Comment l’Administration peut-elle dégager des ressources pour l'exercice de ses missions ? En permettant l’automatisation de certaines tâches répétitives et chronophages, les assistants digitaux ou RPA (Robotic Process Automation) sont une des réponses possibles à cette question. En effet, ils permettent de libérer du temps que les agents pourront consacrer à des tâches à plus forte valeur ajoutée. Plusieurs acteurs du secteur public se sont donc lancés dans cette technologie, à l’instar de la DGFiP.

Récit d’une success story à la DGFiP…

C’est en 2018 que la Direction Générale des Finances Publiques (DGFiP) décide de faire appel à BearingPoint pour lancer une étude sur l’utilisation des assistants digitaux. 

Cette technologie étant encore peu utilisée dans le secteur public, dans un premier temps, l’objectif était d’évaluer la faisabilité de l’intégration d’une solution RPA dans l’écosystème SI de la DGFiP et de la tester sur certains processus métiers simples. Les résultats concluants de ce Proof of Concept (POC) ont amené la DGFiP à lancer l’automatisation de plusieurs processus et à réfléchir aux conditions d'un passage à l’échelle : quelles modalités d’identification et de qualification des processus à automatiser ? Quelle gouvernance pérenne pour le projet assistants digitaux ? Quelle architecture SI ? Etc.

Forte de plusieurs processus déployés, la DGFiP s'inscrit dans un projet de long terme avec la mise en place d’un centre d’excellence en septembre 2020 et d'une nouvelle plateforme technique en mars 2021. D’autres processus métiers sont en cours d’analyse pour intégrer cette démarche d’automatisation…

Fortes de leur expérience en tant que responsables du projet Assistants digitaux, Karen Plissonnier, adjointe à la cheffe du pôle expérience utilisateur au sein de la délégation à la transformation numérique de la DGFiP, et Véronique Jung, directrice de projet informatique au sein de la DGFiP, répondent à nos questions et partagent des enseignements précieux pour tout acteur public qui voudrait lancer une démarche comparable.

1. Comment vous est venue l’idée de réaliser un PoC RPA ?

Consciente des apports de l’automatisation RPA en termes de performance des services et d’aide aux agents (diminution des délais de traitement pour les services concernés, réduction des tâches répétitives, sécurisation et traçabilité accrues, etc.), dès 2018, la DGFiP s’est intéressée à cette 

nouvelle technologie. A l’époque, nous nous demandions si celle-ci pouvait avoir sa place dans le SI de la DGFiP, qui est à la fois riche et varié, et si elle pouvait apporter une valeur ajoutée dans l’ensemble de nos activités. 

Nous avions très vite identifié un certain nombre de contraintes :

  • la politique de sécurité de notre SI ;
  • la multiplicité des outils, de nature plus ou moins récente, avec d’anciennes applications mainframe, des portails web, etc. ;
  • des sujets hautement sensibles, touchant notamment à la fiscalité et la comptabilité.

Avant d’aller plus loin, en 2018, nous avons décidé de faire une première expérimentation via un PoC sur quatre processus.

2. Comment avez-vous choisi les processus à expérimenter dans le cadre du PoC ?

Nous avons volontairement choisi plusieurs processus pour réaliser le PoC afin de couvrir un large spectre de domaines métiers et de type d’opérations. Les quatre processus priorisés touchent ainsi le domaine du recouvrement, les Ressources Humaines et la gestion des relations fournisseurs, sur différents types d’opérations (croisement d’informations entre sources internes et externes, consolidation asynchrone d’informations, reconnaissance optique de caractères dite OCR, etc.).

