Les solutions de stockage de l’énergie, plus ou moins matures, suscitent toutes beaucoup d’intérêt vis-à-vis des enjeux de la transition énergétique. Mais le dynamisme du marché de l’électronique ainsi que l’émergence de marchés de la mobilité électrique ou à la production distribuée ont généré un attrait fort pour les technologies de batterie.

Entre automobile et résidentiel : des synergies de plus en plus exploitées

Des réelles synergies entre marchés se sont développées ces dernières années. Elles permettent aux constructeurs de se positionner à la fois sur le marché de la mobilité électrique, sur le marché du stockage résidentiel (notamment sur site isolé), ainsi que sur l’intégration des énergies renouvelables au niveau du réseau. Tesla en est l’exemple le plus célèbre : le constructeur automobile met à profit ses investissements dans le secteur automobile (la célèbre Gigafactory du Nevada) pour desservir également les marchés résidentiels avec la PowerWall et plus grandes échelles avec la PowerPack, une combinaison de batteries adaptée aux plus grandes installations.

D’autres constructeurs automobiles suivent le même parcours : en juin 2015, Mercedes et sa compagnie mère, Daimler, ont annoncé le lancement via la filiale Accumotiv d’une batterie destinée aux foyers et aux petits commerces. En France, le savoir-faire accumulé par Bolloré sur sa technologie destinée à l’auto partage était utilisé dès 2014, avant Tesla, pour se diversifier sur la fourniture d’électricité au travers de ses Blue Zones africaines.

Au-delà du savoir-faire permettant la diversification, le simple recyclage des batteries automobiles en batteries résidentielles semble également prometteur. C’est en tout cas le pari que fait BMW en recyclant les batteries de sa BMW i3 auprès de Bosch et du suédois Vattenfall.

Ces synergies semblent efficaces : en 2015, année où Tesla a lancé la PowerWall, le marché du stockage d’énergie a crû aux Etats-Unis de 243%. Cette croissance, estiment les analystes, n’est encore qu’une amorce


Figure 5 : Exemple d’indicateurs et leurs niveaux d’importance selon les marchés

La baisse des prix de stockage : la priorité absolue

Devenir une offre compétitive n’est pas une évidence pour le stockage. Atteindre la parité réseau n’est possible qu’au prix d’une baisse importante des prix des batteries et d’une amélioration de leurs capacités. Mais quantifier les coûts n’est pas une mince affaire : chaque constructeur revendique la spécificité de sa technologie, sa durée de vie et sa profondeur de décharge. Ces informations étant fondamentales pour caractériser le coût total d’un cycle de vie de batterie. La métrique couramment utilisée, le prix au kWh acheté, est souvent jugé trop contraignant puisqu’il fait abstraction du nombre de cyclages disponibles.

En 2015, deux chercheurs se sont tout de même livrés à ce périlleux exercice dans la prestigieuse revue Nature Climate Change[1]. Avec beaucoup de mises en garde et en se focalisant sur le marché de la voiture électrique, les scientifiques ont recensé les différentes annonces de prix. Qu’elles soient réalisées par des équipes de recherche, des journalistes, par les leaders du marché ou qu’il s’agisse de projections faites par des analystes, les chercheurs ont consolidé toutes ces informations :


Figure 6 : Evolution des prix annoncés ou estimés pour la technologie Lithium Ion

Si ces données ne peuvent être prises qu’avec précautions, elles mettent tout de même en avant une tendance baissière de 8% par an. L’engouement dont font preuve les constructeurs automobiles et les synergies liées à des marchés qui se regroupent (résidentiel, utilities et automobile) peuvent agir pour maintenir voir accélérer cette tendance baissière.

Naturellement, si la baisse des coûts ne justifie pas encore d’installations massives de batteries dans les pays proposant une électricité disponible et de qualité, elle peut en revanche se justifier sur d’autres périmètres. Les réseaux insulaires, par exemple, ne permettent pas d’économies d’échelles et l’électricité y coûte naturellement très cher. Logiquement, les offres d’intégration de solutions de stockage y sont plus compétitives et ont émergé plus facilement dans ces zones[2]. On peut citer également les zones off-grid et, plus étrangement, les zones « bad grid » comme cibles privilégiées pour le stockage résidentiel. Les marchés émergents comme le Nigeria et l’Afrique du Sud possèdent des infrastructures électriques désuètes et peu fiables. Les populations urbaines sont contraintes de s’équiper en groupes électrogènes couteux et nécessitant une maintenance lourde : des solutions production solaire et de stockage y sont particulièrement pertinentes.

Auteurs :
Augustin Colas, Consultant
Patrice Mallet, Directeur Associé