En dépit de l’indispensable développement de sources d’énergie alternatives, le pétrole va continuer à occuper un rôle clé à moyen terme dans nos sociétés. D’après l’Union Française Des Industries Pétrolières (UFIP), en Europe, en 2014, la part de pétrole était de 33 % dans l’énergie primaire, de 39 % dans l’énergie finale et de 94% dans le transport. D’ici à 2040, d’après l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE), en Europe, sa part sera au moins de 22% de l’énergie primaire et plus de 75 % de l’énergie nécessaire au transport. De fait, une trop grande volatilité des prix du pétrole est une source majeure d'instabilité des prix dans l'économie mondiale. Théoriquement au-delà d'un certain seuil, l'instabilité des prix n'encourage pas l'investissement et est donc récessif. D'où l'importance que les pays producteurs majeurs de pétrole adoptent des politiques coordonnées.

Qu'est- ce que l'OPEP ?

Fondée en 1960 à Bagdad, l’OPEP (Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole) compte aujourd’hui 14 membres (l'Angola, l'Arabie saoudite, le Congo, l'Équateur, le Gabon, la Guinée équatoriale, l'Iran, l'Irak, le Koweït, la Libye, le Nigéria, les Émirats arabes unis et le Venezuela). Son rôle originel est d’adopter des politiques communes sur le marché pétrolier de manière à garantir une certaine rentabilité des capitaux investis à ses membres.

Un GAME CHANGER : la révolution du schiste

A date, les États-Unis sont devenus le premier producteur mondial de pétrole devant la Russie et l’Arabie Saoudite. Ceci est dû à l'essor notoire du pétrole de schiste. Grâce au pétrole de schiste, en 6 ans (de 2012 à 2018), la part de marché des États-Unis dans la production mondiale est passée de 6,7% à 10,5% au détriment de celle de l'OPEP (43% à 39.8%).


Sources : OPEC ; IEA 

Cette tendance n'est pas près de s'arrêter car le chiffre record de production de 12 millions de b/jr en moyenne a été atteint en début Mai 2019 aux États-Unis. Et d’ici à 2024, grâce au pétrole de schiste, l’AIE estime que la production de pétrole aux États-Unis représentera 70 % de la hausse à l’échelle mondiale de la production de pétrole.

Le ralentissement de la croissance de la demande mondiale

En Août 2019, le FMI a revu à la baisse ses perspectives de croissance mondiale pour 2019 et 2020 de l’ordre 10 points de base (0,1%). En parallèle, l'AIE a également revu à la baisse ses prévisions de croissance de la demande mondiale de pétrole pour 2019 passant de 1,4 millions de b/jr (projections d'Avril 2019) à 1,2 millions de b/jr (projections de Juin 2019).


Sources : Bloomberg ; IEA

Les résultats mitigés de la stratégie de l'OPEP+

Face à l'essor du gaz de schiste, l'OPEP a noué depuis 2016 une alliance stratégique avec 10 pays producteurs de pétrole (parmi lesquels la Russie, l’un des 3 plus grands producteurs mondiaux) formant ainsi l'OPEP+.  Afin de maintenir les cours du pétrole à un niveau satisfaisant, les pays de l'OPEP+ ont entamé une stratégie de réduction de leur production de pétrole. Cependant, les résultats de cette stratégie sont mitigés si l’on part du principe que cette stratégie vise concrètement à créer une baisse de l’offre de pétrole par rapport à la demande. En témoigne le graphe ci-dessous qui met en évidence une surproduction de pétrole à l'échelle mondiale depuis T2 2018 et des déficits (demande ≥ offre) sur trois trimestres en 2017.

Les résultats mitigés de la stratégie de l'OPEP+ sont dus au moins à deux facteurs clés d'un point de vue économique :

- L'essor de la production américaine de pétrole

- Le ralentissement de la croissance de la demande mondiale en pétrole

En synthèse, les cartes sont en train d'être redistribuées sur le marché mondial pétrolier. En effet, dans un contexte conjuguant à la fois l'essor de la production américaine de pétrole et le ralentissement de la croissance de la demande mondiale en pétrole, l'OPEP+ n'a d'autre marge de manœuvre pour maintenir une pression haussière sur les cours que d'adopter une stratégie de réduction de sa production de pétrole. Les résultats de cette stratégie s'avèrent jusque-là plutôt mitigés. Toutefois, tout scénario de dislocation de l’OPEP sur le court/moyen terme est à écarter au regard des enjeux pour les pays membres et leurs alliés. Un tel scénario fragiliserait davantage les pays membres dans un contexte géopolitique et économique déjà contraint.

 

Auteurs : 

Otniel Sovoessi, consultant
Anthony Dos Reis, Manager