3. Quels ont été les enseignements du PoC ?

Le PoC a permis de confirmer rapidement la faisabilité technique de l’automatisation de processus, plus ou moins complexes, via la RPA. Au-delà de la faisabilité, nous avons pu mettre en évidence les gains quantitatifs et qualitatifs générés par l’automatisation :

  • un retour sur investissement important, rapide et mesurable : un assistant digital permet d’économiser entre 50% et 90% du temps agent (d’après les premiers résultats constatés du PoC) ;
  • des agents libérés des tâches répétitives et chronophages, et recentrés sur des travaux à forte valeur ajoutée, permettant d’améliorer l’expérience utilisateur et la qualité de vie au travail des agents ;
  • des processus standardisés et harmonisés entre services ;
  • une amélioration de la qualité des données et une maîtrise des risques (disparition des erreurs de saisie manuelle, cohérence d’informations entre applications) ;
  • une réponse rapide aux besoins : mise en œuvre de solutions non intrusives dans le SI, rapidement déployables et évolutives.

Ces confirmations nous ont conduites à nous lancer dans un premier déploiement sur deux processus pilotes dans le cadre d’une expérimentation.

4. Comment avez-vous choisi les processus pour ce premier déploiement en production puis par la suite dans l’extension des déploiements ?

Pour le premier déploiement en production, nous souhaitions avancer rapidement. Nous avons donc écarté les processus avec une complexité élevée et privilégié ceux étant les moins intrusifs possibles dans les SI de la DGFiP (pas d’écriture dans les applications). L’analyse des gains issus du PoC a permis de favoriser les types de processus qui présentaient le plus fort retour sur investissement.

Compte-tenu des résultats positifs de la mise en production des deux processus pilotes fin 2018, un recensement des besoins d’automatisation a été réalisé auprès des directions locales et des services centraux début 2019. Nous avons expertisé chacune des 130 demandes adressées afin d’évaluer la pertinence d’une automatisation selon différents critères (répétitivité des tâches, structuration, standardisation et documentation du processus, nombre de systèmes impliqués, etc.). Ainsi, quatre processus pour lesquels l’automatisation apparaissait de facto appropriée ont été retenus. Par ailleurs, cette première campagne expérimentale de recueil des besoins a mis en évidence le nécessaire accompagnement des métiers, afin de leur permettre de mieux cibler leurs propositions d’automatisation, au regard des critères d’éligibilité et de rentabilité. Compte-tenu du volume des besoins remontés, une industrialisation de la méthode de recueil a également été proposée à l’été 2020, via un cadre méthodologique plus structuré s’appuyant sur une grille d’éligibilité standardisée.

Types de processus automatisés   
Domaine métier Rôle de l’assistant digital
Recouvrement/ contrôle Récolter différentes informations dans le SI et mettre à disposition le résultat consolidé.
Gestion de la relation client

Télécharger des documents et mettre à disposition le résultat consolidé.
Télécharger des documents et les adresser au client.

Comptabilité et Recouvrement Télécharger un relevé, identifier une liste d’opérations à traiter dans le relevé puis écrire dans des applications du SI.

5. Comment s’est faite l’industrialisation ?

Deux chantiers majeurs ont accompagné l’industrialisation de l’utilisation des assistants digitaux à la DGFiP :

A. Gouvernance

  • Mise à plat de la gouvernance, avec des rôles et responsabilités des différents acteurs retravaillés et des instances de décision adaptées. Afin d’accélérer et fiabiliser les mises en production des différents processus, les étapes de mise en œuvre des assistants digitaux ont été revues et détaillées.
  • Industrialisation de la méthode de remontée des besoins, d’analyse et de sélection des processus à automatiser.
  • Mise en place d’un centre d’excellence, au niveau de l’informatique DGFiP avec une équipe dédiée aux assistants digitaux.

B. Infrastructure

  • Travail sur l’architecture technique de la plateforme : en prenant en compte les ambitions futures pour les processus à mettre en œuvre, une réflexion sur le dimensionnement a été engagée. Nous avons ainsi mis en place une plateforme technique avec une forte scalabilité afin de supporter le passage à l’échelle.
  • Changement d’éditeur : l’état d’avancement de nos travaux nous a permis de changer d’éditeur sans risque et sans impact majeur.

