Depuis plusieurs années, le secteur de la presse est confronté à l’érosion des ventes du papier, en partie liée au vieillissement du lectorat et à l’émergence de nouveaux usages de consommation de l’information. En parallèle, le digital et les réseaux sociaux ont fait basculer le monopole de l’information que détenaient les médias classiques et ont imposé une nouvelle temporalité dans le flux d’information, désormais continu et instantané. Dans ce contexte, les groupes de presse sont conduits à se transformer et à axer davantage leur stratégie sur le digital, cependant la monétisation des contenus sur le web reste complexe. Si certains acteurs étrangers sont parvenus à innover et à basculer leur modèle d’affaires vers le digital, à l’instar du New York Times par exemple, dont les revenus liés aux abonnements numériques ont dépassé pour la première fois en août 2020 les recettes provenant des ventes et abonnements papier (avec respectivement 186 millions de dollars et 175 millions de dollars[1]), la plupart des acteurs de la presse française demeurent dans une phase de transition de leur modèle économique.

Pour faire face à ces défis, les groupes de presse traditionnels doivent nécessairement repenser :

  • Leurs ambitions économiques sur le papier et sur le digital (comment acquérir et fidéliser de nouveaux abonnés ? Quelles offres proposer aux lecteurs et aux annonceurs ? Comment valoriser la connaissance Data ?)
  • Leurs cibles et la manière de les adresser (quels contenus proposer aux différentes audiences et sous quelles formes ? A quels moments ? Sur quels canaux ?)
  • Leur modèle organisationnel (quels modes de production des contenus au sein de la rédaction ? Quelles compétences renforcer ? Quels outils utiliser ?)

1. Trouver un modèle économique digital pérenne appuyé sur la maîtrise des données d’audiences

La contraction des ventes des journaux papier correspond à des tendances structurelles du marché de la presse en particulier et des médias en général. L’information s’inscrit de manière beaucoup plus large dans l’offre de contenus toujours plus grande mise à disposition des consommateurs et qui est caractérisée par :

  • Une concurrence directe entre différents types de médias, bataillant pour capter l’attention de leur audience (presse, audiovisuel, radio, cinéma, jeux vidéo…)
  • Une multiplication des supports de consommation (mobile, ordinateur, tablette, télévision)
  • Une diversification des formats (formats vidéo, podcasts, stories sur les réseaux sociaux, contenus immersifs…)
  • Le rôle prépondérant des réseaux sociaux et des GAFA dans la valorisation des contenus sur le web (référencement Google, Apple News, algorithmes de recommandation des publications sur les réseaux sociaux…)

Dans ce contexte, le papier peine à faire la différence et n’est pas suffisamment attractif pour les jeunes audiences. Pour rester concurrentiels, les acteurs de la presse ont depuis longtemps investi le numérique, mais l’acquisition de nouveaux abonnés et la mise en place d’un modèle de revenus équilibré restent de véritables enjeux.

En matière de monétisation, de nombreux journaux proposent des formules d’abonnement différentes et adaptées aux usages des lecteurs, avec des offres couplées papier et numérique, des offres 100% papier ou des offres 100% numériques. La conversion de l’audience numérique en nouveaux abonnements nécessite une réflexion en matière d’accès gratuit/payant aux articles. A ce titre, les journaux restreignent l’accès aux articles exclusifs et à forte valeur ajoutée en mettant en place des paywalls. Plusieurs modèles de paywall existent et sont adoptés par les titres de presse en fonction du type de contenu qu’ils proposent et de leurs ambitions en termes d’engagement et de fidélisation des lecteurs :

  • Le modèle premium ou hard paywall, où les articles sont réservés exclusivement aux abonnés (exemple : Mediapart)
  • Le modèle d’accès limité ou metered paywall, qui permet aux lecteurs non abonnés de lire gratuitement un nombre restreint d’articles par mois ou par semaine avant qu’il ne leur soit demandé de s’abonner pour en consulter d’autres
  • Le modèle freemium, où une partie des articles sont disponibles gratuitement et les autres sont réservés aux abonnés (exemples : Le Monde, L’Equipe, Sud Ouest…)

