Pour relever le défi de l’électrification, la difficile extension des schémas électriques traditionnels centralisés

Dans ce contexte, les opérateurs électriques africains disposent de moyens limités qu’ils concentrent avant tout sur l’exploitation et la maintenance du système existant, sans être en capacité d’investir dans son développement.

La capacité de production électrique cumulée de la totalité des pays sub-sahariens (hors Afrique du Sud) se limitait à 34 GW en 2010, le même niveau que la Pologne (plus de 120 GW en France). Cette capacité a bien été multipliée par deux depuis 1980 mais la population de ces pays a également doublé sur la même période [i] : rapportée à la population, la capacité électrique disponible stagne ainsi depuis plus de trente ans.

Pour accompagner la croissance démographique et le développement économique du continent, et répondre à l’accroissement de la demande qui en découle, les Nations Unies estiment ainsi que 7 GW de capacités électriques additionnelles devraient être installés chaque année. Ceci représenterait un investissement annuel sur le système électrique de 41 Md$, soit plus de 6% du PIB du continent [ii].

Le développement des systèmes électriques selon le schéma traditionnel de production centralisée et d’extension du réseau nécessiterait donc des moyens considérables que les opérateurs africains peuvent difficilement supporter.

Dans le même temps, les investissements privés demeurent contraints par les schémas d’organisation des marchés africains de l’électricité. La majorité de ces marchés restent en effet structurés autour d’un énergéticien national couvrant toute la chaine de valeur, et sont peu avancés dans la dérégulation (séparation des activités de la chaine de valeur, ouverture à la concurrence…), constituant souvent des situations monopolistiques de fait.

Les incertitudes politiques et/ou juridiques pèsent également sur les décisions d’investissement, qui mobilisent des moyens lourds et nécessitent une visibilité sur plusieurs années voire décennies. Une étude de l’Université du Cap en 2010 a par exemple passé en revue les projets d’unités de production électrique centralisées portés par des opérateurs privés : sur 21 projets recensés dans 8 pays africains, la moitié avait fait l’objet de disputes sur le contrat (revue des conditions initialement négociées, notamment sur les tarifs de rachat de l’électricité produite ou les coûts d’approvisionnement en carburant, difficultés de paiement…) [iii].


Etat des lieux des projets de production centralisée indépendants en Afrique (capacité > 40 MW) [iii]
* BOO : build-own-operate /  BOOT = build-own-operate-transfer

Un avenir pour les systèmes de production d’électricité off-grid, s’appuyant en particulier sur l’énergie solaire 

Face aux difficultés d’extension du réseau électrique traditionnel, le développement de moyens de production décentralisés off-grid ou organisés autour d’une mini-grid locale présente donc une alternative intéressante dans les pays africains. Un changement d’approche qui peut constituer une véritable solution d’avenir, pertinente compte tenu des ressources du continent mais également viable économiquement.

Au vu du fort ensoleillement du continent, l’énergie solaire peut notamment représenter une solution prometteuse. Une étude menée par la Commission Européenne a ainsi montré que la production d’électricité au moyen de panneaux photovoltaïques est plus compétitive que l’utilisation d’un groupe électrogène sur une large part des zones rurales africaines [iv].

Avec un rayonnement atteignant 2 000 à 2 500 kWh par m² par an (à titre de comparaison : 1 300 kWh en moyenne en France et 1 800 kWh en Provence), le solaire devient en effet plus rentable dans de nombreuses zones (jaune à rouge sur la carte). L’alimentation par groupe électrogène reste en effet tributaire des infrastructures routières pour le réapprovisionnement en diesel, dont les coûts sont par ailleurs en hausse continue.

Solaire vs Electrogène en Afrique
Rentabilité comparée de la production électrique solaire vs. groupe électrogène en Afrique [iv]
(NB : coûts d’un groupe électrogène incluant les subventions étatiques du diesel)

Avec 60% de la population sub-saharienne vivant dans les zones rurales, peu ou pas desservies par le réseau actuel, et avec des perspectives limitées d’extension à moyen terme, le déploiement de solutions d’alimentation électrique off-grid compétitives représente ainsi un marché considérable.

Il s’agit aussi et avant tout d’un axe de développement essentiel pour les pays d’Afrique sub-saharienne. Afin de favoriser l’accès à l’électricité en milieu rural, la plupart des Etats africains ont ainsi adapté leur régulation et mis en place des dispositifs spécifiques, en se dotant en particulier de fonds ou d’agences d’électrification rurale, souvent appuyés par des banques et agences de développement occidentales (AFD en France, KfW en Allemagne…).

Auteur :
Aurélien Boiteau