Lequel des 5 sens du corps humain est le plus rapide ? Bingo, c’est la vue.
Dans son livre « The User Illusion », le physicien danois Tor Nørretranders vulgarise le résultat de ses travaux en convertissant la « bande passante » de nos sens en termes informatiques, et voilà ce que ça donne :
Il précise, et c’est important, que nous n’avons conscience que de 0,7% de la bande passante de la vue. Tout le reste est inconscient. Le langage de l’œil, c’est les variations de couleurs, de formes et de motifs. L’esprit, lui, parle avec des mots, des chiffres et des concepts. Lorsque nous regardons un graphique représentant des données financières par exemple, une traduction (essentiellement inconsciente donc) se crée entre ces deux langages qui se perfectionnent l’un envers l’autre.
La donnée est partout. Et nous sommes convaincus, chez BearingPoint, qu’une partie de l’ADN du CFO de 2020 tournera autour d’elle : agilité dans la prise de décision, management des talents, nouvelles compétences (comportementales et techniques) et culture d’entreprise.
Fini le temps où les décisions étaient prises sur la base de l’instinct et de l’intuition des managers. L’enjeu des financiers sera désormais d’extraire de l’intelligence des données toujours plus nombreuses, plus variées et qui arrivent en temps réel.
Nous avons les entreprises numériques comme Google, Facebook, Uber et consorts (les fameuses licornes), qui baignent dedans par le suivi régulier et systématique de l’activité de leurs utilisateurs (collecte des données personnelles, de navigation, etc.). Ces entreprises ont une culture basée sur une donnée structurée supportant une grande partie des décisions.
Et puis, nous avons les entreprises plus traditionnelles, qui s’y mettent progressivement. Il va y avoir un « problème de la donnée » : la surabondance des données va instaurer une pression sur les financiers qui vont devoir lutter contre l’effondrement de la confiance et de la fiabilité, le manque de transparence ou même simplement d’intérêt. Le CFO doit-il embrasser le rôle de « gardien du temple » et jouer un rôle actif dans la gouvernance de la donnée au sein de ces organisations ? La nature ayant horreur du vide, des fonctions de CDO (Chief Data Officer) commencent à apparaitre dans certains groupes pour combler ce manque…
Pour résoudre ce « problème », misons sur nos yeux pour comprendre les informations, les modèles et les connexions qui ont de l’importance. Les données doivent raconter des histoires « visuelles » (autant miser sur notre meilleur sens !).
Les chiffres absolus ne veulent plus rien dire dans un monde connecté. Il nous faut des chiffres relatifs qui soient connectés à d’autres données pour avoir une image plus complète : c’est l’objet du design que de construire cela. C’est seulement là-dessus que l’on peut se forger une opinion plus éclairée.
Le design est une des clés permettant aux financiers de résoudre les problèmes avec des solutions élégantes. Cela demande un énorme travail, mais aussi du courage, que de compresser la connaissance pour faire contenir une énorme quantité de données dans de petits espaces tels qu’une diapositive PowerPoint. Ce travail démontre également une volonté de faire comprendre, de susciter l’intérêt, de créer de la curiosité pour faciliter l’appropriation de l’information. Plus l’information est importante et critique, plus cette pédagogie doit évidemment être forte.
Le souci, c’est que les financiers n’ont jamais étudié le design, ils ont étudié la finance. Alors il faut former et pratiquer !
Les nouvelles générations sont plus sensibles aux notions de grille et d’espace, d’alignement et de typographie. Elles ont été exposées dès leur enfance au design d’information de par le Web : expérience utilisateur, visualisation et infographie. Pendant des années, elles ont développé une connaissance « dormante » du design.
Il s’agit donc de réveiller cette connaissance en sensibilisant les équipes financières sur la simplification de l’information financière par le design. S’inspirer des « expériences utilisateurs » exceptionnelles qui sont proposées par les entreprises numériques, diffuser des approches « design thinking » dans les projets financiers, approfondir la « data visualization » dans les reporting, voici quelques-unes des premières marches à franchir pour la fonction finance.
La marche est d’ores et déjà en cours au sein de certaines organisations. Citons par exemple la Finance chez un grand groupe hôtelier qui a co-construit avec des responsables d’hôtel une application de Forecast avec… des boîtes de Cornflakes ! Résultat : cette méthodologie de « design thinking » a suscité une adoption rapide de l’application par le métier. Côté data visualization, une Data Factory d’une grande banque propose à ces clients internes des tableaux de bord « zéro chiffre », dans lesquels tous les graphiques n’affichent pas les valeurs associées. Résultat : un processus de décision concentré sur l’essentiel.
Illustrations de design thinking chez un grand groupe hôtelier
Illustrations de maquette d’une page de tableau de bord « zéro chiffre »
C’est là tout l’apport du design pour le financier : sortir l’essentiel de la masse. Ce phénomène va s’accélérer au fur et à mesure que la finance endossera son rôle d’architecte de la donnée à travers des avancées en termes de big data et d’analytique avancé.
De beaux projets vont éclore au sein des entreprises traditionnelles misant sur « l’expérience utilisateur » pour les financiers, comme pour leurs clients internes. Ces nouvelles façons de lire les chiffres et l’histoire qu’ils racontent serviront l’agilité de la prise de décision, ainsi que la mise en lumière des vrais leviers de performance et des plans d’action associés.
Ci-après un exemple concret d’application réalisée chez un de nos clients dans le secteur de la banque de détail pour optimiser la performance de ses agences :
Etape 1 : l’utilisateur fait le design de son modèle de prévision (choix de l’agence, de l’indicateur, et des leviers d’optimisation).
Etape 2 : l’utilisateur continue le design de son modèle en choisissant les leviers « optimizable » pour les isoler des « contraintes » externes.
Etape 3 : L’optimisation mathématique est ensuite exécutée pour déterminer des valeurs « optimales » qui constitueront une base de construction des futurs objectifs de l’agence.
Auteur : Jeremy Giffard Quillon
The User Illusion: Cutting Consciousness Down to Size – Tor Nørretranders (1998)
Resonate: Present Visual Stories that Transform Audiences – Nancy Duarte (2010)
The beauty of data visualization – David McCandless (conférence TEDGlobal 2010)
Big Data’s management revolution – Erik Brynjolfsson & Andrew McAfee (article Harvard Business Review 2012)
Qu’est-ce que le design thinking ? – Blog Le Recueil Factice (2015)
La fonction financière selon les startups – Nicolas Colin (conférence BAM ! TheFamily 2016)
Visualization That Really Works – Scott Berinato (article Harvard Business Review 2016)
Projet Data Factory – devenir une entreprise Data Driven – P-A. Thébault & N. Ramon (conférence Know your Customer by Mydral 2016)