Pour aller plus loin dans la valorisation de leur contenu et mettre en place des stratégies de monétisation adaptées au comportement, aux préférences et au niveau d’engagement de leur lectorat, les titres de presse se tournent de plus en plus vers des paywalls dynamiques, qui permettent de personnaliser les règles de restriction d’accès aux articles et d’adapter le parcours d’abonnement au profil des visiteurs. Plusieurs services émergent pour accompagner les acteurs de la presse dans la mise en place de solutions de monétisation innovantes et basées sur l’analyse et la segmentation des données d’audiences, à l’instar de la start-up française Poool[2] dont la solution de paywall dynamique est utilisée par plus de 80 titres de presse, dont ceux du groupe EBRA et du groupe Sud Ouest.

Au-delà de la stratégie de monétisation des contenus[3], la maîtrise et l’analyse des données d’audience est également essentielle pour définir un projet éditorial aligné avec l’identité des titres de presse, adapté aux exigences de leurs lecteurs et en mesure d’attirer de nouvelles audiences.

2. Mettre au point une stratégie éditoriale ambitieuse et adaptée aux différents supports

Dans une perspective de transformation digitale, l’adaptation de la stratégie éditoriale est essentielle pour atteindre des objectifs business concrets, tels que l’augmentation et la diversification du chiffre d’affaires, l’amélioration de la marge, la recherche et la fidélisation de nouveaux abonnés. Le repositionnement éditorial peut passer par différents leviers, tels que :

  • Le développement ou le renforcement de thématiques fortes (ex : la santé, l’immobilier, la culture, le sport, la gastronomie et le tourisme)
  • La mise au point d’une grille de programmes déclinant précisément pour chaque thématique traitée les canaux sur lesquels les diffuser et les formats sous lesquels les partager aux lecteurs
  • La création de rendez-vous éditoriaux pour les lecteurs (ex : newsletters, décryptages vidéo, résumé de l’info essentielle de la journée…)

La nécessité de valoriser les produits éditoriaux sur les différents canaux de diffusion constitue un défi mais surtout une véritable opportunité de modernisation pour les titres de presse, pour plusieurs raisons :

La presse dispose aujourd’hui d’un large éventail de formats innovants pour faire vivre les contenus sur le digital et permettre un accès ludique à l’information

  • La diversité des outils multimédia (vidéo, podcast, datavisualisation…) permet de faire évoluer les formats de narration
  • Les nouvelles technologies, telles que la réalité augmentée et la réalité virtuelle, ouvrent la possibilité de créer davantage de contenus immersifs
  • Les outils digitaux permettent de personnaliser l’expérience du lecteur et d’adapter la présentation du contenu à ses intérêts
  • De nouveaux canaux émergent et permettent d’attirer des audiences plus jeunes, avec par exemple le lancement par Ouest France d’une chaîne Twitch en février 2021

La presse peut faire évoluer ses produits traditionnels et diversifier son offre

  • Pour valoriser davantage le papier et proposer un contenu différent du digital, des formats spécifiques peuvent être pensés, comme des hors-séries thématiques ou des formats magazine premium par exemple
  • Au-delà des contenus, les groupes de presse se diversifient également vers du serviciel B2B ou B2C (publication d’annonces, production de palmarès, veille sectorielle, production de bases de données et d’analyses sectorielles…), vers de l’organisation d’événements thématiques (forums, conférences, événements journalistiques…), ou encore vers de la production de services digitaux pour des tiers

3. Adapter les organisations et les technologies à la transformation digitale

Pour basculer vers un modèle tourné vers le digital et pour appuyer leurs ambitions business et éditoriales, les rédactions sont nécessairement amenées à faire évoluer leur modèle organisationnel et leurs outils technologiques.

En matière d’organisation, l’émergence de nouveaux formats éditoriaux multimédia tels que la vidéo et le podcast nécessite d’intégrer des compétences numériques au sein des rédactions, avec des profils de journalistes capables de prendre en charge la production de ces contenus. En fonction de leur taille et de leurs capacités, certaines rédactions en profitent pour mettre en place des pôles numériques entièrement consacrés à la production de formats innovants.

