Et si les RH avaient beaucoup à apprendre de la relation client ? Alors que le parcours client et la fidélisation sont au cœur des stratégies de Customer Management, bien au-delà de l’acquisition de nouveaux clients, les DRH se concentrent encore trop souvent sur le recrutement au détriment de l’intégration et de la fidélisation. Pourtant, en poursuivant le parallèle, « garder un client revient 5 à 10 fois moins cher que d’en conquérir un nouveau »…

Aujourd’hui encore, 65% des entreprises n’ont pas de processus d’intégration (note 1) pour leurs collaborateurs…. ! Intégrer un collaborateur c’est faire en sorte qu’il trouve sa place, une harmonie dans l’environnement qu’il rejoint. Faute d’harmonie, le nouvel embauché aura tendance à ne pas vouloir rester dans l’entreprise… et cela arrive plus souvent qu’on ne le croit. Dans une récente étude, un salarié sur deux affirme avoir souhaité quitter l’entreprise au cours de sa période d’essai, et plus de 30% des salariés français songeraient à quitter leur emploi dans l’année !

Dans un contexte du marché de l’emploi tendu, penser l’intégration comme première étape de la fidélisation des collaborateurs pourraient apparaître comme superflu : les difficultés à changer d’emploi et à en trouver un nouveau ne suffiraient-elles pas à retenir les collaborateurs sur leur poste ? Au contraire, dans une logique de « guerre des talents », concevoir l’intégration comme première étape fidélisation des collaborateurs apparaît comme un impératif pour les entreprises.

Une pluralité de dispositifs d’intégration liés à trois types de leviers d’adhésion

 

L’intégration commence généralement au niveau de l’entreprise (plus rarement au niveau de la marque ou du métier). L’objectif est d’entraîner le nouvel entrant dans la cohésion du groupe déjà existant et à son niveau le plus large. Il s’agit de lui transmettre la culture et l’identité de l’entreprise ainsi que son histoire, son discours et ses valeurs.

Le brasseur Heineken propose le programme « société » qui se déroule la première ou la deuxième semaine après l’arrivée. Il comporte une journée et demi d’échange avec les fonctions clés de l’entreprise, une visite d’une brasserie et une formation « culture brasseur » particulièrement orientée sur l’aspect industriel de la production de bière.

L’intégration est alors conçue, en premier lieu, comme le processus visant à fondre dans le moule le collaborateur venu de l’extérieur.

Lorsque l’intégration existe au niveau d’une marque il est alors par exemple attendu des collaborateurs qu’ils en soient  les premiers ambassadeurs. Ici, l’intégration réussie comporte à terme une exigence de partage d’un référentiel de valeursou de compétences similaires à celles portées par la marque. Bien souvent, ce processus d’intégration peut se décliner en fonction du métier exercé par le nouvel arrivant et est adapté en fonction de son statut (cadre ou non cadre).

Renault a mis en place le parcours « 1st Steps at RenaultGroup » (note 2) qui s’étend en moyenne sur une durée de douze mois Un « Welcome Day » présente le groupe et son environnement concurrentiel. Une formation « Métiers et projets » est proposée plus tard dans l’année. De même, entre six et douze mois après l’embauche, le nouveau collaborateur est formé à la stratégie de l’entreprise et est sensibilisé au pilotage de la performance. Dans les pays le permettant, un stage en production ou en environnement commercial est alors proposé. Au cours de l’année, un rapport d’étonnement permet de faire le point avec le RH, le manager et le n+2..

D’autres dispositifs correspondent plutôt à une aide dans la prise de poste et/ou de responsabilités : ils visent à donner des repères au collaborateur dans son positionnement au sein de l’organisation. L’objectif de ces programmes est double : rendre les nouveaux embauchés plus rapidement opérationnels et développer la transversalité et le partage de connaissances.

Enfin, les dispositifs d’intégration s’appuient également sur des démarches d’accompagnement RH et managériales : formation et développement personnel. Dans une étude réalisée par l’APEC (note 3) sur l’intégration des cadres débutants, ils sont 45%  à déclarer bénéficier d’un suivi régulier de la part de leur manager, au minimum une fois par semaine, dans les premiers mois suivant la prise de poste et 44% à bénéficier d’un entretien de bilan avec leur manager, quelques mois après leur arrivée, en dehors de celui marquant la fin de la période d’essai. En revanche, cet accompagnement est peu institutionnalisé : seulement 29% des cadres débutants ont bénéficié de l’appui d’un tuteur ou parrain et seulement 23% ont eu un entretien avec un membre de la DRH dans les semaines ou mois suivant leur arrivée.

