Issue du marketing, la notion de personnalisation est apparue au début des années 2000 dans la Gestion des Ressources Humaines face aux nouvelles attentes des salariés.

Ces nouvelles attentes sont notamment:

  • L’importance accordée à l’équilibre vie privée / vie professionnelle,
  • La demande d’un suivi de carrière plus personnalisé,
  • Les exigences accrues pour la mise en place de politiques de diversité.

Elle renvoie à «l’exigence que les personnes soient reconnues et prises en compte dans leur singularité» (note 1). Pour les auteurs, cette dynamique consiste à adapter les pratiques de GRH aux spécificités des salariés. Le salarié est assimilé à un « client de l’entreprise, dont il faut satisfaire les besoins et les attentes ». 

Cette prise en compte des spécificités des salariés revêt des enjeux forts d’attraction et de fidélisation pour les entreprises dans le contexte actuel de « guerre des talents ». De ce fait, de nombreuses grandes entreprises cherchent aujourd’hui à revoir leurs pratiques RH. Quelques entreprises pionnières sont activement engagées dans cette démarche (Bosch avec des « marketeurs RH », Orange avec «l’expérience salariée »…), mais la personnalisation des Ressources Humaines reste le plus souvent un horizon à atteindre. 

Comment la fonction RH peut-elle procéder pour une mise en œuvre de la personnalisation de l’offre RH ? Quels sont les chantiers prioritaires auxquels elle doit s’atteler?   

1. Définir une stratégie de personnalisation RH ajustée aux besoins de l’entreprise et des salariés

Un premier chantier tient au choix d’une stratégie de personnalisation adaptée. Dans une communication présentée à l’AGRH (note 2), Rodolphe Colle et Aurélie Merle distinguent quatre stratégies de personnalisation (note 3): 

  • La personnalisation collaborative : l’entreprise propose des services distincts aux salariés. La pratique RH est personnalisée conjointement par l’entreprise et le salarié. Le rôle de l’entreprise consiste à aider les salariés dans la définition des services RH. C’est par exemple le cas lors de l’élaboration du plan individuel de formation (PIF).
  • La personnalisation adaptative : l’entreprise fournit les mêmes services aux salariés mais ceux-ci ont ensuite la possibilité de les adapter par rapport à leurs besoins. Par exemple, le salarié a la possibilité de choisir ses horaires d’arrivée et de départ, à partir de plages horaires prédéfinies et standardisées au niveau de l’entreprise.
  • La personnalisation cosmétique : l’entreprise propose les mêmes services aux salariés mais les présente de manière distincte. Il s’agit par exemple des envois d’emails collectifs, personnalisés avec l’ajout du nom de chaque salarié dans l’en-tête.
  • La personnalisation transparente : l’entreprise propose un service unique aux salariés mais ceux-ci ne sont pas impliqués dans le processus de personnalisation, hormis via des études ponctuelles sur leurs préférences individuelles.

La pertinence de chacune de ces stratégies varie selon les besoins de personnalisation RH de l’entreprise et des salariés. La personnalisation doit-t-elle partir de l’individu ou de l’entreprise ? La réponse semble surtout tributaire de la culture d’entreprise que la fonction RH souhaite promouvoir, et notamment du degré d’autonomie valorisé par l’entreprise. 

2. Opérationnaliser la stratégie de personnalisation RH : des outils aux compétences de la fonction RH

Le second chantier concerne l’opérationnalisation de la stratégie de personnalisation RH.

Trouver le bon équilibre entre personnalisation et intégration collective. La personnalisation peut générer des problèmes pour l’entreprise, dès lors qu’elle va à l’encontre d’une recherche de cohésion sociale. Aussi, la fonction RH a tout à gagner à clarifier ce qui est personnalisable, ce qui ne l’est pas et doit rester commun, au risque de générer des attentes très fortes et des désillusions pour les salariés. Cette recherche d’équilibre apparaît comme un enjeu sur lequel les gestionnaires RH doivent se montrer vigilants, notamment dans le cadre du dialogue social avec les Organisations Syndicales, surtout soucieuses de défendre des intérêts collectifs.  

Garantir la qualité des données recueillies dans les outils RH. Le Big Data offre aujourd’hui des perspectives alléchantes pour la personnalisation des pratiques RH. L’objectif majeur consiste en effet à collecter des données sur les salariés pour définir des offres de services pertinentes et ajustées. Par exemple, les formations proposées au salarié peuvent être personnalisées, soit à partir des formations suivies les années précédentes, soit à partir du profil du salarié. Le Big Data apparaît ainsi porteur de nombreuses solutions, mais il pose de nombreuses questions concernant les données des employés : comment garantir la qualité et l’exploitation des données, comment les stocker (note 4), comment s’assurer du respect des exigences de confidentialité ? 

Former la fonction RH aux enjeux du Big Data et aux fondamentaux du marketing.  La formation tient moins à une connaissance fine des technologies qu’à ses usages en matière RH : pour le recrutement, les actions de formation, la gestion de carrière, la gestion des temps… Cette connaissance des usages et des différentes possibilités offertes par les outils analytiques et informatiques apparaît indispensable pour faire des choix judicieux, reconnus par le salarié et son manager. Par ailleurs, la montée en compétence des RH sur des compétences de communication et les techniques du marketing semble tout aussi fondamentale. Elle pourrait s’effectuer par des actions de formation, par des immersions dans les services marketing, voire des mobilités professionnelles entre la fonction RH et la fonction marketing.  

Au final, la personnalisation de l’offre RH renvoie à une transformation en profondeur de l’ensemble des pratiques RH de l’entreprise. Elle suppose une évolution radicale de la fonction RH dans sa formation et dans son positionnement au sein de l’entreprise. 

Avec la contribution de Pascal Braun

Contact: Olivier Parent du Chatelet, Associé