Connaissez-vous le mot « flygskam » ? Ce nouveau concept, qui signifie « honte de prendre l’avion », est né d’un sentiment de culpabilité de certains voyageurs suédois face aux effets néfastes du transport aérien sur l’environnement. Aujourd’hui, celui-ci serait responsable de 1,5% à 3% des émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) mondiales, et ce chiffre n’est pas près de diminuer. En effet, depuis les années 1980, le trafic aérien a été multiplié par quatre, passant de 44,8 millions de passagers en France en 1986, à 172,4 millions en 2018, notamment grâce à l’augmentation des offres low-cost et du niveau de vie - en particulier dans les pays émergents.

Face à ce constat, comment les compagnies aériennes peuvent-elles participer pleinement à la transition écologique et assurer un développement durable de l’aviation dans notre pays et dans le monde ?

Quel est l'impact du secteur aérien sur l'environnement ?

Source : CITEPA 2015

Sur les dernières années, le secteur des transports est devenu le premier émetteur de CO2, dépassant l’industrie manufacturière : les émissions de GES liées au transport (tous modes confondus) ont augmenté de 16% entre 1990 et 2015 alors que les autres industries ont diminué leurs émissions. A titre de comparaison, le secteur des transports pollue 1,5 fois plus que le secteur agricole, et 2,5 fois plus que le secteur de l’énergie.

Source : L’Usine Nouvelle, 2019

Cependant, tous les modes de transport ne se valent pas. Le trafic aérien arrive en 2ème position (2,8% des émissions de CO2 du secteur en France), après le trafic routier (95,3%). Même si l’aviation n’est pas le pire des élèves, l’essor de ce mode de transport impose de prendre en compte son impact environnemental et de chercher des solutions pour le réduire.

Source : MTES, 2019

Aujourd’hui, le nombre de passagers croit plus vite que ne diminuent les émissions de gaz à effet de serre (voir illustration ci-contre). Pourtant l’UE s’est fixée comme objectif lors de la COP21 d’atteindre une croissance neutre en carbone pour le secteur de l’aviation dès 2020.

Face à cet objectif ambitieux, les compagnies aériennes tentent de relever le défi.

Quelles mesures sont mises en place par les compagnies aériennes pour limiter cet impact ?

a. Le recours aux biocarburants

L'industrie aéronautique prévoit de réduire son empreinte écologique en diminuant sa consommation en énergies fossiles afin d'absorber la croissance attendue dans le trafic aérien. Ses objectifs pourraient être assurés dans un premier temps par le recours aux biocarburants, dont plusieurs types ont été imaginés, puis à plus long terme par des conceptions d'avions aux moteurs fonctionnant à l'électricité.

Source : Les Echos, 2019

Un des objectifs fixés par l’International Air Transport Association (IATA), est la réduction des émissions de CO2, avec une stabilisation à partir de 2020 et une diminution de 50 % par rapport à leur niveau de 2005 en 2050. Les biocarburants sont apparus comme la première alternative crédible pour répondre à la fois à la problématique de la réduction des GES, mais également aux risques de pénuries de pétrole. Il s'agit de carburants et combustibles qui sont issus de matières non fossiles. La Michigan Technology University a procédé à une analyse du cycle de vie d'un biocarburant qui démontre que son utilisation peut permettre une réduction des émissions de CO2 jusqu'à 80 % par rapport à l'utilisation de kérosène fossile.

Les biocarburants doivent répondre à un certain nombre d’enjeux. Étant donné que la durée de vie d'un avion est d'environ trente ans, les biocarburants doivent également pouvoir être utilisés avec les moteurs en service, et démontrer une compatibilité avec tous les organes et matériaux en contact avec le carburant. Ils doivent pouvoir se substituer en partie ou en totalité au kérosène conventionnel sans créer d'impact opérationnel (modification des infrastructures, des avions, des moteurs existants ou en cours de développement) : c’est le drop-in. Ils sont pour l'instant incorporés en proportion variable à du kérosène classique, et peuvent monter jusqu’à 50% du mélange (avec la technique HEFA). Le nombre de fournisseurs restant encore très restreint, la méthode du drop-in semble être une solution limitant l’impact du secteur sur l'environnement, tout en permettant, à plus long terme, une transition vers de nouveaux types de carburants. L'utilisation des biocarburants dans l'aéronautique est actuellement à un stade de validation avancée : fin 2018, on comptait près de 150 000 vols ayant eu recours à ce type de carburant.

b. L’avion électrique : mythe ou réalité ?

