Comment traiter les problèmes en profondeur et les empêcher de ressurgir ? Comment garantir la capitalisation des bonnes pratiques et ainsi assurer des gains de productivité ? Comment améliorer sa performance industrielle par le management de la qualité ?

Bon nombre d’entreprises du secteur industriel se sont penchées sur la question, à en croire les nombreuses méthodes de résolution de problèmes et la quantité d’outils qui ont vu le jour depuis l’apparition du management de la qualité dans les années 1950 … avec plus ou moins de réussite et d’efficacité.

Le QRQC (Quick Response Quality Control), développé par NISSAN en 1990, est souvent cité comme LA méthode de référence en termes de résolution des problèmes.  

Ses objectifs ?

  • Envoyer systématiquement des pièces / documents / services conformes au client
  • Eradiquer les incidents récurrents
  • Améliorer la productivité (des lignes de production, des fournisseurs, etc.)
  • Responsabiliser les équipes autour des enjeux d’entreprise

Mais le QRQC n’est pas seulement une méthode ou une boite à outils, c’est surtout un état d’esprit et un mode de management.
Focus sur cette philosophie qui fait le bonheur de Safran, Nissan, Valeo & Faurecia, et surtout celui de leurs clients.

 

Les dates clés du management de la qualité     

Un état d’esprit : le San Gen Shugi

Le QRQC exige avant tout de se baser uniquement sur les faits (le monde réel avant tout), et non des suppositions faites loin du terrain et qui ne décrivent que très rarement la réalité.
Contrairement aux méthodes de résolution de problèmes « en salle », le QRQC traite le problème sur son lieu d’apparition, par constatation directe des anomalies et l’analyse de mesures objectives, et en faisant intervenir les personnes impliquées.

Le San Gen Shugi, une philosophie basée sur la différentiation entre le réel et l’hypothétique

Un mode de management adapté, basé sur le principe d’escalade

Afin de garantir une réaction rapide, l’équipe qui identifie le problème dispose d’un délai limite pour apporter sa solution (souvent 24h dans l’industrie). Passé ce délai, le problème est escaladé au niveau supérieur dans le délai qui lui est imparti, et ainsi de suite.
Les critères d’escalade sont souvent la complexité du problème (transversalité des causes, nombre et localisation des intervenants, etc.) ou la criticité des impacts des actions correctives à mettre en œuvre (budgets & ressources).
Des rituels quotidiens, basés sur le management visuel, permettent de mettre en musique ce séquencement entre les différents niveaux. Cette approche permet ainsi d’impliquer tous les niveaux de l’organisation dans la résolution des problèmes et l’amélioration de la performance.

Organisation typique des rituels QRQC 
                       *UAP : Unité Autonome de Production

Des outils adaptés à chaque étape du processus de résolution de problèmes

Mais en plus de garantir une réaction rapide (Quick Response), le QRQC permet de résoudre les problèmes en profondeur (Quality Control). Ces deux étapes embarquent la plupart des outils Qualité classiques, très largement répandus dans le domaine industriel.

Processus et outils associés au QRQC

  • Quick Response : consiste à identifier le problème, le caractériser et mettre en place les actions de sécurisation (arrêt de ligne, tri des lots, etc.) afin de garantir la non propagation du défaut. Il est important de mentionner que l’étape de caractérisation du problème, assez lourde dans l’usage, est néanmoins capitale pour garantir le succès de la résolution.
  • Quality Control : permet d’avoir un raisonnement structuré et logique pour trouver les causes racines, passer des causes supposées aux causes réelles par une validation. Dépendant des coûts engendrés par la mise en rebut d’une pièce, la reproduction du défaut peut être une étape de validation puissante.

Des résultats considérables ...

La démarche QRQC, par ses résultats considérables, a su se faire une place dans les systèmes de management des grands industriels.

  • Faurecia a par exemple divisé par deux le nombre de défauts constatés en lignes de production entre 2004 et 2005, chutant de 142 parties par millions (ppm) à 77 ppm.
  • Valeo a même atteint les 0 ppm au sein de certains de ses sites après quelques années d’application.
  • Safran, dont l’ensemble des usines a adopté la démarche depuis 2011, a constaté une évolution annuelle de +15% sur son taux de livraison à l’heure et une amélioration de +10% de la qualité des produits.

… mais de nombreux pièges à éviter !

  1. Ne pas sous-estimer les efforts nécessaires au déploiement

Déployer le QRQC n’est pas simplement adopter une nouvelle méthode, mais entamer une véritable démarche de transformation d’entreprise, qui nécessite d’importants investissements : définition des processus cibles, implémentation des organisations et des routines, formation des ressources…
Safran a dû former 200 coachs initiaux chargés de mettre en place la démarche dans les différents sites selon la méthode « Train the Trainer », et cela s’est prolongé sur plusieurs années.

  1. Maintenir la philosophie sur la durée

Une fois déployée, la mise en œuvre efficace du QRQC nécessite un engagement fort et continu au plus niveau hiérarchique de l’entreprise. Nombreux sont les directeurs d’usine qui appuient la démarche lors de son lancement, et qui refusent ensuite que leurs ressources opérationnelles y consacrent du temps, lors de pics d’activité par exemple.
L’absence de prise d’actions au plus haut niveau ainsi que le manque de rebouclage sur les problèmes remontés par les opérationnels est également un point d’attention majeur, puisqu’il peut mettre en danger l’adhésion des ressources en créant une sensation de frustration. Tout le monde doit être impliqué dans la démarche !

  1. Embarquer l’ensemble de l’écosystème industriel

Dans un environnement industriel très fragmenté, ne pas embarquer tout son écosystème serait une erreur coûteuse pour les industriels. A quoi bon s’atteler à chercher des leviers d’amélioration internes si la plupart des problèmes provient des fournisseurs ? Ainsi, intégrer son écosystème industriel dans la résolution de problèmes permet de sensiblement en accélérer le traitement, et de robustifier l’ensemble de la chaine de valeur.

  1. Passer le cap de l’approche « trop industrielle » et focaliser sur l’humain

Bien qu’imaginé initialement pour des environnements purement industriels, le QRQC est tout à fait applicable dans les environnements Office. Néanmoins, une sérieuse adaptation des principes ainsi qu’une agilité de mise en oeuvre doivent être assurés afin de tenir compte du manque de standardisation des tâches administratives.
La clé est donc de bien définir ce qu’est un problème, et donc les critères d’ouverture d’une boucle QRQC, afin de ne pas créer des usines à gaz et enfermer les collaborateurs dans une approche trop mécanique. In fine, le QRQC doit pouvoir soulager les collaborateurs et non les contraindre.

Plus qu’une méthode ou un outil, le QRQC est donc une véritable démarche de transformation, qui nécessite de nombreux investissements.
Mais lorsque son déploiement est correctement réalisé, le QRQC a montré des résultats considérables, ce qui en fait une arme de choix pour épauler les industriels dans l’amélioration de leur performance.

 
Sami Belkadi, Senior Consulltant
Pierre Robino, Senior Manager