L’année 2022 s’annonce inédite pour l’assurance puisque les sinistres climatiques atteignent déjà, à la fin du 1er semestre, un coût sans précédent sur les vingt dernières années[1]. Dans ce contexte, les enjeux climatiques sont plus que jamais d’actualité pour tous les acteurs de la vie économique et sociétale, y compris les assureurs qui investissent dans les entreprises françaises et internationales.

L’assurance vie est particulièrement concernée par un changement de paradigme qui s’amorce depuis quelques années : longtemps délaissés par les investisseurs, les aspects environnementaux font désormais partie de leurs critères de choix. Les assureurs y voient à la fois un accélérateur vers la transition énergétique, mais aussi un moyen d’optimiser leurs placements financiers. Cette tendance, d’abord impulsée par le législateur (I), va désormais au-delà. Compte tenu des nouvelles attentes de la société et des clients, les problématiques durables sont aujourd’hui au cœur des offres proposées par les assureurs, qui vont jusqu’à transformer leur modèle interne pour s’y conformer (II).

I. Le législateur : un moteur de dynamisation des unités de compte « green » 

Piliers du plan d'action de l'UE sur la finance durable, les articles 8 & 9 introduits par le règlement SFDR, entrés en vigueur en mars 2021, représentent une réelle opportunité pour le développement de gamme de fonds verts et durables. En France, l’Autorité des marchés financiers (AMF) a placé au cœur de son plan stratégique de 2018-2022 la finance durable pour faciliter et inciter la transition du système financier. Toutefois, c’est avec la loi Pacte, signée en 2019 et mise en application dès 2020, que le législateur est venu favoriser l’inscription des unités de compte (UC) solidaires, vertes et durables dans les contrats d’assurance vie. Depuis le 1er janvier 2020, chaque produit d'assurance-vie doit obligatoirement présenter au moins une unité de compte investissement socialement responsable (ISR), Finansol ou verte[2]. En 2022, le cadre réglementaire s’est renforcé pour répondre aux objectifs énoncés par les accords de Paris en 2015 : les assureurs sont tenus de proposer aux nouveaux contractants dans leurs gamme d’UC un fonds ISR, Finansol ou Greenfin, un nouveau label créé par le ministère de la transition écologique afin d’orienter une partie de l’épargne des Français vers des activités « vertes ». Ce label particulièrement exigeant[3] vient s’ajouter à une liste existante déjà longue, qui encourage l’inscription des problématiques vertes au cœur de la stratégie et du modèle des assureurs.

En témoigne la forte progression de l’encours de l’investissement responsable, qui consiste à intégrer des critères extra-financiers (ESG) à la gestion financière, dans l’économie depuis quelques années. Selon la réglementation SFDR, les encours de l’investissement responsable en France s’élèvent à 2 108,1 Mds€ à la fin de l’année 2021, soit une hausse de 33% par rapport à l’année précédente. Au global, en 2021, la gestion responsable représente 54% des encours gérés en France et 58% des encours des fonds domiciliés en France[4].

S’agissant des stratégies d’investissement responsable, la prise en compte des critères extra-financiers pour choisir les entreprises qui composent les fonds s’effectue selon différentes approches :

AXA, 4ème assureur mondial[5], met en œuvre depuis quelques années déjà l’approche ESG & thématique dans ses investissements. D’abord à travers AXA Investment Managers, filiale du groupe AXA consacrée à la gestion d’actifs, qui oriente ses investissements et ses fonds vers une gestion responsable et long terme : depuis mars 2022, plus de 70% des activités de placement d’AXA IM intègrent les critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance), indépendamment des classes d’actifs[6].

Puis, par ailleurs, à travers AXA Climate, filiale du Groupe AXA lancée en 2018 et spécialisée dans l’accompagnement de la transformation des activités des acteurs privés et publics (agriculture, finance, institutions publiques), qui illustre la volonté globale de l’assureur à respecter une approche ESG en allouant en priorité leur capacité d’assurance aux clients qui utilisent des services de prévention. Ainsi, AXA a suspendu il y a quelques mois sa relation commerciale avec le producteur d’électricité allemand RWE, 1er émetteur de CO2 en Europe.

