« Un bon DRH ne fait pas la une des journaux ». Derrière cette affirmation, un professionnel qui commente les évènements récents d’Air France, soit la surmédiatisation « de la chemise arrachée » de Xavier Broseta, DRH d’Air France. Nul besoin de revenir sur les détails de cette affaire largement commentée dans la presse française et internationale. En revanche, dans le contexte du cas Air France, ces mots venant d’un professionnel des ressources humaines interpellent : Le métier de DRH serait-il plus à risque maintenant que par le passé ? Le monde de l’entreprise serait-il plus violent ? Ou les DRH seraient-ils moins bien préparés à répondre aux dérapages ? Ce sont les questions que nous allons adresser dans ce billet.

Un métier exposé…

Depuis le début de la crise en 2008, le phénomène de « bosnapping » s’est démultiplié, souvent après des annonces de fermeture de site. Les cadres de PSA, La Poste, Caterpillar, Goodyear Dunlop Tires, Molex (dont souvent des DRH / RRH ) pour ne citer que quelques exemples, en ont tous fait les frais, sans que les auteurs soient régulièrement poursuivis devant la justice et encore moins condamnés. A cela, une seule exception, trois salariés de La Poste qui ont été condamnés à des amendes en appel en février 2013 suite à une séquestration en mai 2010.  En effet, ces pratiques sont bel et bien condamnées légalement (note 1), même si, selon Laurent Gamet, avocat, les entreprises hésitent à « poursuivre [les salariés] pour ne pas rajouter de la tension à la tension ».

Ces manifestations extrêmes, comme les évènements récents d’Air France, ne sont cependant que la partie émergée d’un phénomène beaucoup plus inquiétant, qui a trait à la montée d’une violence diffuse dans l’entreprise (note 2), avec l’augmentation des risques psycho-sociaux, des problèmes psycho-affectifs des salariés, ainsi que la montée du fait religieux en entreprise. Or, ce sont bien souvent les DRH qui sont en première ligne pour gérer ces problématiques.  De fait, ils sont également des cibles privilégiées dans un contexte où les attitudes agressives envers la hiérarchie se banalisent (note 3).  

Il semblerait donc en effet que le métier de DRH, dans un monde du travail rendu plus violent par les soubresauts d’une économie globale fragilisée, est plus à risque maintenant que par le passé.

… qui nécessite un haut niveau de technicité…

C’est souvent à l’occasion des restructurations que cette violence éclate au grand jour, comme pour Air France. Dans ces cas, « le DRH, qui incarne souvent le plan social, est apostrophé, bousculé », selon Jean-François Amadieu (note 4), dans un corps-à-corps qui n’est pas sans rappeler les pires heures de l’histoire nationale.

Néanmoins, tous les plans sociaux ne se passent pas comme chez Air France. Par ailleurs, pour Jean-Luc Vergne, ancien DRH de PSA Peugeot-Citroën et de BPCE, les restructurations des entreprises sont moins violentes sur la forme : « Dans les années 1970, les salariés s’attaquaient à l’environnement du travail. […] Je faisais appel lorsque nécessaire à des cordons de gros bras. […] J’étais protégé par le service d’ordre de la CGT. » (note 5)

De plus, beaucoup d’entreprises aujourd’hui anticipent les changements majeurs à venir en engageant un véritable dialogue avec les partenaires sociaux, comme par exemple dans le cas des transformations induites par le digital chez Axa ou Orange (note 6). Or les négociations en amont permettent souvent de déminer le terrain social, de répondre aux craintes légitimes des salariés et de préparer ainsi des transitions en douceur.

Dans ces cas, le DRH a ainsi beaucoup plus de latitude quant aux actions à mettre en place pour permettre à l’entreprise et à ses salariés de s’adapter aux évolutions du marché : vulgarisation / évangélisation des nouveaux concepts, plans de formation, accompagnement des métiers en déperdition, etc.

…à laquelle de moins en moins de DRH sont préparés.

Encore faut-il être préparé à mener à bien ce type de négociations. Or, selon une étude prospective de l’ANDRH publiée en avril dernier, les DRH montrent de moins en moins d’appétence pour leurs missions « traditionnelles », dont la gestion des relations sociales (note 7). Ce qui, selon le président de l’association, Jean-Paul Charlez, « est un non-sens à l’heure où beaucoup de sujets sont renvoyés aux négociations d’entreprise » (note 8).

Ce phénomène qui touche les DRH est couplé à une moindre sensibilisation aux relations sociales des cadres en général, comme dans le cas de La Poste, où les cadres stratégiques étaient traditionnellement « formés au dialogue [social]». Selon Jean-François Amadieu, cette pratique a disparu en faveur de la sensibilisation à d’autres sujets sociétaux, comme les risques psycho-sociaux susmentionnés.

Le DRH, ce héros en devenir

En conclusion, bien que le monde de l’entreprise soit moins violent sur la forme qu’il y a trente ans, les DRH, tout comme les autres cadres dirigeants, semblent être moins bien préparés à la gestion des situations de crise et aux germes de conflit.

Peut-être faut-il y voir une opportunité de retourner aux « sources » du métier en anticipant les changements à venir, en renforçant le dialogue avec les partenaires sociaux et en l’inscrivant dans la durée. Et, pourquoi pas, en le « marketant » également afin que, demain, le DRH soit un héros avéré (et non plus insoupçonné !) des restructurations réussies.

Avec la contribution de Mihaela Vlad Rivoallon

Contact: Olivier Parent du Chatelet, Associé