Une solution plus futuriste est l’avion électrique. Cette option longtemps dénigrée en raison des caractéristiques des batteries - en termes d'autonomie et de poids notamment - est aujourd'hui porteuse de sens. Le succès du projet Solar Impulse 2 – qui a bouclé son tour du monde en 2016 - soulève également la possibilité de l’énergie solaire. La recherche et les progrès techniques ont permis d'expérimenter la propulsion électrique sur des avions légers, des prototypes qui permettraient de développer à l'avenir des équipements adaptés aux gros porteurs. En comparaison avec les énergies fossiles, l'énergie électrique offre de nombreux avantages : moteurs silencieux, pas d'émission de GES et énergie peu coûteuse. Néanmoins, l'énergie électrique pose la problématique du stockage d'énergie : pour l'avion, il existe un rapport de quarante entre le stockage chimique (kérosène) et le stockage des batteries. Il est donc question de savoir si les progrès technologiques pourront permettre de passer des petits prototypes à l'élaboration d'un avion de ligne entièrement électrique. Cela demandera donc du temps avant de pouvoir imaginer un avion dont la production énergétique lui permet d'être autosuffisant et d'assurer sa propulsion à l'électricité. Il est néanmoins possible à l'heure actuelle de concevoir des solutions électriques pour remplacer l'énergie qui alimente certains systèmes spécifiques : substituer le maximum de circuits et de systèmes qui peuvent l'être avec de l'électrique ou des énergies moins polluantes à bords des avions est une étape importante. C'est par exemple le cas des freins électriques ou du « green taxi » (train électrique) qui permet de réduire la dépendance des avions au kérosène et leur empreinte carbone.

c. Tout ne se joue pas dans les airs : les mesures aéroportuaires

Enfin, au-delà de la capacité à limiter les émissions dues au transport lui-même, les acteurs du secteur peuvent travailler à l’optimisation des activités aéroportuaires. En outre, l’électrification des processus liés aux aéroports et à la gestion des avions au sol, l’optimisation des temps d’attente entre le roulage et le décollage, sont des chantiers connexes qui, mis bout à bout, peuvent permettre de diminuer l’empreinte carbone du secteur. D’autres chantiers environnementaux, tels que le tri et le recyclage des déchets à bord ou encore que la limitation des plastiques à usage unique, pourraient être des chantiers innovants. Ainsi, Air France a annoncé le 30 septembre dernier qu’ils allaient supprimer, à partir de janvier prochain, tous les plastiques à usage unique à bord des avions.

d. Dernière mesure possible pour déculpabiliser : la compensation des émissions carbone

Certaines compagnies aériennes, comme Air France, s’engagent à compenser leurs émissions de CO2 sur les vols intérieurs. Ces investissements qui peuvent représenter plusieurs millions d’euros permettent de financer des projets de plantation d’arbres, de transition énergétique ou de sauvegarde de la biodiversité.

Toutes ces innovations annoncent donc des changements importants dans l’alimentation des systèmes des aéronefs, mais également dans toutes les activités liées à l’aérien, qui pourraient s'accélérer selon les lignes directrices des politiques. Affaire à suivre dans le prochain article

Sources :

  1. https://www.liberation.fr/france/2019/10/10/trafic-aerien-une-hausse-quasi-continue-depuis-trois-decennies_1756233
  2. https://www.lefigaro.fr/economie/le-scan-eco/dessous-chiffres/2017/11/06/29006-20171106ARTFIG00012-cop23-quels-secteurs-economiques-emettent-le-plus-de-co2-en-france.php
  3. https://www.atlantico.fr/decryptage/3579685/une-etude-etablit-que-la-pollution-due-au-transport-aerien-se-revele-nettement-pire-que-ce-qu-on-croyait-gerard-feldzer
  4. https://www.lexpress.fr/actualite/societe/environnement/des-deputes-veulent-interdire-certains-vols-interieurs_2081396.html
  5. Stratégie nationale du transport aérien 2025 – Ministère de la transition écologique et solidaire, Ministère chargé des transports (DOSSIER DE PRESSE - vendredi 8 mars 2019)

Auteurs

Marion Latrubesse, Consultante

Éléonore Miédan-Gros, Consultante

Lauren Michel, Consultante

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