En d’autres termes, les dispositifs d’intégration se structurent progressivement autour des 3 piliers que sont la culture, la compréhension du métier et l’aide à la prise de poste. Mais c’est bien souvent l’absence de combinaison des dispositifs qui manque. Et l’accompagnement RH et managérial est souvent secondaire et n’intervient qu’à plus long terme. Or, à l’ère du 2.0, c’est à une demande de sur-mesure et de participation qu’il faut répondre.

Des dispositifs qui remettent en cause la conception d’une intégration visant à se fondre dans le moule

 

Au-delà des piliers, de nouveaux dispositifs peuvent être exploités pour faciliter l’intégration. Les dispositifs traditionnellement top down, très officiels, tels que les séminaires, laissent la place à des initiatives plus informelles et participatives qui privilégient l’échange et le partage.

Le Bring Your Own Device (BYOD) en est une illustration. C’est une pratique qui permet l’utilisation de terminaux personnels dans son environnement professionnel, qu’il s’agisse de son téléphone mobile, d’un ordinateur portable, d’applications ou de logiciels. De telles pratiques peuvent évidemment être des arguments de poids en matière d’attractivité. Mais au-delà de l’image employeur, la pratique du BYOD peut être vue comme un accélérateur à la prise de poste des nouveaux collaborateurs.

Dans un environnement nouveau, qui occasionne une perte de repères, ils doivent se familiariser avec la nouvelle organisation, s’approprier les méthodes de travail, se faire connaître au sein de leur équipe. Leur laisser le choix du matériel à utiliser permet de les rendre opérationnels plus rapidement, en maintenant confort et stabilité.

Du séminaire d’intégration à l’intégration 2.0

 

Au-delà des nouveaux modes de travail tel que le BYOD, l’intégration ne peut plus être pensée de manière uniforme pour tous les collaborateurs. L’enjeu est de passer d’une intégration standard, de masse, à un processus d’intégration individualisé qui permette à chaque collaborateur de construire son programme en fonction de ses attentes en matière d’intégration.

L’intégration du collaborateur peut s’organiser autour d’un cursus obligatoire commun à tous, ce que l’entreprise considère comme fondamental dans l’intégration de ses collaborateurs, que chacun peut enrichir par un certain nombre d’activités et de dispositifs mis à sa disposition. Le collaborateur dispose ainsi d’une certaine latitude pour personnaliser son  parcours d’intégration dont le socle commun garantit une certaine homogénéité. Si le processus s’assouplit , il n’en reste pas moins que l’intégration demeure fortement encadrée par les acteurs RH, ces derniers définissant la politique d’intégration, son processus et l’ensemble des dispositifs d’intégration mis à la disposition des collaborateurs, en identifiant ceux qui relèvent du socle obligatoire et ceux à caractère facultatif.

Le groupe L’Oréal a mis en place le programme Fit (Follow-up and Integration Track) pour les nouveaux arrivants au sein des Directions Marketing. Il consiste en un accompagnement individualisé des nouveaux collaborateurs et s’appuie sur les dispositifs « culturels » du groupe : programme de déjeuner avec les cadres de l’entreprise pendant les deux premières semaines, désignation d’un « mentor », journées « terrain » avec les commerciaux, petit-déjeuner « découverte métier »… Ce programme d’intégration a été mis en place après le constat d’un turn-over élevé au sein de l’organisation et visait clairement à faciliter l’arrivée des collaborateurs dans la structure, dans une logique de fidélisation dans la durée.

Ce qui se joue à travers cette conception plus qualitative de l’intégration ne serait-ce pas finalement le repositionnement du collaborateur dans le processus lui-même ? En effet, ce dernier devient partie prenante de son intégration : le processus d’intégration ne s’impose pas complètement à lui. Il définit, en collaboration avec les RH, et parfois le manager, son parcours en fonction de ce qu’il attend de l’entreprise. Et force est de constater que ces attentes ont évolué depuis 10 ans de la part des nouveaux diplômés. Et que les attentes vis-à-vis de l’entreprise évoluent au fil de l’expérience en son sein.

Le plus difficile reste encore à faire pour les RH : trouver la combinaison gagnante pour réussir l’intégration de leurs collaborateurs pour fidéliser les talents. Il s’agit d’une part de trouver le bon compromis entre individualisation et intégration ‘de masse’.

Et si jusqu’à présent le processus d’intégration s’organisait de manière à faire rentrer le nouveau collaborateur dans le moule de l’entreprise, la culture des nouveaux diplômés et l’évolution des pratiques de fidélisation marquent une rupture. Le moule ne peut plus être figé : le collaborateur peut (veut) en dessiner les contours. L’entreprise attend alors du collaborateur qu’il participe à cette culture d’entreprise, à partir de ses expériences antérieures, de ses habitudes de travail mais aussi qu’il construise son propre parcours professionnel au sein de l’entreprise en se nourrissant des expériences des uns et des autres. Finalement, la véritable intégration ne serait-elle pas de casser le moule ?

Contact: Olivier Parent du Chatelet, Associé