L’IA générative présente aux assureurs un potentiel de transformation de l’ensemble de leur chaîne de valeur : réduire les coûts tout en stimulant la croissance et l'innovation. Pour y parvenir, ils doivent faire face au paradoxe de « l’incertitude prédictive ». En effet, malgré tous les avantages potentiels, l’IA générative soulève les défis réglementaires et éthiques concernant l’utilisation des données. Toutefois, ces préoccupations ne sont pas nécessairement en contradiction avec l’objectif principal des assureurs : évaluer et gérer le risque. Ils ne peuvent pas ignorer le potentiel de l'IA générative à améliorer les processus internes ainsi que l'expérience client.
La valeur de l’IA générative est déjà exploitée par les principales compagnies d’assurance et d’autres acteurs des services financiers. Bien que les économies de coûts soient l’un des premiers moteurs d’utilisation de l’IA générative, l’impact de cette dernière va bien au-delà, notamment en créant des opportunités de croissance des revenus.
L’IA générative permet aux assureurs de proposer des produits et services plus personnalisés, leur offrant une puissante différenciation sur le marché, tandis que l'amélioration de la tarification et la détection des fraudes réduisent l'exposition aux risques. De même, l'adoption précoce de nouvelles technologies peut attirer des clients avertis car elle montre un engagement envers l'innovation.
Les capacités intersectorielles que les assureurs peuvent exploiter comprennent par exemple la génération de dialogue pour les assistants virtuels, l'amélioration du service client, la génération automatique de code, l'analyse de données, les résumés de documents et la génération de contenu marketing et de vente.
Lorsqu'elle est utilisée dans les règles, l’IA générative a la capacité de réduire les activités répétitives permettant aux employés de se concentrer sur celles à plus forte valeur ajoutée. Elle peut améliorer l'expérience client grâce à des parcours autonomes digitalisés. Par ailleurs, en matière de protection des données, lorsque c’est déployé correctement, les données de chat ne sont pas sauvegardées, ne peuvent pas être consultées et ne seront pas utilisées pour entraîner des modèles externes.
Certains assureurs ont déjà mis en place des solutions innovantes d’IA générative en matière d’expérience collaborateurs et client. Nous retenons chez Axa la solution AXA Secure GPT, version interne de ChatGPT construit sur le service Azure OpenAI de Microsoft. Elle est utilisée pour générer, résumer, traduire et corriger des textes, des images et des codes. D’autres assureurs l’utilisent pour aider les agents et les clients, via des chatbots, à accéder à des informations pertinentes et à répondre à des questions, réduisant ainsi le temps et les efforts nécessaires à la recherche de connaissances documentées ce qui améliore leur efficacité et productivité.
Les assureurs peuvent créer une stratégie de mise en œuvre de l’IA générative cohérente sur la base de cas d’usage à forte valeur ajoutée et en ciblant des domaines où un avantage concurrentiel peut être généré. Ils doivent identifier les domaines clés dans lesquels l’IA générative peut générer de la valeur, puis hiérarchiser les efforts et les ressources dans ces domaines et mesurer les impacts. Chez BearingPoint, nous travaillons déjà avec plusieurs assureurs sur des sujets d’IA générative notamment pour les aider à améliorer leurs ratios opérationnels combinés.
Des incertitudes subsistent toutefois en matière de gouvernance, de propriété intellectuelle, de protection et éthiques des données, de qualité de l’information rendant une stratégie robuste essentielle.
L’automatisation de bout en bout est une opportunité significative pour les assureurs puisqu’elle leur permet d’améliorer les délais d’exécution et l’expérience client. Cependant, comment une solution entièrement basée sur l’IA peut-elle aider de manière adéquate les clients au moment critique du besoin, de la déclaration de sinistre à son règlement ?
Les sujets d’assurance, en particulier, peuvent nécessiter un niveau élevé d’empathie (lors du traitement des réclamations par exemple). C’est là que le modèle de copilote entre en jeu - où un humain reste dans la boucle pour superviser la solution d’IA générative et l’affiner lorsque cela est nécessaire. Même avec l’implication humaine, l’ensemble du processus reste radicalement simplifié et permet d’économiser du temps, de l’argent et des ressources.
Intéressons-nous à l’automatisation de bout en bout du processus de réclamation : les chatbots sur la base de la solution d’IA générative peuvent répondre à la déclaration de sinistre et aider dans le processus de triage face au client pour améliorer l’expérience client et le temps de traitement. Une personne examine le processus à des étapes clés pour garantir la qualité de l’expérience.
L’IA générative peut également être intégrée pour personnaliser les portefeuilles d’investissement en fonction des besoins individuels des clients, de leur appétit pour le risque et de leurs objectifs financiers. Dans le cadre de l’assurance-vie ou des régimes de retraite, nous pouvons l’utiliser pour permettre aux conseillers financiers de mieux exploiter la recherche, les données de marché et, à leur tour, simuler divers scénarios d’investissement pour optimiser les rendements.
C'est cet équilibre dans l'identification des domaines de la chaîne de valeur de l'assurance qui bénéficieront de l'automatisation, avec le besoin d'une approche co-pilotée (au moins à court terme), qui permettra aux assureurs de débloquer la véritable valeur de l'intelligence générale artificielle.
L’ensemble de l’écosystème assurantiel doit se familiariser avec les outils d’IA générative. À long terme, naviguer dans les incertitudes de la technologie dépendra de la mise en place de garanties appropriées dès le début. Un suivi et une gouvernance interne doivent être établis et cohérents, tandis que la communication avec les fournisseurs dont les modèles d’IA sont utilisés devrait toujours être ouverte.
La réglementation, notamment la loi européenne sur l’IA et sa législation, soulèvent de vives préoccupations dans tous les secteurs. Celui de l’assurance, déjà habitué à gérer efficacement les risques et les exigences réglementaires, devrait réussir à s’adapter à la réglementation.
Les priorités sont donc de sensibiliser toutes les parties prenantes au potentiel d’IA générative, mais aussi à ses risques, d’assurer la formation des collaborateurs pour que tous acquièrent une compréhension commune de l’outil, comprennent ses opportunités et soient alignés sur l’orientation future à adopter.
Nous recommandons aux assureurs de préparer le terrain à l’intégration de l’IA générative. Rechercher le soutien et les connaissances des parties prenantes externes, ainsi que des partenaires ayant de l’expertise sur le sujet. Lancer un projet pilote pour tester la technologie dans un ou plusieurs domaines spécifiques afin de valider ses avantages potentiels. Une fois le succès prouvé, élargir progressivement son utilisation à diverses autres opérations commerciales pour réaliser son plein potentiel.
L’adoption de l’IA générative dans le secteur de l’assurance continuera malgré les risques et les incertitudes qu’elle présente. La vraie question à se poser est comment elle devra être intégrée.
Auteurs :
Jennifer Gambaro
Julia Lugovskaja