L’Afrique a certain retard général sur le trafic aérien
On constate généralement une corrélation entre le niveau de développement d’un pays et le transport aérien. En effet, 1 % d’augmentation du PIB entrainerait généralement 1,3 % d’augmentation du trafic aérien.[1] Ce dernier est souvent considéré comme un catalyseur et un indicateur de développement économique. Plus la croissance économique d’un pays est forte, plus le trafic aérien sera stimulé et inversement.
Cependant, cette relation est à nuancer dans le cas de l’Afrique : depuis 2002, la croissance du PIB est plus dynamique que la moyenne mondiale mais le trafic aérien n’augmente pas à la même vitesse. Il semble bridé par un certain nombre de freins qui empêchent son plein développement.
En 2022, le volume de passagers (RPK) au niveau mondial est au 2/3 du niveau observé en 2019, lorsqu’il est à peine à la moitié pour l’Afrique.[2] Cette reprise du trafic plus lente s’explique par :
Malgré les multiples freins auquel il est confronté, le potentiel de développement du transport aérien en Afrique reste important.
L’Afrique, chef de file de la croissance du trafic de fret aérien
L’Afrique occupe aujourd’hui le premier rang du transport de marchandise par voie aérienne, un rang pouvant se justifier par la hausse de la demande mondiale de fret, et en particulier par la progression constante des volumes sur la route Afrique-Asie. En effet, en vue de limiter la perturbation des chaînes d’approvisionnement fragilisées par la crise sanitaire et le conflit russo-ukrainien, les fournisseurs ont tendance à privilégier le transport aérien (délais de livraison fiabilisés et une agilité de réaction accrue). L’Afrique a ainsi enregistré une croissance de trafic cargo de 33,9% en 2021, contre 7,7% pour le reste du monde.
Avec la volonté des compagnies aériennes d’élargir leur catalogue de destinations, le nombre de liaisons entre la France et l’Afrique a augmenté de 18% entre 2019 et 2021 (53 en 2021 vs. 45 en 2019)[3]. Si autrefois les liaisons exploitables concernaient principalement celles avec l’Afrique du Nord, la longue fermeture de l’Algérie a accéléré le développement de nouvelles liaisons (Par exemple Paris – Dakar est entré dans le Top 5 des routes France – Afrique).
Cependant, l’Afrique est significativement plus dépendante du trafic intercontinental que les autres régions. Il représente 40 % du trafic versus 16% pour l’Europe et 10% pour l’Amérique du Nord (Illustration). Cela traduit une offre aérienne long courrier qui reste très connectée aux grands hubs.
Illustration – Répartition régionale du trafic intracontinental et intercontinental
Source : Planet Optim, Données de trafic sur 2019, Analyse BearingPoint
On retrouve cette dépendance sur le trafic intracontinental, où les principaux hubs en Europe et au Moyen Orient restent des points de passage obligés pour 1 passager sur 4 voyageant au sein du contient. Le développement du trafic de point à point au sein du continent est donc une opportunité de s’affranchir de ces hubs et de dynamiser la reprise du trafic aérien en Afrique.
Pour démocratiser le trafic intercontinental, la libéralisation du ciel parait être primordiale. Quelques Etats sont déjà membres du Marché Unique Africain du Transport Aérien (Single African Air Transport Market, SAATM) visant à lever certaines restrictions pour stimuler la connectivité sur le continent. Cependant, trop peu de pays l’ont adopté à date : près de 40% des pays du continent ne sont pas membres du SAATM. Une plus grande participation est nécessaire pour que cette initiative ait un vrai impact.
L’émergence de nouvelles liaisons rentables va de pair avec l’arrivée de nouveaux modules sur le marché
L’arrivée récente de l’A220-300 et l’A321-XLR, deux avions de ligne conçus par Airbus d’une capacité respective de 3.400 miles marin (NM) (l’équivalent d’un vol direct Londres-Douala) et de 4.700 NM (l’équivalent d’un vol direct Nairobi-Abuja) pourraient permettre d’augmenter la rentabilité de certaines lignes, peu exploitées jusqu’alors. Ainsi, ces avions nouvelles générations pourraient procurer de multiples avantages parmi lesquels figurent :
Pour conclure, la crise sanitaire a eu un véritable effet destructeur sur le secteur aérien dont le continent africain se remet difficilement. Il reprend peu à peu son souffle mais doit encore relever de nombreux défis : diminution des coûts, aménagement du territoire, baisse des tendances protectionnistes en vue de la libéralisation du secteur et réduction de la dépendance vis-à-vis des hubs.
Ainsi, les aéroports africains pourront être acteurs de ces changements en axant leur stratégie de développement sur une logique de fréquence et de coûts maitrisés, à l’aide d’outils leur permettant de faire des projections de trafic de qualité au niveau local et mondial, d’évaluer les coûts ou encore d’étudier les opportunités de création de nouvelles routes.
[1] François Bourguignon, Pierre-Emmanuel Darpeix. Air traffic and economic growth: the case of developing countries. 2016.
[2] IATA, Analyse BearingPoint
[3] Analyse BearingPoint