Au fur et à mesure de leur maturation, les principales économies du monde se sont vues dominées par des entreprises axées sur les services. De même, l’existence d’une activité de service au sein des entreprises industrielles est devenue quasi-systématique.
Cependant la notion de service semble assez confuse dans les esprits. Celui-ci reste souvent appréhendé avec l’unique prisme des produits et du manufacturing, ce qui ne permet pas de capitaliser entièrement sur ses bénéfices.
Opérer pleinement un business de service présuppose une transformation majeure de l’entreprise. Celle-ci est bien trop souvent négligée.

Le service : une notion encore impalpable

La norme ISO[1] définit un « service » comme le « résultat d’au moins une activité nécessairement réalisée au niveau de l’interface entre le fournisseur et le client, et qui est généralement immatériel ». Compliqué ? Essayons une autre définition. Un service est une prestation qui consiste en « la mise à disposition d'une capacité technique ou intellectuelle » ou en « la fourniture d'un travail directement utile pour l'usager, sans transformation de matière ».
Des définitions, il en existe encore plusieurs : au total, plus de 100 versions différentes[2] ont été introduites par l’ISO au fur et à mesure de ses publications. Cela témoigne d’une maturité encore insuffisante dans le domaine du service (vis-à-vis de la production ou de l’engineering par exemple).

Un modèle économique très attirant …

Les avantages d’un business model serviciel sont nombreux :

  • des marges généralement plus élevées que celles générées par les ventes de produits ;
  • des flux de revenus plus stables et plus récurrents - i.e. ventes de pièces détachées sur long terme, abonnements ;
  • des nouvelles opportunités de croissance (new business services) ;
  • un alignement avec les stratégies de développement durable - faible consommation de matières et de ressources.

… mais rarement exploité au maximum de son potentiel

Face à ces avantages, la plupart des entreprises se sont lancées dans les activités de service, mais en adoptant un modèle « Product-Centric ». On y retrouve toutes les activités de service « classiques » proposées en après-vente des produits, sans forcément garantir une cohérence globale du business. Pour tirer encore plus d’avantages, il reste à franchir le cap du « Product-Centric », qui suppose une transformation profonde.

2 facteurs clés pour réussir la transformation

  1. Changer d’état d’esprit de « Product-Centric » vers le « Service-Centric »

Il s’agit de commencer à penser le service comme un business en soi, et non comme une brique post-vente. Penser le service comme un business, c’est intégrer ses exigences dans le cœur du réacteur de l’entreprise, ou encore faire cohabiter les écosystèmes d’avant-vente et après-vente au sein d’un tout. Ce changement d’état d’esprit induit des impacts importants sur l’ensemble des fonctions de l’entreprise, dont voici quelques exemples :

  • La R&D doit penser à intégrer les objectifs des Service Level Agreement au sein des critères de conception et de production, ce qui nécessite d’assurer une continuité digitale entre la conception et la maintenance.
  • Les Achats doivent arrêter d’acheter dans l’unique but de produire sur du court terme, mais également pour des années de maintenance, ce qui suppose de bien intégrer les concepts d’obsolescence ou d’évolution des prix.
  • La Finance doit redéfinir les modèles de costing et faire évoluer ses modèles de pilotage en définissant de nouveaux indicateurs plus adéquats afin de suivre la performance sur le long terme.
  • Les maintenanciers doivent évoluer d’un positionnement technique à positionnement technico-commercial. En effet, ils deviendront les premiers fers de lance du processus commercial de l’entreprise.

  2. Be a Network Orchestrator[3] : créer davantage de valeur par la plateforme

Le business du Service offre aux entreprises l’occasion inégalée de faire cohabiter l’ensemble des parties prenantes au sein d’un écosystème commun. Si les clients, les opérateurs, les consommateurs, les fournisseurs, et potentiellement d’autres tierces parties (Etat, Organismes de régulation, think tanks d’innovation, etc.) se mettaient à parler le même langage : le vôtre ?
Un rêve pour les entreprises, devenu possible grâce à l’essor des plateformes digitales et de la data.
Plus besoin de rechercher en profondeur les dernières mises à jour de documentation technique du fournisseur, celles-ci sont directement intégrées dans la plateforme et mises à disposition du client. Plus besoin d’estimer (souvent incorrectement) les conditions d’opération d’un équipement, celles-ci sont également intégrées dans la plateforme !
En plus de fournir une réelle valeur ajoutée par la mise en relation de cet écosystème, la notion de Network Orchestrator permet de monétiser un savoir-faire (systèmes d’information, data science, etc.) aujourd’hui réduit au simple socle de service interne. Schindler ou Veolia ne sont que quelques exemples d’entreprises y étant parvenu.

S’il ne fait plus aucun doute que le service a un caractère très attractif et disruptif, il demeure aujourd’hui assez mal cerné par les entreprises. Pourtant, toutes, quel que soit leur secteur, sont aujourd’hui concernées par cette transformation vers le Service-Centric.
De plus, leur principal enjeu est d’être le premier sur le marché des plateformes pour bénéficier d’un avantage concurrentiel majeur, comme en témoigne la lutte actuelle entre Airbus et Boeing[4].
Il est donc crucial que les entreprises se lancent dans cette transformation, et vite !


Auteurs :