La crise sanitaire a apporté de nouveaux enjeux aux assureurs vie, les obligeant à réinventer leurs modes de distribution.

La crise de la Covid-19 et les confinements successifs ont un impact significatif sur les économies des Français qui ont épargné 142 milliards supplémentaires depuis le début de la pandémie[1] (+44% en 2020) par rapport à l’année précédente.

Dans cette conjoncture sanitaire difficile, l’assurance vie apparait comme une valeur refuge : outre les dispositifs fiscaux particulièrement intéressants (surtout au-delà de 8 ans d’antériorité), elle permet une liquidité des fonds similaire aux produits bancaires. Cette disponibilité rapide des capitaux est rassurante pour les clients.

Par ailleurs, l’assurance vie joue un rôle de stabilisateur de l’économie, encore plus en période de crise et, l’Etat, pour inciter les assureurs à renforcer leurs actions, a créé en 2020 le label « France Relance », dont l’objectif est « d’orienter l’épargne […] vers des placements qui répondent aux besoins de financements de l’économie française consécutifs de la crise sanitaire »[2]

Si historiquement, l’assurance vie se pose comme un placement apprécié des Français car stable, sécurisé et conforme à leurs attentes en termes d’investissements (démarche RSE, finance durable etc.), la crise sanitaire apporte de nouveaux enjeux pour les assureurs : nouvelles pratiques de consommation de l’assurance par les clients et apparition de nouveaux acteurs (notamment les insur’techs) obligent les acteurs traditionnels à réinventer leurs modes de distribution.

1. Rationaliser les points de vente

La présence des assureurs et bancassureurs sur l’ensemble du territoire est une spécificité de notre pays. Cela leur permet, depuis toujours, une proximité « physique » avec les assurés. Nous assistons cependant à un changement stratégique dans l’implantation des agences : en effet, dans un contexte de taux bas et de concurrence d’acteurs digitaux, les assureurs privilégient désormais la rationalisation du nombre de points de vente. Pour être efficace, cette transformation doit s’accompagner d’une véritable réflexion autour de plusieurs concepts tels que le géomarketing et le scoring client. L'analyse croisée de données géographiques, socio-comportementales et sociodémographiques permet ainsi un choix plus pertinent des agences et points de vente à fermer ou à garder.

Pour ce faire, un scoring de potentiel commercial peut être mis en place, prenant en compte des critères précis pour calculer l’appétence de la population locale à la souscription d’un contrat d’assurance vie : densité de population, zone urbaine/zone rurale, âge moyen de la population, concurrence. Cet indicateur facilite le choix des implantations locales (ex : suppression de points de vente à faible potentiel, regroupement et ouvertures différenciées, etc.), mais aussi la segmentation des compétences et des ressources. Par exemple, il n’est pas toujours nécessaire de faire monter en expertise des conseillers en Wealth Management lorsque la zone de chalandise de l’agence est connue comme étant peu appétente à ce type de prestations.

Au-delà des agences physiques, la crise de la Covid-19 a favorisé l’utilisation des outils digitaux. En témoigne la part croissante de l’utilisation du canal Internet à un moment donné du parcours client (omni-canalité) ou même dans la souscription de contrats 100% en ligne (action qui reste toutefois encore moindre).

Internet demeure principalement un canal d’information des prospects, qui utilisent de plus en plus les comparateurs en ligne (l’utilisation des comparateurs tels que MeilleurTaux ou Le Lynx a augmenté de 48%[3]) avant de souscrire le plus souvent en face à face avec un conseiller. La proximité n’est donc plus uniquement synonyme de canal physique. Elle est hybride et se traduit également par de nouvelles attentes des clients.

2. Construire une offre et un conseil accessibles et personnalisés

Les attentes des clients évoluent en permanence. Si la confiance et la proximité demeurent clés dans la relation entre l’assureur et l’assuré, cela n’est plus suffisant pour des clients qui recherchent désormais l’accessibilité à des services. Aussi, les distributeurs d’assurance orientent leur proposition de valeur vers deux axes principaux :

  • Construire de nouvelles offres simples et personnalisables ;
  • Proposer des conseils accessibles et sur-mesure.

