Les entreprises françaises semblent accuser un retard en matière de digitalisation de leurs fonctions financières. Avec une moyenne de 4,6 sur 10, la France arrive en dernière position, tout juste devancée par l’Allemagne, alors que la moyenne européenne du niveau de maturité digitale s’élève à 4,9 sur 10 – Digitalisation de la fonction finance, mai 2020.

Toutefois, ce retard apparent masque une réalité plus complexe, plus nuancée, de la capacité des directions financières à appréhender les vagues de la transformation digitale.

La France entre deux vagues : le grand écart

La digitalisation de la fonction finance au sein des entreprises françaises est source de paradoxes.

Non seulement les directions financières françaises sont les seules au niveau européen à se situer principalement dans la première vague de digitalisation, mais elles l’affirment très clairement, à 50% des répondants – la moyenne européenne étant à 41%.

La première vague de digitalisation, Operational efficiency, ou le CFO en vase clos, se focalisant sur les activités très opérationnelles d’une direction financière, les ambitions sont donc principalement de rationaliser et d’automatiser les processus afin d’atteindre une meilleure efficacité opérationnelle.

Ce qui pourrait s’interpréter à première vue comme un retard, peut au contraire être perçu comme la sécurisation du socle opérationnel, afin de se tourner plus sereinement vers les activités reporting au sens large, du reporting opérationnel à la data visualisation en passant par le prédictif.

A l’inverse, 15% des directions financières considèrent déjà être dans la troisième vague, Business transformation, dans laquelle les CFO deviennent des pilotes du changement, accompagnant et soutenant la stratégie globale de l’entreprise. Cette fois ci, la France se trouve au-dessus de la moyenne européenne, avec quasiment le même écart, mais inversé, que celui de la vague 1 !

Les fonctions financières françaises se retrouvent donc entre deux extrêmes : l’un avant-gardiste et l’autre marqué par des retards à combler… ou un socle opérationnel à consolider.

Les volontés d’investissements des directions financières françaises sont réelles. En effet, 64% des directions financières prévoient d’investir - dans les nouvelles technologies - plus ou beaucoup plus que leur niveau d’investissement actuel au cours des trois prochaines années.

Mais ces investissements continuent souvent à se porter sur la digitalisation de tâches opérationnelles finance, avec notamment des projets de Robotic Process Automation (RPA) et d’Optical Character Recognition (OCR) et de Chatbots.

Ainsi, la majorité des répondants a toujours l’impression de se focaliser sur les mêmes sujets (amélioration des processus transactionnels, reporting statutaire, …), entrainant ce qui ressemble à de la lassitude. Les sujets analytics et gestion de la donnée pointent timidement le bout de leur nez, avec le lancement d’initiatives sous forme de projets pilotes, alors que ces sujets semblent plus largement adoptés par nos voisins européens.

Il en résulte une appréciation mitigée du niveau global de digitalisation des directions financières : 38% considèrent leur fonction finance à mi-chemin entre l’adopteur tardif et le pionnier.

Des attentes fortes mais des résultats mitigés

La digitalisation est très clairement partie intégrante de la stratégie financière de plus de la moitié des entreprises françaises (56%) bien plus que les entreprises européennes (moins d’un tiers), et cet objectif est très clairement communiqué par le management – 64% en France, 57% en moyenne.

En revanche, l’implication du management est en partie remise en cause : si la majorité des répondants (59%) s’accorde pour dire que leur management est impliqué dans la digitalisation de la fonction finance, plus du quart pense fortement le contraire. Ce contraste est plus fortement marqué en France qu’au niveau des autres pays européens. Encore un paradoxe français !

Est-ce l’une des raisons pour lesquelles les résultats obtenus suite à la mise en place d’initiatives digitales ne semblent pas à la hauteur des objectifs attendus ? En effet, les résultats tangibles ne sont notés qu’« assez bien » (3,2/5 en France) de manière assez uniforme dans tous les pays européens (moyenne de 3,2/5).

De manière certaine, il manque un petit quelque chose pour transformer l’essai, 70% des répondants considérant que le chemin est encore long vers une fonction CFO plus technologique, capable d’innovation et génératrice de nouveaux business models.

La France se démarque encore une fois de ses voisins : si pour tous les autres pays, le frein principal à la digitalisation de la fonction finance est la démultiplication des priorités, la France affiche en première place un manque de stratégie et de vision.

La digitalisation de la fonction finance est bien au cœur des préoccupations, mais la déclinaison opérationnelle de la feuille de route n’est pas si simple et directe. La démultiplication des projets et des initiatives peut à la fois brouiller les messages et générer des résultats contradictoires.

Mais les équipes sont prêtes à relever le défi : 64% des répondants estiment que leurs équipes ont les capacités nécessaires pour prendre la vague de la transformation digitale – contre 65% en moyenne, avec de fortes disparités entre les pays.

Il est donc urgent d’aligner les synergies, les initiatives et les hommes.

En conclusion

Les fonctions financières en France disposent de niveaux de maturités digitaux très hétéroclites, allant d’une digitalisation peu mature à un niveau de maturité très avancé. La tendance sporadique des projets d’investissements technologiques atténue la digitalisation efficiente des fonctions financières. Face aux résultats en demi-teinte de la France, il est utile de savoir où en sont nos voisins européens. C’est l’objet de notre troisième épisode de cette série sur l’étude « CFO 4.0 - Digital transformation in the financial function ».

Avec : Grégoire Chemin, Vinoth Gnanaprabaharane, Jérôme Guididjago

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