Ou pourquoi le Lean Six Sigma est passé de l’usine à la direction financière

Toyota, General Electric, Arcelor-Mittal. Le premier est la référence en termes de fiabilité et a longtemps été le 1er constructeur mondial. Le deuxième est aujourd’hui le premier groupe industriel mondial (classement Forbes 2000) et à la pointe de l’innovation (GE a par exemple déposé le célèbre GE.com le 5 août 1986, des années avant le lancement d´Internet). Le troisième propose de suivre sur Internet et en temps réel les émissions de gaz rejetées par ses usines.

Qu’ont en commun ces trois groupes, outre leur succès et leur capacité d’innovation ? Ils ont intégré le Lean et le Six Sigma à tous les échelons de la hiérarchie, au cœur de leur système de production et jusque dans leurs fonctions support. Mais l’association de ces deux concepts est-elle pertinente ? Et le Lean Six Sigma peut-il s’imposer dans la fonction finance ? Est-ce un phénomène de mode ou une tendance de fond ?

Revenons à Toyota pour expliquer ce qu’est le Lean. C’est, en effet, chez Toyota que les principes du Lean sont nés. Trois grandes étapes à retenir :

  • En 1902, Sakichi Toyoda invente le 1er métier à tisser automatique au Japon, qui s’arrête dès qu’un fil se rompt. Il perfectionne sans cesse ses machines, les rendant toujours plus efficaces et meilleur marché.
  • Peu de temps après la création de la Toyota Motors Company, Taiichi Ohno, ingénieur de production chez Toyota, applique les concepts de Sakichi Toyoda afin de supprimer les activités sans valeur ajoutée (les gaspillages ou « Muda »). Le Toyota Production System est né.
  • Étendu aux fournisseurs de Toyota aux Etats-Unis, ce système est finalement théorisé par des chercheurs du MIT, qui lui appliquent le nom de « Lean » en 1987.

Sans en donner une définition détaillée, le Lean peut être résumé comme un mode de gestion visant à l’amélioration continue, fondé sur la notion de flux et la création de valeur pour le client final. Il a pour cible d’éliminer tout gaspillage dans les processus, et de favoriser l’adaptation rapide des organisations face aux attentes mouvantes des clients (zéro inflexibilité).

Le Lean a, entre autres fondements, une forte approche terrain. Comme le précise J. Shook, président du Lean Enterprise Institute, « Toute personne atteinte du virus Lean a au moins un symptôme commun : nous adorons observer le travail. Nous adorons aller sur le Gemba (terrain) et regarder le travail de création de valeur, le vrai travail de l’entreprise ». La valeur ajoutée se crée en effet sur le terrain, et les améliorations doivent être apportées par les opérationnels. Elles apparaissent de façon itérative et à tous les niveaux de la hiérarchie : le Lean vise de multiples petites améliorations réalisées par tous au quotidien, plutôt qu’une grande innovation trouvée par une équipe réduite et isolée de chercheurs.

Le Lean (zéro perte, zéro inflexibilité) est souvent couplé aux principes du Six Sigma, développés notamment chez Motorola et General Electric. Le Six Sigma vise l’élimination des défauts et des variations. L’association de ces deux approches peut donc s’avérer d’une efficacité redoutable pour contribuer à l’amélioration des processus.

A mesure qu’il faisait les preuves de son efficacité dans l’industrie, le Lean Six Sigma s’est répandu hors de son univers d’origine, l’usine, pour être appliqué dans tous les services de l’entreprise, et dans les fonctions support en particulier. Cette déclinaison est appelée « Lean Office ».

Ainsi, les démarches Lean et Six Sigma pénètrent des sphères nouvelles, comme les fonctions financières. Mais peut-on comparer la fabrication d’une voiture à la clôture des comptes ou au traitement d’une facture fournisseur ?

Dans son processus de clôture des comptes, quel responsable financier n’a pas constaté des situations de gaspillage (temps d’attente, contrôles redondants) ? A première vue, et a minima du point de vue du client final, toute activité de bureau est en soi un gaspillage. En ce sens, appliquer les principes du Lean, créer de la valeur et limiter tout gaspillage dans le processus par l’usage d’outils tels que la modélisation de la chaîne de la valeur du processus ou le management visuel, a intrinsèquement une justification.

Par les volumes traités et par son organisation, un Centre de Services Partagés peut être assimilé à une chaîne de production. Dans un CSP comptable, une grande partie des tâches y est répétitive et quotidienne. Le traitement des factures reçues des fournisseurs s’apparente en effet à l’activité d’une usine fabriquant des bons à payer, où l’on va rechercher à accroître la standardisation et la productivité. Et dans ce cas, une démarche Lean Six Sigma s’impose naturellement, et notamment par l’implication de l’ensemble des acteurs du processus (amont et aval inclus) pour la résolution des problèmes.

Au-delà de ces deux exemples, le Lean Six Sigma répond aux problématiques des directions financières. Nombre d’entre elles, ayant déjà mené des projets « de rupture » (mise en place d’ERP, création de CSP), ont en effet connu une phase de stabilisation de leurs processus et de mise en conformité suite à l’instauration de contraintes règlementaires de plus en plus nombreuses (SOX, évolutions des normes IFRS, LSF). Ces directions financières doivent aujourd’hui s’inscrire dans une démarche d’amélioration continue de leurs processus pour accroître la valeur qu’elles apportent à l’entreprise.

La fonction finance doit devenir vertueuse : elle doit évaluer et rendre performants ses propres processus pour répondre à ses clients en interne, et ne plus se positionner uniquement comme une fonction consommatrice de chiffres, de données et d’indicateurs provenant d’autres services de l’entreprise. Elle doit répondre à la question : quelle est la valeur que je crée pour l’entreprise ? Est-ce que je réponds aux attentes de mes clients en interne ? Suis-je pour eux un vrai « business partner » ou au contraire, le temps passé et les ressources allouées à la production des reportings statutaires, sont-ils trop importants pour que je puisse me concentrer sur les reportings de gestion réellement utiles au pilotage de la performance ?

A ce titre, les résultats obtenus lors de nos missions Lean Six Sigma au sein de CSP montrent la pertinence et la force de la démarche. Nous avons, par exemple, pu augmenter l’indice de satisfaction client de plus de 20%, tout en réduisant les temps d’exécution de cycle de l’ordre de 20%.

Ainsi, l’adaptation de la démarche Lean Six Sigma à la fonction finance est plus encore qu’une tendance de fond : c’est un chemin avéré de performance, au service de la création de valeur pour l’entreprise. Avec un savoir-faire et une maîtrise riches de nombreux succès, nous sommes déterminés à promouvoir ce chemin de performance, et y accompagner les directions financières. En somme, offrir une touche d’adrénaLean ;)

Auteurs : Elisabeth Denner, Sébastien Canonne, Vincent Boumier et Thibault Teillet