II. Les problématiques durables au cœur de la transformation des assureurs

Les assureurs ont entendu les demandes de la société civile et du législateur. Leurs plans stratégiques et de nombreuses initiatives témoignent de la place accordée à ces nouveaux enjeux.

1. L’adhésion aux initiatives européennes et internationales :

Le respect des 'Principles for Sustainable Insurance' (PSI) :

Les PSI[7] définissent un cadre non contraignant pour l’industrie de l’assurance autour des risques et opportunités liés aux enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance. Ils sont regroupés en quatre piliers :

  • Intégrer dans les prises de décisions les enjeux ESG pertinents pour les métiers de l’assurance ;
  • Collaborer avec les clients et partenaires pour les sensibiliser aux enjeux ESG, les inciter à mieux maîtriser les risques et à développer des solutions concrètes ;
  • Coopérer avec les gouvernements, les régulateurs et les autres parties prenantes pour promouvoir au sein de la société une action globale répondant aux enjeux ESG ;
  • Rendre compte de l’application des principes et faire preuve de transparence en publiant régulièrement l’état d’avancement de leur mise en œuvre.

Dans le monde, 129 (ré)assureurs se sont engagés à intégrer les principes de l’assurance durable au cœur de leur activité d’assureur et dans leurs relations avec leurs parties prenantes. On compte parmi eux 4 grands groupes présents en France, à savoir AXA, CNP Assurances, Matmut et Scor SE[8].

La création de la Net-Zero Insurance Alliance (NZIA) : 

Sous l’égide de l’ONU, la NZIA vise à renforcer le rôle des assureurs dans la transition écologique. Elle regroupe les plus grands (ré)assureurs mondiaux : Aviva, Allianz, Generali, AXA, Munich Re, Zurich Insurance Group, SCOR et Swiss Re.

Dans une optique zéro carbone, les membres de l’alliance s’engagent à faire passer leurs portefeuilles de souscription à zéro émission nette de gaz à effet de serre (GES) d'ici 2050. Pour cela, des objectifs intermédiaires sont fixés par les assureurs. A titre d'exemple, le groupe Scor compte ainsi « se retirer progressivement des contrats d'assurance et de réassurance facultative portant sur des centrales au charbon sans dispositif d'atténuation, d'ici à 2030 pour les pays de l’OCDE et à 2040 pour le reste du monde »[9].

2. La mise en place d’offres et de produits adaptés :

Selon une étude menée en 2021 par Cardif et Kantar, 60% des Français accordent de l’importance à l’impact environnemental et social dans leurs décisions de placements[10]. Pour répondre à ces nouvelles attentes, les assureurs ont progressivement étoffé leurs offres d’investissement socialement responsable au sein des produits d’assurance proposés :

  • CNP Assurances, leader français de l’assurance de personnes, estime aujourd’hui que 89%[11] de ses investissements respectent les critères ESG, permettant de proposer une gamme de produits qui intègre des enjeux de responsabilité environnementale dans les supports accessibles aux clients ;
  • SwissLife, à travers sa société de gestion d’actifs, a récemment fortement augmenté et diversifié le nombre de fonds labelisés ISR (23 au total) proposés à ses clients[12] ;
  • Covéa Finance détient par exemple une gamme étendue de produits ISR : Covéa Aeris pour améliorer la qualité de l’air ; Covéa Aqua pour optimiser les consommations en eau ; Covéa Terra pour limiter la pression sur les ressources naturelles ; Covéa Solis pour améliorer l’efficience énergétique ;
  • Generali Vie s’est associée à la Fintech Goodvest pour lancer, en 2021, le premier contrat d’assurance vie entièrement ‘compatible’ avec l’Accord de Paris : Goodvie.

Pour faciliter l’adoption des épargnants, les assureurs n’hésitent pas à renforcer l’expertise commerciale de leurs conseillers : BNP Paribas a mis en place un réseau d’experts appelés « Champion ESG » visant à former les conseillers clientèles afin d’offrir à leurs clients les meilleures solutions d’investissement responsable et d’accompagnement. Ainsi, 71% des conseillers interrogés se sentent « pleinement à l’aise » pour parler investissement responsable avec leurs clients[13].