Par ailleurs, pour s’adapter au rythme instantané du web et des réseaux sociaux et pour publier des articles de manière réactive, les rédactions « désilotent » la production de l’information. Là où le fonctionnement historique consistait à écrire un papier d’abord pour qu’il soit imprimé, les modèles actuels incitent les journalistes à rédiger leurs articles en première intention pour le web. Pour favoriser cette dynamique, les rédactions tendent de plus en plus à développer la polyvalence des journalistes afin qu’ils soient en mesure d’écrire, corriger et éditer leurs articles pour le papier comme pour le digital. Les rédactions traditionnellement scindées entre print et digital se tournent donc vers des organisations mixes, ou bimédia.

Pour favoriser ces modes de fonctionnement et permettre une meilleure fluidité dans l’écriture et la diffusion des articles, les groupes de presse s’appuient sur de nouveaux outils. Ils font par exemple évoluer leur CMS (Content Management Systems, outils rédactionnels utilisés par les journalistes pour écrire, corriger et enrichir leurs articles avec des images ou des vidéos par exemple), afin que les solutions utilisées permettent aux journalistes de produire au sein d’un même outil des articles pour le digital et pour le papier. Pour enrichir davantage les articles pour le numérique et produire des contenus innovants, pédagogiques et immersifs, une multitude de solutions existent et sont progressivement appropriées par les acteurs de la presse, comme des outils de datavisualisation (Infogram, Google Fusion Tab), des outils de production de podcasts enrichis (TapeWrite), etc.

Les nouvelles technologies peuvent également être mises au service de la production de contenu.  L’intelligence artificielle permet ainsi d’automatiser la génération de contenus à faible valeur ajoutée journalistique et dégage du temps aux journalistes pour qu’ils se consacrent à du travail d’investigation. La start-up Syllabs[4] propose par exemple une solution de création automatique de texte à partir de paramètres définis en fonction des besoins des rédactions et permet de produire des comptes-rendus factuels de matchs sportifs et d’événements locaux, des billets météo, des agendas culturels, etc. Cette solution est utilisée notamment par les journaux Sud Ouest, Ouest France, Nice Matin et Le Monde.

Au-delà des organisations et des outils purement éditoriaux, les rédactions intègrent également davantage de compétences et de solutions tournées autour de la data, afin d’améliorer la connaissance de leurs audiences, d’évaluer la performance de leurs contenus sur le numérique et d’optimiser les stratégies d’acquisition. Ces solutions concernent par exemple la Data Analytics, ou encore l’automatisation de l’envoi de campagnes marketing auprès différentes cibles.

4. Comment BearingPoint accompagne les acteurs de la presse dans leur transformation digitale ?

Notre équipe Média, Culture et Entertainment travaille depuis de nombreuses années avec les acteurs de la presse française sur différents volets et notamment sur leurs problématiques de transformation digitale. Grâce à notre méthodologie éprouvée, nous conseillons des rédactions de tous types dans leur transformation, qu’il s’agisse de structures régionales, nationales ou internationales. Nous avons, par exemple, collaboré avec des groupes de presse tels que Sud Ouest, EBRA, Le Parisien, Le Point, l’Agence France Presse, l’Equipe, ou encore Jeune Afrique. Nos expériences et nos expertises nous permettent de proposer un accompagnement à 360° sur l’ensemble des besoins de nos clients : projet éditorial, modèle organisationnel et processus, évolution des outils, stratégie data, stratégie publicitaire, distribution…

Lorsque nous travaillons avec les rédactions sur ces sujets de transformation, nous impliquons leurs équipes de manière collaborative afin que la stratégie mise en place fasse sens pour les collaborateurs et qu’elle s’intègre pleinement dans l’identité des titres. Nos équipes apportent un cadre méthodologique visant à structurer et prioriser les idées qui émergent, alimentent les discussions avec des retours d’expérience et benchmarks et offrent un appui dans la quantification des objectifs de production et des impacts business. Nous accompagnons également nos clients dans l’identification des besoins liés à l’évolution organisationnelle et technologique, afin de les aider à identifier et mettre en place des solutions capables d’appuyer leur projet.


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