Quelles stratégies sont élaborées par les acteurs du photovoltaïque off-grid en Afrique pour mettre l’énergie solaire à portée des populations les plus démunies ?
Les appareils pico photovoltaïques (pico PV) sont des kits solaires portatifs à destination des populations n’ayant pas accès au réseau électrique. Ce chapitre s’intéresse aux acteurs intervenant sur la chaîne de distribution du pico PV sur le marché africain et à la question de la coexistence de leurs business models.
Le programme Lighting Global recense une trentaine fabricants de différents de produits pico PV, qui répondent à ses critères de qualité standards. Parmi les marques de pico photovoltaïque les plus vendues, il existe des entreprises de toutes tailles et mondialement implantées.
Les exemples de fabricants de pico PV relevés ci-dessus illustrent la diversité des entreprises développant et commercialisant ces technologies : des start-up innovantes spécialisées dans les équipements solaires portatifs, à celles commercialisant des produits solaires fixes et des services associés, jusqu’aux grandes entreprises pour lesquelles l’équipement solaire ne représente qu’une extension de gamme.
Il convient de noter que des sociétés africaines proposent également des produits et services photovoltaïques, à destination des populations isolées. La variété des entreprises se lançant dans la commercialisation du pico PV laisse transparaître un point fondamental : il existe un véritable marché pour ces produits, devenant de plus en plus concurrentiel.
L’analyse des flux de financement des projets photovoltaïques off-grid en Afrique permet de comprendre qu’ils passent d’un modèle « humanitaire » d’aide au développement reposant sur les dons ou subventions, à des modèles hybrides, couplant les sources de financement privées et publiques, avec des objectifs de gains assumés.
L’intérêt des équipements pico PV a été compris par de nombreux acteurs publics, par les organisations à but non lucratif, mais également par les entreprises. Il est essentiel de considérer la diversité des acteurs impliqués dans la chaîne de conception et de commercialisation de ces produits : tous n’ont pas les mêmes objectifs et reposent sur une multiplicité de modèles économiques.
Il existe trois grandes sources de financement de projets de développement du pico PV en Afrique :
1. Etats/gouvernements : ces derniers ont une vision de long terme concernant l’aide au développement et la lutte contre la pauvreté. Par le truchement de bailleurs de fonds institutionnels, d’agences, de programmes dédiés, ou encore d’institut de micro-finance, les Etats accordent des subventions à des projets d’accès à l’énergie des populations défavorisées. Ainsi, les Etats s’engagent financièrement sur des projets ambitieux, souvent internationaux, tout en permettant d’organiser le marché et de clarifier le rôle des parties prenantes.
2. Entreprises : les entreprises privées sont des acteurs majeurs de ce marché, avec trois grands modes d’intervention :
3. Société civile : les citoyens sont également, à échelle individuelle, des financeurs de ces projets d’accès à l’énergie solaire. Deux visions différentes existent dans l’engagement de la société civile :
Le schéma ci-dessous permet de cerner les grands acteurs engagés dans des projets de commercialisation de kits solaires auprès des populations africaines BoP.
Il illustre le fait qu’à tous les niveaux de la chaîne de financement de ces projets, sont présents des acteurs suivant une logique de non-profitabilité (en bleu), ceux ayant une finalité lucrative (en rouge), et ceux qui se situent à la frontière entre ces deux modes de fonctionnement, qualifiés ici d’hybrides (en orange).
Schéma simplifié des flux de financement du pico PV, du projet à l’utilisateur final
Cette représentation schématique illustre le fait qu’une partie importante des fonds alloués dans les projets pico PV sont récupérés par les intermédiaires, banques, institutions de micro-finance, entreprises de tailles diverses, jusqu’aux petits revendeurs. C’est une des raisons pour lesquelles il est permis d’envisager la pérennité de ce schéma de distribution, puisque ces parties prenantes voient un bénéfice réel à investir dans le pico PV.
Néanmoins, les investissements étatiques, qu’ils soient effectués par l’intermédiaire de fonds, de programmes, ou d’agences gouvernementales, restent encore fondamentaux : en plus des sommes versées dans ces projets, les organismes d’Etat jouent également un rôle de coordination entre les acteurs pléthoriques du marché du solaire en Afrique. De façon complémentaire, les organisations à but non lucratif, telles que les associations, fondations, ONG, constituent des acteurs indépendants politiquement et financièrement, des Etats comme des entreprises. Ainsi, la multiplicité des modèles économiques des parties prenantes aide à la viabilité et l’indépendance des projets.
Les produits pico PV ont séduit de nombreux investisseurs par la réponse qu’ils apportent à un besoin social, ainsi que par leur potentielle rentabilité. Cependant, cette proposition de valeur ne suffit pas à la réussite de ces projets. La question de l’accessibilité au client final est primordiale à résoudre pour les parties prenantes et a permis le développement d’initiatives réellement innovantes et adaptées au marché. Ces sujets seront abordés dans le chapitre suivant.
Auteurs :
Elise Viné, Consultante
Benoit Dumas, Manager