Introduction

Le prélèvement à la source, mode de recouvrement de l’impôt sur le revenu consistant à faire prélever directement l’impôt par l’employeur (ou par tout organisme versant une pension ou un revenu de remplacement) sera effectif au 1er janvier 2019. Ce modèle de prélèvement, déjà appliqué chez la quasi-totalité de nos voisins européens vise deux grands objectifs : s’adapter à la vie du contribuable en supprimant le décalage d’un an entre la perception des revenus et leur imposition et mieux répartir l’impôt sur l’année en s’assurant que l’impôt prélevé aura la même temporalité que les revenus perçus.

Pour rappel, les grandes étapes de mises en œuvre du prélèvement à la source :

Le passage au prélèvement à la source, en plus d’impacter la vie du contribuable français, va provoquer des changements au sein des entreprises qui seront dès 2019 responsables de collecter l’impôt sur le revenu. Mettre en place le prélèvement à la source au sein de son entreprise qu'est ce que cela signifie ? Quelles sont les transformations à opérer pour pouvoir appliquer le nouveau mode de prélèvement ? Finalement, comment préparer cette transformation ?


Quels sont les grands changements induits par la mise en place du prélèvement à la source pour les entreprises ?

Le prélèvement à la source crée un nouveau processus de recouvrement de l’impôt sur le revenu

Le prélèvement à la source modifie l’ensemble du processus de déclaration des revenus en vigueur jusqu’alors pour les contribuables, pour les employeurs et pour la DGFIP.
En synthèse :

Le prélèvement à la source s’appuie sur la DSN pour permettre les échanges d’informations entre la DGFiP et les entreprises

Pour assurer leur rôle de collecteur de l’impôt, les entreprises privées devront communiquer avec la Direction Générale des Finances Publiques (DGFiP) en passant par la Déclaration Sociale Normative (DSN) et le portail Net-Entreprises. Déjà utilisée depuis 2017 en remplacement de l’ensemble des déclarations sociales adressées par les employeurs aux organismes de protection sociale, cette DSN sera enrichie par les éléments relatifs au prélèvement de l’impôt sur le revenu, à savoir : la rémunération nette fiscale, le taux de prélèvement appliqué par l’entreprise au mois m-1 et le montant de la retenue à la source par salarié au mois m-1. En retour, l’Administration fiscale transmettra aux entreprises le taux à appliquer à chaque salarié le mois suivant par flux retour (au travers des CRM nominatifs, dont le format est similaire aux autres Comptes Rendus Métier déjà mis à disposition des entreprises par les organismes récepteurs de la DSN). Enfin, la DGFiP prélèvera à date fixe, directement sur le compte bancaire des entreprises, la somme correspondant à l’impôt collecté de tous leurs salariés.

À noter toutefois que les institutions publiques, n’ayant pas encore mis en place la DSN, à la différence des entreprises du secteur privé, utiliseront la déclaration prélèvement à la source pour les revenus autres (Pasrau). Cette déclaration, bien que différente, se fonde sur les mêmes principes, en prenant toutefois en compte quelques aménagements particuliers.

Le prélèvement à la source soumet les entreprises à un risque financier conséquent

La nouvelle responsabilité de collecte de l’impôt expose les entreprises à de nouveaux risques financiers. En effet, un arsenal de sanctions est prévu en cas de manquement aux obligations du collecteur, à savoir : en cas d’omission d’information, de non dépôt de la déclaration dans les délais prescrits, de défaut déclaration, de défaut de versements, de violation du secret professionnel, etc.
Les sanctions encourues par les entreprises sont nombreuses et peuvent aller d’une amende de 5% des retenues en cas d’omission ou d’inexactitude (article 1759-0 A du Code Général des Impôts) à une amende de 15000 euros en cas de violation intentionnelle du secret professionnel, à savoir les éléments d’État civil, le taux de prélèvement transmis par la DGFiP et le montant de la retenue à la source (article L103 du Livre des procédure fiscales et article 226-13 du Code Pénal).

Quelles sont les clés pour préparer ces changements et sécuriser la mise en place du PAS au sein de l’entreprise ?

Tous ces changements appellent à une transformation de certaines activités sur la chaîne de valeur de la Paie, transformation à laquelle il est nécessaire de se préparer. Cette préparation passe aujourd’hui par quatre leviers clés : s’assurer de la mise à jour du logiciel de paie et de son bon fonctionnement, mettre en qualité les données RH de l’entreprise, penser la transformation organisationnelle et conduire son changement.

S’assurer de la mise à jour du logiciel de paie et de son bon fonctionnement

La mise en place du prélèvement à la source exige une mise à niveau des outils de paie : par la mise à jour règlementaire de l’actuel outil de paie, et, éventuellement, par le déploiement d’un module dédié proposé par l’éditeur du logiciel de paie.

