Des projets concomitants apparus dans un intervalle de temps restreint

De nombreux projets ferrés destinés à améliorer l’offre de transport en Ile-de-France ont vu le jour dans un intervalle de temps très court. Ces projets, nés d’une pression politique forte en réponse à des problématiques croissantes, répondent à plusieurs objectifs :

  • Accroître l’offre et la capacité de transport en commun en Ile-de-France en réponse à la hausse des usagers et pour répondre aux besoins environnementaux
  • Améliorer la qualité du service rendu : trains plus confortables, facilité de déplacement et de correspondances, gares accessibles pour les personnes à mobilité réduite, gares rénovées
  • Améliorer la régularité et la ponctualité, notamment grâce à de nouveaux systèmes d’exploitation
  • Améliorer la sûreté dans les déplacements effectués en transports en commun
  • Livrer de nombreux travaux à des échéances clés, et notamment les Jeux Olympiques de Paris 2024

Différents projets permettent de répondre à ces objectifs. La dimension de ces différents travaux d’envergure et de natures différentes est exceptionnelle par rapport à ce qui a été fait sur les dernières décennies : aussi bien en termes d’investissements, de charge de travail associée, que d’attendus.

Des projets de nature différente

Plusieurs natures différentes de projets se juxtaposent en région Ile-de-France. Le premier groupe concerne des projets visant à faire naître de nouvelles lignes ou de nouveaux tronçons sur des lignes existantes, et notamment :

  • Le projet du « Grand Paris », qui regroupe des créations de ligne de métro et des gares associées
  • La création de nouvelles lignes de tramway
  • Les prolongations de lignes existantes de métro ou de trains transiliens, par exemple l’extension du RER E vers l’Ouest (projet EOLE)
  • La création d’une ligne directe entre Paris et l’aéroport Charles de Gaulle (CDG Express)

source: gouvernement.fr

Source: gouvernement.fr

Le second groupe concerne des projets menés en parallèle sur des lignes existantes, et qui répondent également aux objectifs d’améliorer le confort et de moderniser les transports en communs. Ils peuvent également répondre à un enjeu de mise en conformité ou de mise en accessibilité. On compte parmi ceux-ci :

  • Le renouvellement du matériel roulant sur la plupart des lignes franciliennes. Celui-ci répond à l’obsolescence à venir du matériel roulant actuellement en exploitation sur les lignes concernées. Il permet d’améliorer le confort des voyageurs, avec de nouveaux équipements (climatisation, prises USB, éclairage optimisé), voire la capacité d’accueil.
  • La régénération de l’infrastructure existante du réseau (voies et infrastructures électriques)
  • Le déploiement de systèmes d’exploitation, par exemple Nexteo, permettant d’optimiser la signalisation
  • La modernisation de la signalisation
  • Les travaux d’accessibilités menés dans le cadre du schéma directeur d’accessibilité, afin de permettre l’accès aux gares et aux transports à des personnes à mobilité réduite
  • La rénovation des gares, à l’exemple des travaux menés à la gare Montparnasse ou du projet StatioNord

Des projets complexes et sous tension

Ces projets représentent un défi sans précédent. Ils représentent une quantité de travaux concentrés dans un intervalle de temps très contraint. Les délais d’études et de réalisation des travaux pour garantir des mises en service aux dates cibles sont très serrés. Le fait que ces différents travaux, répondant à des projets de natures différentes, soient programmés dans une fenêtre temporelle étroite ne facilite pas le défi. Les échéances demandées correspondent à des délais inhabituels par rapport au calendrier généralement observé pour répondre aux différentes phases de ce type de projet.

Représentation simplifiée des phases de vie d’un projet

Par ailleurs, la concomitance de ces projets génère deux autres difficultés:

  1. Les ressources, notamment humaines, peuvent s’avérer insuffisantes pour répondre aux différents projets, si elles sont sollicitées au même moment. Cela concerne notamment des profils très spécifiques nécessaires pour répondre à ces projets, et notamment pour :
  • Mener les études (profils ingénieurs ferroviaires)
  • Mener les travaux (pôle travaux internes tels que les Infrapôles chez SNCF ou entreprises externes).

2. Les travaux s’inscrivent dans une programmation précise, et doivent s’intercaler. Une priorisation est donc actée entre les différents projets. De plus, un impact sur les circulations, ainsi que sur les travaux du quotidien (travaux de maintenance des voies habituellement réalisés, par exemple) est à prévoir. Des interruptions temporaires de circulation pour permettre la réalisation de ces travaux s’ajoutent donc à un calendrier déjà bien rempli.

