La Blockchain, remède miracle pour enfin réduire l’empreinte énergétique des data centers ?  

On estime aujourd’hui à 9 millions le nombre de data centers à travers le monde. Ces monstres énergivores émettent autant de gaz à effet de serre que le transport aérien[i]. Réduire la consommation d'énergie de ces centres de données est une étape obligatoire pour construire une société numérique durable. De nombreuses initiatives naissent pour minimiser l’impact environnemental du stockage des données[ii].

La technologie blockchain[iii], sujet d’innovation par excellence de ces dernières années, s’attaque également au sujet.

La blockchain et la technologie de calcul distribué au service de la réduction de l’empreinte environnementale

La blockchain pourrait contribuer à la réalisation d’une place de marché distribuée dans laquelle différents acteurs peuvent mettre à disposition leurs ressources informatiques — serveurs, jeux de données, applications — formant ainsi un « Cloud distribué ». Ce cloud distribué est la mise en commun de systèmes distribués de calcul afin que des ordinateurs se coordonnent pour exécuter des calculs de grande taille qui en temps normal nécessiteraient l’utilisation de super-calculateurs pour s’exécuter. 

Cette nouvelle utilisation de la blockchain ouvrirait ainsi des perspectives dans le domaine de l’optimisation de l’utilisation des data-centers avec une réduction de leur empreinte environnementale. C’est sur ce projet que travaille l’équipe de recherche AVALON[iv], commune à Inria, ENS de Lyon, et Université Lyon1, en collaboration avec la start-up Stimergy.

Stimergy[v] recycle la chaleur des serveurs pour une transition numérique durable

La start-up Stimergy, basée à Grenoble, conçoit des chaudières numériques que l’on installe en complément du chauffage central des habitations. Ces chaudières numériques sont des serveurs dont la chaleur dissipée par les processeurs sert à chauffer l’eau du logement. Le serveur est généralement situé dans le sous-sol d'un bâtiment et l'eau est réchauffée avant d'être distribuée dans le bâtiment. Des serveurs de ce type ont été déployés dans plusieurs endroits en France, comme à la piscine publique de la Butte-aux-Cailles à Paris.

Stimergy s'adresse à 2 types de clients. En amont, ce sont les entreprises qui font héberger leurs données informatiques sur les serveurs de Stimergy intégrés aux chaudières et en aval ce sont les aménageurs, promoteurs, bailleurs, bailleurs sociaux, collectivités qui récupèrent la chaleur issue des serveurs pour l’envoyer en complément du chauffage de l’eau chaude sur tout type de logements.

1 serveur Stimergy produit 80 litres d’eau chaude par jour, soit la consommation de 2 adultes et 1 enfant.

Ce concept connait un essor très important dans les smart cities dont un des objectifs est d’optimiser l’utilisation des ressources.

L’équipe de recherche AVALON a réalisé un POC (proof of concept) de Cloud distribué qui repose sur la blockchain Ethereum. Les « chaudières numériques », serveurs de Stimergy, peuvent être réservées grâce à des « smart contracts », accessibles via la blockchain Ethereum, sans intermédiaire. Les réservations des ressources de calcul serveurs sont visibles en temps réel sur le logiciel Iex.ec[vi], développé par l’équipe de chercheurs. Iex.ec serait, dans une certaine mesure, le « Airbnb du serveur », une place de marché de la ressource informatique. 

En répartissant les serveurs au sein même de la ville, cette approche de Cloud distribué, rendue possible par l’utilisation simultanée de blockchain et du calcul distribué a plusieurs avantages : plus besoin de systèmes de climatisation pour rafraichir les data centers et l’énergie fournie par le serveur sous forme de chaleur est ainsi recyclée à usage domestique.

Charité bien ordonnée commence par soi-même : la blockchain, elle-même un gouffre énergétique, doit d’abord se verdir.

Les bitcoins et les technologies blockchain en général, font partie des nouveaux systèmes développés sans se soucier de leur impact énergétique. Dans une étude[vii] publiée en 2014, une statistique, un peu ancienne, mais très révélatrice, matérialisait que la consommation du réseau destiné au bitcoin était estimée équivalente à la consommation électrique d’un pays comme l’Irlande, soit environ 3 GW. Un index de la consommation énergétique du réseau Ethereum[viii], indique que chaque transaction sur Ethereum pourrait maintenant représenter jusqu'à 45 kilowatts-heure (kWh) d'électricité. 

Le fonctionnement classique de la blockchain repose sur un protocole de Proof of Work[ix]. Jusqu’à aujourd’hui, Bitcoin, Ethereum et d’autres réseaux ont recours à ce mécanisme de consensus. Ce fonctionnement mobilise beaucoup de ressources informatiques : la puissance de calcul nécessaire pour valider les transactions, la transmission le long de la chaine et le stockage de l’information sont autant d’activités très gourmandes en énergie.

Pourtant nos espoirs dans la blockchain demeurent car des travaux sont menés pour amoindrir cette consommation gargantuesque d’énergie.

Vlad Zamfir, l'architecte blockchain d'Ethereum, a annoncé que le protocole d’Ethereum allait être modifié[x] : certains principes du Proof of Work sont adaptés vers un nouveau type de consensus la Proof of Stake[xi]. Ce système devrait être bien moins énergivore car il ne requiert pas de puissance de calcul ni électricité. Le mouvement est donc lancé pour verdir la blockchain et il serait dommage de s’arrêter en si bon chemin.

 

Chaque jour de nouvelles applications de la blockchain sont imaginées souvent sans conscience de la facture énergétique que ces applications pourraient représenter si le système se maintient tel quel. Le monde numérique continue de vivre dans l’illusion de son immatérialité. Il est donc urgent d’éveiller les consciences pour penser un monde numérique plus vert.

Pourquoi ne pas en faire un axe majeur pour La Cop 23, qui a lieu à Bonn en novembre prochain ?

Eléonore de Perthuis, Consultante

Patrice Mallet, Directeur Associé


[i] “How viral cat videos are warming the planet”The Guardian. 25 septembre 2015

[ii] http://energypoint.bearingpoint.com/blog/2017/06/14/lindispensable-donnee-et-son-couteux-hebergement/

[iii] http://energypoint.bearingpoint.com/blog/2017/03/09/how-blockchain-technology-could-reshape-utilities-businesses/

[iv] https://www.inria.fr/actualite/mediacenter/blockchain-et-calcul-distribue-au-service-de-la-reduction-de-l-empreinte-environnementale

[v] www.stimergy.net

[vi] http://crowdsale.iex.ec/

[vii] https://karlodwyer.github.io/publications/pdf/bitcoin_KJOD_2014.pdf

[viii] https://digiconomist.net/ethereum-energy-consumption

[ix] http://energypoint.bearingpoint.com/blog/2017/03/09/how-blockchain-technology-could-reshape-utilities-businesses/

[x] https://www.coindesk.com/ethereum-casper-proof-stake-rewrite-rules-blockchain/

[xi] Explication vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=5x1X_mdo2mY // https://hackernoon.com/is-proof-of-stake-really-the-solution-2db68487f4ba