Que cette mise à jour soit portée en interne ou par un tiers (éditeur ou centre de service dédié à la maintenance de l’outil) il est nécessaire de s’assurer, en interne, du fonctionnement opérationnel de l’outil par la réalisation d’une recette (et potentiellement la mise en place de tests de non-régression). À ce titre, il est intéressant de savoir que 82 éditeurs de paie du marché se sont engagés, en signant une charte avec l’Administration fiscale, à ce que les outils soient disponibles à l’été 2018, pour permettre aux entreprises volontaires de participer dès septembre 2018 à une phase de préfiguration du prélèvement à la source. Cette phase consiste pour les entreprises/collecteurs à faire figurer sur les bulletins de salaire le montant du prélèvement qui aurait été acquitté si le prélèvement à la source avait été en vigueur. Ce montant de retenue sera calculé sur la base du taux réel (calculé sur la déclaration des revenus du printemps 2018) transmis par l’Administration fiscale à l'employeur. Cette préfiguration sera alors l’occasion d’effectuer les derniers tests techniques, à la fois du module dédié et de l’espace DSN. Bien qu’effectuer cette préfiguration ne soit pas obligatoire pour l’entreprise, il semble peu judicieux d’en faire l’économie car elle permet d’anticiper plus finement les changements à venir et de prendre un rôle actif dans cette transformation.

Mettre en qualité ses données RH

L’envoi du taux de prélèvement à la source par l’Administration fiscale est très fortement dépendant de la qualité des données qui lui ont été envoyées. En effet, la DSN qui sera déposée par l’entreprise portera un certain nombre d’informations sur l’ensemble de salariés (notamment l’État civil et le NIR). L’Administration fiscale rapprochera ces données avec sa propre base de données contribuables. Si les données correspondent, l’Administration fiscale « reconnaîtra » le salarié comme contribuable et sera donc capable de transmettre à l’entreprise le taux de prélèvement à la source. Dans le cas contraire (on parle de non reconnaissance), l’Administration fiscale ne transmettra pas de taux ; ce qui implique nécessairement l’application du taux non personnalisé (issu du barème du code des impôts), qui peut être préjudiciable pour les salariés. C’est pourquoi la mise en qualité des données individuelles des salariés n’est pas à négliger.

Penser la transformation organisationnelle

La mise en place du prélèvement appelle à la transformation de certaines activités existantes, et fera également émerger de nouvelles tâches. Le nouveau mode de recouvrement demandera, entre autres : l’adaptation des processus de paie, l’acquisition d’une expertise fiscale, le renforcement de la confidentialité des données, une adaptation de l’organisation de la chaîne de valeur de la paie de bout en bout (de la saisie des données individuelles jusqu’à la comptabilité de la paie, en passant par l’envoi de la DSN) et enfin un effort de pédagogie auprès des collaborateurs de l'entreprise.

Il sera nécessaire d’identifier les activités et acteurs, à la fois au sein des services RH, mais également au sein des autres fonctions support de l’entreprise, qui seront impactés par le prélèvement à la source. Il conviendra ensuite de décrire l’ensemble des processus cibles qui devront être mis en place pour opérer chaque mois le prélèvement de l’impôt sur le revenu. Il faudra donc identifier des responsables, les faire monter en compétences si besoin, et établir des procédures pour un certain nombre d’activités : la réalisation de « contrôles métiers » mensuels (comme par exemple des contrôles de cohérence entre le calcul de la retenue à faire sur le salaire et la retenue à déclarer en DSN), la gestion des régularisations, anomalies et cas particuliers, la supervision du paiement à la DGFIP, la réponse aux sollicitations des salariés, la veille réglementaire, etc. Il apparaît, en conséquence, que l’organisation de l’entreprise devra être repensée pour intégrer ces activités, ces modes de fonctionnement et la charge de travail qui leur est associée.  

Conduire le changement

La conduite du changement reste l’une des clés de réussite d’un projet de transformation. Dans ce cas, l’enjeu n’est pas de susciter l’engouement et l’adhésion à un projet nouveau, mais d’expliquer et de clarifier les rôles et responsabilités entre l’employeur et la DGFIP, ainsi que de calmer les inquiétudes liées à cette réforme. Dans le cadre de la mise en place du prélèvement à la source, la conduite du changement est d’autant plus importante que le projet touche à un sujet extrêmement sensible, l’impôt, et suscite, avant même sa mise en place, un nombre de questions légitimes, notamment autour des impacts liés aux nouvelles procédures et de la confidentialité des données. Enfin, pour qu’elle soit efficace, cette conduite du changement doit s’inscrire dans la continuité du calendrier de mise en œuvre de la réforme et s'opérer à plusieurs niveaux au sein de l’entreprise : à la fois auprès des gestionnaires dont les tâches seront amenées à évoluer (sans oublier ceux qui seront en première ligne des interrogations des collaborateurs tels les RH de proximité) et des collaborateurs eux-mêmes.

Conclusion

Le prélèvement à la source sera effectif en début d’année prochaine. Malgré les demandes, le gouvernement l’a réaffirmé : il n’est pas question de repousser à nouveau l’échéance. Les entreprises doivent désormais se mettre en ordre de bataille et préparer la mise en œuvre opérationnelle du prélèvement à la source. Si les changements à venir ne sont pas insurmontables, ils restent cependant techniques, nécessitent une évolution de l’outil, mais surtout une véritable adaptation des procédures métier et de l’organisation. L’entreprise engageant sa responsabilité dans ce processus, la préparation au prélèvement à la source doit être anticipée afin de pouvoir être au rendez-vous en janvier 2019.

 

Auteurs :

Marine Behilil, consultante
Lisa Lopez, consultante
Marianne Palsky, consultante

Sources :

Portail du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu du ministère de l’économie et des finances (https://www.economie.gouv.fr/prelevement-a-la-source)