Le gaz sera-t-il une solution contribuant à notre mobilité ? Les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre qui seront discutés en Décembre à l’occasion de la COP 21 intègrent le développement de solutions de mobilité « zéro émission ». Le GNV (Gaz Naturel Véhicule), qui a fait ses preuves du point de vue des performances environnementales, pourrait s’avérer être un pari gagnant d’un point de vue économique dans un contexte de tensions sur l’accessibilité aux ressources pétrolières qui impacteront les prix à long terme.
Le GNV fait l’objet de nombreuses marques d’intérêt depuis les années 90 en France. Des accords et protocoles successifs rassemblant différents acteurs du secteur (constructeurs automobiles, distributeurs de gaz, distributeurs de carburant et pouvoirs publics) ont permis de fixer des objectifs de plus en plus ambitieux afin de favoriser l’émergence de la filière GNV comme nouveau carburant. Mais les résultats ne se sont pas montrés à la hauteur des ambitions, pour plusieurs raisons :
Les lignes bougent aujourd’hui avec la loi de Transition Energétique dont le transport est un des piliers majeurs. Le GNV, générant 25% de moins de CO2 que l’essence, aucune particule fine et 90% de NOx en moins que le diesel, se positionne comme un carburant alternatif, respectant l’enjeu et les objectifs ambitieux d’amélioration de la qualité de l’air et de protection de la santé. A ce titre, le développement du biogaz est un levier puissant pour le GNV comme solution de mobilité zéro carbone. Il est une forme particulièrement intéressante et pertinente d’un point de vue écologique de valorisation des déchets, et il participe à la réduction de la dépendance aux importations d’hydrocarbure.
Cependant, et c’est ce qu’ont montré les précédents échecs de mise en place de la filière du GNV, la volonté d’un acteur isolé (Etat, énergéticien, distributeur, constructeur…) n’est pas toujours suffisante pour garantir le succès du projet. La mise en place de la filière GNV suppose la coopération de protagonistes très différents dont les actions doivent être coordonnées afin de faire émerger l’offre et la demande de manière synchrone.
Un juste équilibre doit être trouvé entre les constructeurs automobiles, les acteurs de la distribution de carburant, et les pouvoirs publics. Interviennent également à différents niveaux les fournisseurs de gaz, les distributeurs de gaz et les clients finaux (particuliers, entreprises, organismes publics) qui ont également un rôle à jouer dans l’adoption d’un nouveau modèle de mobilité.
Trois acteurs ont un rôle crucial à jouer dans le développement de la filière : les constructeurs automobiles, les distributeurs de carburants et les pouvoirs publics.
Celui qui prend le plus de risques est probablement le distributeur, qui engage les investissements les plus lourds. Il doit financer le déploiement d’un réseau d’approvisionnement alors même que la demande est incertaine et que cet investissement peut difficilement être répercuté dans le prix à la vente du GNV en raison tension compétitive avec les autres types de carburants (essence, diesel, électricité). En comparaison, les constructeurs automobiles doivent assumer un investissement supplémentaire moins conséquent : la technologie de moteurs GNV est plutôt maitrisée et les investissements de R&D en grande partie réalisés, les investissements porteraient « seulement » sur l’adaptation de la chaine de production de moteurs GNV.
Il demeure donc nécessaire de trouver un schéma de déploiement qui permette la densification du réseau de distribution, entraînant avec elle l’offre et la demande de véhicules GNV.
L’enjeu est d’atteindre la taille critique qui permettra à la filière de devenir autoporteuse, en partant des réseaux de distributions qui sont au cœur du développement de cette filière. Dans cette perspective, les flottes captives paraissent être le point de départ le plus efficace. En effet, l’utilisation du GNV semble particulièrement adaptée aux usages des flottes captives pour 4 raisons :
Historiquement, le GNV s’est essentiellement développé sur ce type d’usage. Les collectivités locales ont d’ailleurs eu un rôle prépondérant, puisque de nombreuses villes (Paris, Nantes, Lille, Nice, etc.) ont fait le choix d’équiper une partie leurs flottes de bus et de véhicules urbains de moteurs GNV. Mais les acteurs privés ne sont pas en reste : transport de marchandise, flottes légères ou véhicules de propreté, nombreuses sont les entreprises qui ont fait le choix du GNV (Monoprix, GrDF, Carrefour, Véolia, etc.).
Les flottes captives sont donc un bon point de départ pour l’émergence de la filière :
Le cas du SYDEME donne un exemple de développement d’une boucle locale « vertueuse » autour du GNV. Le SYDEME gère la collecte, le transport, le tri et la valorisation des déchets de 14 intercommunalités en Moselle. Dans le cadre de ses activités, le SYDEME exploite une unité de méthanisation, ainsi qu’une flotte de véhicule captive pour la collecte des déchets roulant an GNV. Le SYDEME a collaboré avec GRDF pour l’injection du biogaz dans les réseaux de distribution, mais également avec GNVert pour l’installation d’une station d’approvisionnement en bioGNV qui permet d’approvisionner sa flotte de véhicule.
La démarche de densification du réseau par la multiplication des boucles locales est déjà en cours de construction par certains acteurs positionnés sur le secteur, tel que GNVert. GNVert bénéficierait de l’arrivée de nouveaux acteurs, qui « évangéliseraient » de nouveaux territoires et de nouveaux clients, par la création de nouvelles boucles, tout en étendant le champ d’action du GNV.
Cependant, le mode de fonctionnement des stations de distributions pour flotte captive rend difficilement accessible le GNV au particulier (localisation éloignée des zones d’habitation, fermeture au public…). Le principal enjeu sera donc de passer d’un modèle fermé adapté aux flottes captives à un modèle ouvert, adapté aux usages des clients particuliers. Les distributeurs « classiques » de carburants ont un rôle important à jouer à ce niveau, et en particulier les stations-services de grandes surfaces.
En effet, les grandes surfaces bénéficient d’un double positionnement : elles distribuent du carburant aux particuliers et gèrent un environnement de flotte captives (en propre, celles de leurs fournisseurs, celles de leurs prestataires). Le déploiement de l’usage du GNV dans ces flottes captives pourra inciter les stations-services de grandes surfaces à intégrer des points de distribution de GNV afin :
C’est l’existence de ce double débouché qui pourrait permettre à ce type très particulier d’acteurs (à la fois distributeurs et consommateurs) de se lancer dans l’aventure du GNV en limitant le risque intrinsèque à l’exploration d’un tout nouveau marché.
C’est ainsi au travers d’une approche incrémentale et collective que le GNV pourra certainement trouver sa place dans les solutions de mobilité en développement. Il s’agira de piloter ce grand projet dans la durée, tout en s’assurant de l’engagement de chaque acteur sur la chaine de valeur. Un projet dans lequel chacun devra s’efforcer à garder son engagement pour en assurer la pérennité et la dynamique.
Double bénéfice environnemental, le développement du biogaz pourra en complément être un accélérateur puissant de la croissance de la filière : il légitimera l’utilisation du gaz comme ressource décarbonée pour la mobilité, permettant à la fois de mieux valoriser les déchets et de limiter la dépendance vis-à-vis des importations de gaz.
Auteurs:
Romain Striffling, Senior Manager
Agathe Roger, Consultante