En termes d’impact sur l’exploitation, il est également à noter que certains travaux de natures différentes peuvent impacter plusieurs fois une même ligne en cas de voies partagées (c’est, par exemple, le cas des travaux sur des voies au départ des grandes gares parisiennes servant pour les circulations des Transiliens, TER, Intercités, TGV…).

Quelles solutions ?

Plusieurs solutions, articulées autour de quatre grands chantiers permettent de répondre à ces défis, ou du moins de faciliter la réalisation de ces projets conséquents.

Optimiser les délais notamment en facilitant le partage d’information et la coordination entre les différents acteurs

Cette optimisation passe par les étapes clés d’un projet : la création d’une cellule projet dédiée, et dans l’idéal d’un plateau projet ayant pour objectif de réduire les interfaces entre entités parties prenantes, l’allotissement du projet (la nomination d’un représentant clé sur le projet pour chaque entité partie prenante), la rédaction d’un plan de management de projet visant à clarifier l’organisation du projet et ses parties prenantes, ainsi que la mise en place d’une comitologie dédiée. La construction de matrices de responsabilité et l’écriture de plans d’actions associés inscrira des bases solides à l’organisation du projet.

Dans un projet ferroviaire, de plus amples actions peuvent être prises pour assurer la coordination des maîtrises d’ouvrage (MOA) de l’entreprise ferroviaire (EF) et du gestionnaire d’infrastructure (GI) en termes d’organisation, de marchés ou de délégation :

  • La clarification, lors de la rédaction du plan de management de projet des principes et des procédures de coordination entre les maîtrises d’ouvrage.
  • La mise en place d’un processus capacitaire, incluant les études, en mode agile
  • La mise en place d’une structure facilitant la communication en temps réel et le partage des informations entre les deux maîtrises d’ouvrage
  • La mutualisation d’actions simples telles que les relevés topographiques ou l’utilisation de contrats cadres
  • La mise en place d’instances d’arbitrage entre les maîtrises d’ouvrage
  • La systématisation du recours à des experts pour assurer la convergence des solutions.

Recourir à des méthodes innovantes ou agiles, sur le plan des techniques mais également dans la gestion du projet et des processus

Ces méthodes innovantes peuvent par exemple être l’utilisation d’outils innovants d’acquisition de données (drones, IoT, …) pour la préparation des travaux, mais également pour la suite des mises en service. L’entreprise ferroviaire et le gestionnaire d’infrastructure peuvent également mettre en œuvre des initiatives pour valider techniquement certaines hypothèses du programme fonctionnel, par exemple avoir recours à des marches techniques avec des trains d’essais, avec des prêts de rames d’autres lignes, pour tester la capacité d’une infrastructure à accueillir le nouveau matériel roulant en réel.

 

 

Evaluer et optimiser l’allocation des ressources financières et humaines

La constitution d’un plan de charge, résultant d’une évaluation des ressources travaux, y compris l’externalisation, est à réaliser au plus tôt. Les éventuels arbitrages d’attribution des ressources entre les différents projets doivent également être anticipés. En cas de fortes contraintes en termes de délais et de finance, il faudra identifier en études préliminaires le juste nécessaire, en priorisant les objets travaux. Idéalement, dès communication sur l’émergence d’un gros projet, la maîtrise d’ouvrage devra anticiper les besoins en recrutement et en formation. Tout au long du projet, des réunions ressources travaux, qui incluent les chefs de projet, la maîtrise d’œuvre travaux, les infrapôles ou prestataires auxquels sont confiés la réalisation des travaux, doivent être organisés afin d’assurer le plan de charge en toute sécurité. Enfin, étant donné la quantité souvent importante de travaux externalisés, il est recommandé de définir une stratégie de marché pour ces prestations, de mutualiser au maximum les achats, et de synchroniser la stratégie d’allotissements entre les maîtrises d’ouvrage.

Anticiper les risques et déployer les solutions à la racine pour les enrayer

L’anticipation des risques commence par une analyse pilotée par l’équipe projet à réaliser en amont, avec la construction de plans d’actions dédiés. L’analyse de risque doit couvrir l’identification et l’intégration des projets concomitants. De manière générale, il est conseillé d’industrialiser les analyses de risques, en capitalisant sur les projets déjà réalisés, et en organisant régulièrement des REX (retours d’experience), qui permettent de capitaliser sur les projets réussis.

 

 

 

Ces solutions modifient les processus habituellement suivis chez les gestionnaires d’infrastructures et au sein des entreprises ferroviaires, et pourraient leur permettre de répondre plus facilement aux défis qui leur sont posés. Quoiqu’il en soit, ces grands chantiers restent des projets d’envergure qui marqueront très certainement l’histoire des transports en Ile-de-France.

Auteurs:

Eleonore Miédan-Gros, Consultante
Anthony Dos Reis, Manager