Les assureurs utilisent de plus en plus la « data ». À l’instar de certains secteurs d’activité (Telcos et GAFA notamment), l’assurance se fonde sur l’utilisation des données collectées afin de concevoir des offres simples et adaptées à chaque profil.

Les clients sont de mieux en mieux renseignés sur les domaines de l’épargne (dont l’assurance vie), rendant le secteur d’autant plus concurrentiel. A ce titre, la conception d’offres personnalisables pouvant s’adapter à leurs besoins et attentes devient un axe de différenciation nécessaire.

En parallèle de cette dynamique d’offres personnalisées, des stratégies de simplification des produits émergent. Proposer une offre lisible et compréhensible de tous, afin de s’émanciper de sa traditionnelle réputation de secteur complexe doit être une priorité pour les assureurs. Exemple : « Mon petit placement »[4] a un objectif d’accessibilité et de simplification des portefeuilles de placement en permettant notamment aux clients d’investir – en ligne – des montants à partir de 300 euros sur des supports normalement réservés à une clientèle Premium.

La qualité intrinsèque des produits ne suffit plus à assurer la distribution des produits d’assurance. La qualité du conseil et les services offerts deviennent aussi importants que le prix. L’utilisation de la data pour mieux accompagner le client apparait aujourd’hui comme un prérequis au maintien du lien de confiance et de proximité entre l‘assureur et l’assuré. Cette notion d’accompagnement peut revêtir différents aspects : conseiller personnel ou conseil personnalisé selon la typologie de client et l’ensemble des informations connues par l’assureur, roboadvisor, etc.  Le conseil et l’accompagnement du client sont des biais de contact permettant d’obtenir des informations sur les prospects, d’être plus pertinent sur les actions de vente, et ainsi d'accroitre la satisfaction client.

En parallèle, les distributeurs d’assurance vie doivent refondre et adapter pleinement leur modèle actuel pour le rendre plus performant.

3. Mettre en place un modèle performant

La mission principale des réseaux est d’être au contact des clients. Pour les assureurs, optimiser leur modèle de distribution passe, dans un premier temps, par la diminution du temps consacré par les agents/conseillers à des tâches secondaires, afin de maximiser le temps commercial. Plusieurs leviers peuvent être utilisés :

  • Maitriser la gouvernance des données : outre l’utilisation de la data pour élaborer de nouvelles offres (cf. partie 2), celle-ci est également utilisée par les réseaux de distribution pour faciliter le travail de prospection commerciale. La donnée peut être interne (i.e. les données que le client/prospect a communiqué lors des différents rendez-vous, qui permettent d’identifier les projets de vie des prospects) ou externe, grâce aux habitudes de navigation Internet par exemple, qui sont autant de sources d’information pour les assureurs. L’utilisation des données ou des leads Internet permet d’avoir une démarche commerciale pro-active en vue de préparer au mieux les rendez-vous commerciaux.
  • Favoriser le selfcare client : à l’image de la souscription en ligne, les assurés sont encore peu adeptes du canal digital pour effectuer les actes de gestion sur leurs contrats. Pour autant, 60% des Français disent ne pas avoir besoin de conseils pour la gestion de leur épargne[5] (rachats et versements libres, arbitrages, etc.).  Ainsi, la mise à disposition d’un espace client permettant d’effectuer l’ensemble de ces opérations par l’utilisateur, en Selfcare, apparait comme un autre moyen d’économiser du temps des conseillers.
  • Offrir un service client efficace :  le service client doit être simple pour le client et lui permettre d’obtenir des réponses rapidement, auprès du bon interlocuteur. Les chatbots, couplés à l’Intelligence Artificielle, sont l’une des solutions pour faire gagner du temps aux assureurs : chez AXA France, 50% des interactions liées à la relation client sur les réseaux sociaux se font grâce à un chatbot sur Facebook Messenger, particulièrement utilisé par des jeunes[6].
  • Outiller les distributeurs : l’optimisation de l’efficacité opérationnelle des réseaux de distribution passe également par l’amélioration des outils à leurs dispositions. Plusieurs actions ont ainsi été menées par les assureurs :
    • Doter les réseaux de distribution de terminaux mobiles (tablettes) permettant de digitaliser le processus de bout-en-bout i.e. de la connaissance client à la signature électronique, en passant par l’élaboration d’une solution et la gestion du devoir de conseil.
    • Faire des partenariats avec des start-up pour optimiser la relation commerciale. A titre d’exemple, Zelros propose ainsi d’installer un robot conversationnel sur le poste du conseiller. Ce dernier va proposer l’offre la plus adaptée au besoin du client, maximisant ainsi les chances de vente. D’autres Assurtech, comme Thunderhead, permettent aux assureurs de mieux connaitre l’utilisation faite par les clients de leurs parcours, afin de les optimiser.
    • Utiliser les progiciels de marché/CRM tels que Salesforce pour favoriser l’utilisation des données clients dans la démarche commerciale. Cet outil, de plus en plus utilisé dans le monde de l’assurance, permet entre autres de centraliser toutes les données collectées sur le client, et de mettre en place des tableaux de bords pour piloter la performance commerciale des conseillers ou agents. Pour des raisons réglementaires, notamment liées au devoir de conseil, l’implémentation de CRM permettant d’exploiter ces données est devenue primordiale.

