritive leur permettant de se développer et de prolonger leur durée de vie. Cette « solution biologique » est ensuite incorporée dans une coque translucide en résine organique. Le produit final est ainsi une capsule souple, à la forme personnalisable, ayant la capacité de produire une lumière douce sur plusieurs nuits.

La startup imagine diverses applications commerciales pour ce produit innovant, notamment en matière de signalisation urbaine, ou d’éclairage nocturne de vitrines publicitaires.

Tout l’enjeu pour Glowee aujourd’hui est de prolonger la durée de vie des bactéries et d’optimiser l’intensité lumineuse produite, ainsi que de proposer un service de collecte et de recyclage de ces « coques bioluminescentes ». Cette technologie n’est actuellement pas en mesure de constituer un concurrent sérieux de l’électricité, mais proposerait une alternative pour des usages ciblés.

Les exemples cités dans ce chapitre illustrent la diversité des innovations biomimétiques ou bio-inspirées, de l’imitation de réactions chimiques naturelles à la combinaison des propriétés de différentes espèces par la manipulation génétique. Leur défi commun reste de parvenir à concilier leur impact environnemental positif avec une compétitivité économique et commerciale qui permettrait à ces innovations de s’imposer face aux technologies traditionnelles. Le chapitre 3 s’intéressera au biomimétisme d’écosystème et aux perspectives d’applications des solutions et méthodologies biomimétiques dans les entreprises.

Auteurs :
Elise Viné, Consultante
Sébastien Maltaverne, Senior Manager