Ces chantiers ont permis d’aboutir à :

  • une plateforme RPA pérenne capable d’accueillir de nouveaux processus dans la durée ;
  • des modalités claires (acteurs, phase projet, chaîne décisionnelle) pour permettre la mise en œuvre de nouveaux processus, de la remontée des besoins jusqu’à la mise en production et l’exploitation.

6. Comment s’est fait le choix de changer d’éditeur dans le cadre du passage à l’échelle ?

Durant nos travaux, nous avons rencontré certaines difficultés avec la solution technique RPA qui avait été choisie depuis la phase de PoC. En prenant du recul sur ce choix initial et dans l’optique d’industrialiser cette technologie, une autre solution semblait plus à même de répondre à nos besoins et exigences, notamment sur le plan technique et au niveau du support.

La question du changement d’éditeur pose aussi la question du choix initial de l’éditeur : bien que tout changement soit possible en cours de route, il est préférable de comparer, dès le départ, les différentes solutions disponibles sur le marché pour sélectionner celle qui semble la plus adaptée au contexte.

Ce changement de trajectoire a été possible car nous étions à un tournant dans le projet. Le nombre de robots alors en production permettait encore de changer de solution sans impact fort sur l’existant. La décision a donc été validée, a fortiori, car nous avions pour objectif de déployer des assistants digitaux sur un processus ambitieux comportant de nombreux cas particuliers dans le traitement et impactant une forte population.

Le changement d’éditeur a été clef dans l’industrialisation des processus à la DGFiP, avec la mise en place de la nouvelle plateforme technique pour accompagner le passage à l’échelle et du centre d’excellence, qui a notamment dû s’étoffer et monter en compétences sur une nouvelle technologie.

7. Quels sont les enseignements issus de la phase d’industrialisation ?

Dans le cadre de l’industrialisation, il est nécessaire d’anticiper et de formaliser les différents points durs qui peuvent être rencontrés.

Durant le cadrage du besoin, nous avons relevé qu’il est souhaitable d’avoir les points suivants en tête :

  • identifier et formaliser à l’écrit l’ensemble des règles de gestion, afin d’analyser au niveau le plus fin possible le fonctionnement attendu de l’assistant digital ;
  • ne pas sous-estimer la complexité des processus, par exemple le nombre de cas particuliers, qui peut conduire à des difficultés de mise en œuvre et à une perte d’efficacité de l’assistant digital ;
  • anticiper les sujets de conformité au RGPD, qui peuvent prendre du temps et impacter le calendrier de mise en œuvre de l’assistant digital ;
  • définir en amont le plan de production attendu, afin d’assurer au mieux l’exploitation des assistants digitaux.

Lors des travaux de réalisation, trois enjeux nous sont apparus comme majeurs pour la réussite du projet :

  • définir en amont toutes les portes de sorties de l’assistant digital, qui lui permettront de réagir face aux cas non prévus ;
  • disposer de profils informaticiens développeurs pour les étapes de paramétrage ;
  • ne pas sous-estimer la durée des travaux de préproduction.

Plusieurs défis de taille ont été également été relevés, et ne doivent pas, là encore, être minorés :

  • le passage de la démonstration sur un périmètre restreint à une mise en production pour le compte de plusieurs services ;
  • le passage à l’échelle avec l’industrialisation d’une méthode, d’une gouvernance, d’une comitologie dédiées.

Fort du succès de cette démarche RPA et des apports constatés et appréciés par les métiers, nous poursuivons la mise en œuvre des assistants digitaux :

  • nous allons automatiser de nouveaux processus ;
  • nous faisons évoluer les processus en production et nous avons le projet de rapatrier sur la nouvelle plateforme technique les premiers processus mis en production ;
  • en parallèle, nous poursuivons la montée en puissance du centre d’excellence afin d’accroître nos capacités de mise en œuvre.

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