4. Faire monter en compétences les réseaux de distribution

L’optimisation de la distribution des produits d’assurance vie passe enfin par la montée en compétences des conseillers et agents généraux. Ce besoin est accentué notamment par le profil et les attentes des clients qui investissent le plus : le surplus d’épargne dû à la crise de la Covid-19 est, en très grande partie, celle des plus aisés (70% de « l’épargne Covid-19 » a été faite par 20% des ménages les plus aisés[7]). Les foyers les moins riches se sont quant à eux endettés. Cela se traduit par l’augmentation de la part de clients à fort patrimoine, ayant souvent une plus grande appétence au risque et nécessitant des conseils d’ingénierie patrimoniale plus approfondis.

Dans ce contexte, la segmentation des conseillers est primordiale. Elle doit porter à la fois sur le métier (IARD, épargne, santé, etc.) et sur le profil des distributeurs. L’idée est de mettre en place un label d’experts épargne appétents sur une clientèle haut-de-gamme, pour les intégrer dans un programme de formation dédié et leur fournir des outils d’ingénierie patrimoniale (comme le logiciel Big de l’éditeur Harvest par exemple). Ainsi, ces conseillers seront à même de proposer une vraie démarche d’expertise patrimoniale, de la réalisation du diagnostic du portefeuille d’investissement à la sélection des UC compatibles.

Cette montée en compétences des réseaux est, par ailleurs, un moyen de se conformer aux obligations législatives. La Directive sur la Distribution d’Assurance (DDA) fixe, par exemple, des normes de formation strictes pour les distributeurs et leur encadrement commercial. Le devoir de conseil est également de plus en plus surveillé par les régulateurs européens.

Pour être plus efficace dans la distribution de contrats d’assurance vie, les assureurs doivent inventer un nouveau modèle basé à la fois sur la proximité, l’omni-canalité, la simplicité, l’expertise, et se réorganiser pour être davantage agiles et moins silotés, dans le but d’améliorer non seulement leur performance commerciale, mais aussi la satisfaction de leurs clients.


Nous accompagnons régulièrement nos clients dans la transformation de leur distribution en assurance. Ainsi, nous avons, par exemple :

  • Aidé un assureur à optimiser l’implantation de ses agences en utilisant l’analytics ;
  • Accompagné un acteur mutualiste avec notre solution Tirésias dans la modélisation de la cible RH de son réseau, pour anticiper l’évolution du nombre de collaborateurs et des compétences nécessaires en agences ;
  • Co-créé avec un bancassureur une solution de souscription d’assurance vie totalement dématérialisée ;
  • Assisté un assureur dans le lancement d’une offre de mesure de l’exposition des placements aux risques climatiques ;
  • Défini un nouveau modèle relationnel en épargne en fonction de la segmentation des clients et des réseaux/canaux de distribution ;
  • Mis en œuvre avec plusieurs acteurs des solutions de gestion de la relation client et de pilotage de l’expérience client au moyen d’un « cockpit ».

Auteurs : 

Would you like more information?

Si vous souhaitez en savoir plus à ce sujet, nos experts sont à votre disposition.