Le 11 décembre 2014, nous avions abordé ensemble les enjeux de la réforme des seuils sociaux, souhaitée par le pouvoir Exécutif, dans notre article « Syndicats : à quand le changement de posture ? ». L’ensemble des instances représentatives des salariés et du patronat se sont réunis pendant 3 mois, jusqu’au 22 janvier 2015, pour… ne rien signer. Que s’est-il passé ?

Un dialogue social complexe et chronophage

L’ensemble des partenaires sociaux était présent (MEDEF, CGPME, UPA, CGT, CFDT, FO, CFTC et CGC) non seulement pour réformer les seuils sociaux mais surtout pour simplifier l’animation du dialogue social. Condition nécessaire à la relance de l’emploi, selon le gouvernement.

Il faut bien l’avouer, aujourd’hui la compréhension du mode de désignation, des prérogatives et des leviers d’actions des Comité d’Entreprise (CE), Comité d’Hygiène de Sécurité et des Conditions de Travail (CHSCT), Délégué du Personnel (DP), Délégué Syndical (DS)…est assez complexe.

 A cela, il faut ajouter des modes de fonctionnement chronophage.

Un exemple marquant. Combien d’entreprises ont vu défiler de long mois pour obtenir un avis consultatif du CE, lors d’un projet de réorganisation, alors que les délais étaient contraints ? En effet, le CE ne pouvant pas se prononcer sur les questions de « sécurité » inhérentes à la réorganisation visée, il fait alors appel au CHSCT qui sollicite à son tour des « experts » pour enfin pouvoir soumettre son avis au CE qui pourra enfin rendre le sien à l’employeur…

Une réforme ambitieuse…voire trop

Dans un esprit de simplification et d’efficacité, la principale mesure portée par le MEDEF et la CFDT consistait en la création d’une instance unique « Conseil d’Entreprise », regroupant les prérogatives des CE, CHSCT, DP et DS, pour les entreprises de 11 salariés et plus (versus l’instauration, à date,  d’un CE et d’un CHSCT au-delà de 50 salariés). Une révolution pour les partenaires sociaux ! Même le gouvernement a trouvé cette proposition « assez éloignée », comprendre ici très volontariste, de l’esprit initial de la réforme souhaitée.

Les représentants des salariés ont émis un veto sur la disparition en tant que tel du CHSCT. Leur crainte est de voir cette instance transformée en « option » et que les questions liées aux conditions de travail deviennent à leur tour « optionnelles ».

L’occasion de simplifier le dialogue social est gâchée !

Un dialogue social réduit comme peau de chagrin

Au-delà de l’échec de ces négociations, le plus inquiétant est que la mue des syndicats tarde à venir. Comme nous l’avions évoqué dans notre article du 11 décembre 2014 « Syndicat : à quand le changement de posture ? », ces derniers campent sur leur posture de revendication plutôt que d’adopter celle de la co-construction et d’adaptation, d’autant plus nécessaire dans une période de crise où les transformations des entreprises sont nécessaires.

A leur décharge, les représentants du patronat doivent aussi accélérer leur prise de conscience de l’intérêt du dialogue social, « sans passionner les débats » comme l’évoquait le 1er ministre Michel ROCARD le 28 janvier 2015.

La CGPME n’a pas soutenu le MEDEF durant cet épisode. En effet, une des contreparties de la création d’une instance unique était le renforcement du dialogue social dans les entreprises de moins de 11 salariés. Mesure rejetée en bloc.

A cela il faut ajouter le retard des négociations des contreparties au « pacte de compétitivité », la difficulté de mettre en place le « compte pénibilité » et l’enlisement actuel des négociations avec les transporteurs routiers…

Si le dialogue social n’est pas totalement rompu puisque le MEDEF et la CFDT continuent à négocier, il est tendu et se réduit comme peau de chagrin. Cela n’est pas de bon augure avant les négociations à venir sur la sécurisation de l’emploi (possibilité de faire varier les salaires et le temps de travail, à la hausse ou à la baisse sur une durée déterminée, en fonction du carnet de commande) ou encore sur celle de l’AGIRC ARRCO, caisse complémentaire de retraite déficitaire de 5 milliards d’euros en 2018.

L’ensemble des parties prenantes doit renouer immédiatement leurs échanges. A défaut, et à l’instar de la réforme des seuils sociaux, l’Etat légiférera et imposera des règles de fonctionnement aux entreprises sans prendre en compte les spécificités de chacun. Cela commence déjà avec la réforme des seuils sociaux. François REBSAMEN, ministre du travail, l’a déjà confirmé.

Avec la contribution de Roch Chevignard

Contact: Olivier Parent du Chatelet, Associé