La naissance de la cryptomonnaie bitcoin en 2008 a mis en lumière la technologie blockchain et ses possibilités de transmission d’informations sans entité de contrôle. Ainsi, de nombreux projets et startups ont vu le jour proposant des solutions avancées autour de la blockchain promettant de résoudre de nombreuses problématiques liées à la décentralisation et à la sécurisation des transactions. Les projets Olso2Rome d’EDF et le SolarCoin en sont des exemples concrets ayant permis d’apporter des prototypes voire des solutions complètes à des problématiques énergétiques.

Pour rappel, l’engouement autour de la technologie blockchain s’articule autour de deux aspects principaux :
- La notion de décentralisation et de désintermédiation et donc l’absence d’organisme centralisé où toutes les transactions seraient gérées et contrôlées.
- L’inscription de transactions dans des registres immuables non effaçables et de manière quasi-irréversible empêchant ainsi via des algorithmes toute corruption ou modification des données.

Néanmoins, la technologie blockchain suscite un certain nombre de questionnements autour de son utilisation (aspects sécuritaires et juridiques) mais aussi au niveau de la consommation énergétique. Ce dernier point a été développé dans un article précédent de BearingPoint que vous trouverez à cette adresse.  

Qu’en est-il donc des applications concrètes de la blockchain dans des domaines tels que l’énergie et la mobilité ? Sommes-nous encore à l’étape de prototypage et de solutions non scalables ou existe-il de réelles applications déployables aujourd’hui à une échelle plus importante au sein de la société ?

Ainsi, depuis quelques années de nombreuses alternatives basées sur la technologie blockchain ont vu le jour dont des cryptomonnaies basées sur la redistribution d’énergie ayant pour but d’optimiser l’utilisation de l’énergie générée et utilisée lors des transactions. D’autre part, dans un contexte de développement des SmartCities et donc de mobilité dans les villes modernes, des projets ont émergés favorisant l’essor des voitures électriques par exemple.

Oslo2Rome

A partir de l’année 2017, le groupe EDF s’est ainsi investi dans la blockchain avec le projet Oslo2Rome qui constitue une solution d’itinérance de la charge pour les véhicules électriques.

 

Projet Oslo2Rome et ses partenaires[1]

 

Le ravitaillement en énergie pour de longues distances représente aujourd’hui l’une des problématiques majeures pour les véhicules électriques. Au sein des villes, de nombreuses bornes ont été installées depuis quelques années facilitant la circulation aux propriétaires de véhicules électriques.

Néanmoins, pour des trajets plus conséquents, par exemple entre deux pays européens, il est difficile de coordonner les recharges à cause de la multitude d'opérateurs présents sur le marché et de la diversité des moyens d'accès comme des tarifs appliqués. Cette situation freine le développement de la mobilité électrique[2].

Dans ce contexte, la technologie Blockchain apporte deux avantages. Elle permet tout d’abord de gérer les transactions entre les fournisseurs sans l’intervention d’une organisation étatique ou centralisée grâce à l’introduction d’un tiers de confiance numérique. Elle offre en outre la possibilité d’avoir un porte-monnaie virtuel pour recharger son véhicule sans se soucier du fournisseur ni du mode de paiement[3].

Ainsi, l’entreprise allemande MotionWerk met à disposition des utilisateurs une application mobile intitulée « Start&Charge » permettant de se connecter directement à une borne. Le règlement est alors réalisé via un portefeuille virtuel e-Mobility. Ce dernier permet de tester un réseau transfrontalier de recharges électriques en payant grâce à la blockchain et à la cryptomonnaie Ethereum[4].

Le 20 novembre 2017, la première expérimentation sur le terrain a été réalisée par Sodetrel (une filiale du groupe EDF) avec deux Renault Zoé et une Tesla Model S. En s’alliant avec sept partenaires européens et MotionWerk, EDF a mise en place ce projet Oslo2Rome pour tester des trajets entre la France et l’Allemagne : le premier de Toul à Sarrebruck en passant par Metz, le second de Fribourg-en-Brigsau, à Orschwiller en passant par Pfastatt (près de Mulhouse).

Les premiers tests ont été concluants et ont prouvé ce que pouvait apporter comme innovation et disruption la blockchain dans le domaine de l’énergie et notamment la mobilité électrique. Néanmoins, il reste un certain nombre d’obstacles à l’ouverture de ce type d’expériences à un plus large public. L'hétérogénéité des réglementations régissant la revente de l'électricité dans les différents pays européens constitue aujourd'hui l'un des plus gros enjeux du système[5].

SolarCoin

Parmi les cryptomonnaies les plus connues autres que le Bitcoin et l’Ethereum, nous pouvons citer le SolarCoin. Créée par la fondation SolarCoin en 2014, cette cryptomonnaie sert de devise versée à des détenteurs d’installations photovoltaïques, sur la base d’un SolarCoin pour 1 mégawattheure produit[6]. L’objectif de cette monnaie est de permettre l’échange entre commerçants, fournisseurs et autres partenaires. Cela permet également de financer davantage de projets d’énergie « verte » basés sur les panneaux photovoltaïques.

 

Schéma synthétique expliquant le fonctionnement du SolarCoin[7]

 

Chaque possesseur d’un panneau solaire peut ainsi faire une demande d’inscription au SolarCoin. Pour cela, il doit simplement enregistrer son installation en ligne sur le site www.solarcoin.org pour prouver son existence et son utilisation. Par la suite, les SolarCoins sont distribués tous les 6 mois.

Les SolarCoins peuvent également être convertis en monnaies traditionnelles telle que l’Euro, le Dollar ou le Yen.  Par ailleurs, à l’instar de la limitation de la production du Bitcoin à 20 999 999, 977 unités, le nombre de SolarCoin généré est limité à la récompense d’une production totale de 97500 TWh sur une période de 40 ans[8].

Des expérimentations de SolarCoin ont eu lieu en France comme sur les toits de serres agricoles à Torreilles (Pyrénées Orientales) entre octobre 2016 et février 2017. Les particuliers-investisseurs ont alors été rétribués par SolarCoin réutilisables directement dans le circuit énergétique. Ce projet intitulé ElectriCChain a été soutenu par un regroupement d’entités parmi lesquelles le MIT ou encore la NASA [9].

Par ailleurs, le cofondateur de la fondation SolarCoin, Nick Gogerty, a mis en place ElectraSeed. Il s’agit de kits solaires autonomes pouvant être déployés rapidement, par exemple dans des zones rurales. ElectraSeed utilise des panneaux photovoltaïques d’une puissance de 5kWh pouvant former un micro-grid ou un réseau dont les échanges sont gérés via une blockchain[10]. De nombreuses expérimentations ont démarré en 2017 notamment en Afrique où le réseau est nettement plus instable que dans les pays développés.

Ainsi, de nombreux acteurs se sont diversifiés dans la redistribution d’énergie en se basant sur la technologie blockchain dont le SolarCoin est l’un des exemples les plus connus aujourd’hui. 

La blockchain est aujourd’hui une technologie en cours de maturation. Certaines de ses applications ouvrent une porte vers la disruption de nombreux domaines et permettront d’optimiser l’utilisation de l’énergie dans nos sociétés. Elles contribueront à améliorer la mobilité sur le plan national voire continental. Reste néanmoins à connaître la scalabilité de ces projets–sont-ils transposables à des échelles plus importantes ? - ainsi que l’étendue de leurs impacts – positifs comme négatifs - sur le quotidien des citoyens… ?