Pour les assureurs, cette dynamique est porteuse de véritables opportunités commerciales ; ils en constatent déjà des premiers retours positifs comme le suggèrent les chiffres mentionnés précédemment.

3. La transformation du modèle interne et le développement d’initiatives RSE :

La transformation de leur organisation prend différentes formes. Pour certains assureurs, elle passe par la création/extension de directions RSE qui ont pour rôle d’encadrer les initiatives des différents métiers au sein de l’entreprise afin d’orienter vers des choix responsables, verts et durables ainsi que mettre en place des outils permettant de mesurer l’impact des actions engagées. Les réglementations renforcées sur le reporting extra-financier notamment la directive NFRD - transposée sous la DPEF en France et entrée en vigueur le 1er septembre 2017 -, et prochainement la directive CSRD favorisent par ailleurs la transformation des organisations des assureurs qui doivent rendre compte de leurs performances extra-financières.

Le groupe BPCE a, par exemple, créé un centre d’expertise autour de la finance durable rattaché à la direction RSE, qui a pour mission de « proposer des initiatives aux entreprises du groupe en matière de finance durable, de piloter leur déclinaison dans les différents métiers et de définir les outils de mesures, normes et politiques associées » [14].

Le Crédit Agricole a instauré une gouvernance engagée pour construire un modèle d’entreprise durable. Afin d’assurer l’intégration et la diffusion des enjeux RSE – et la couverture des principaux risques – dans l’ensemble des métiers et processus, le groupe a établi une organisation comprenant 150 ambassadeurs RSE répartis dans l’ensemble des entités & métiers et dans plusieurs instances aux missions complémentaires. Un outil innovant offrant une vision globale des performances ESG de l’entreprise a également été mis en place. Il permet de calculer les principaux indicateurs d’impacts sociaux et profite à différents niveaux : la stratégie groupe, les stratégies métiers, les opérationnels métiers, ainsi que les centres d’excellence extra-financiers.

Pour d’autres, c’est la mise en place de cellules d’experts qui transforme leur modèle organisationnel. Ainsi, Groupama a constitué le Climat Lab, une cellule dédiée au climat dont l’objectif est d’accélérer les travaux d’adaptation au changement climatique et lancer les plans d’actions nécessaires [15].

Par ailleurs, les assureurs contribuent également au financement de l’économie solidaire et responsable à travers le soutien de différentes initiatives. A titre d’exemple :

  • La Maif soutient le Pacte Création de France Active qui finance et accompagne l’entreprenariat responsable des jeunes. 18 projets à visée sociale ont ainsi été financés en 2020[16]. Elle aide également l’ONG Surfrider Fondation Europe qui œuvre à la protection des océans à travers la sensibilisation du grand public aux impacts des comportements et des modes de consommation sur l’environnement.
  • De son côté, Natixis[17] accompagne, à travers une Fondation, des projets d’ONG (Action contre la faim, Electricien sans frontière, etc.) soumis au vote des collaborateurs et ayant un impact fort sur la qualité de vie des populations des pays pauvres (accès à l’eau et à l’électricité).
  • La Macif[18] a créé la société ‘Macif Impact ESS’, sous la bannière French Impact. Cette structure illustre sa volonté d’être un acteur dans la relance de l’économie. 20 millions d’euros ont déjà été investis dans Macif Impact ESS avec l’objectif de financer et accompagner dans leur développement les structures à impact et de l’économie sociale et solidaire.
  • Enfin, Predica, filiale du Crédit Agricole Assurances et 2ème assureur vie en France, contribue à la transition des territoires en étant leader en France aux côtés d’Engie dans le financement de la production d’énergies solaires et éoliennes[19].

L’ancien directeur général d’AXA, Henri de Castries, l’annonçait déjà il y a 8 ans, à la veille de la COP21 : « un monde plus chaud de 4 degrés sera inassurable »[20]. Depuis, les assureurs ont compris qu’il était de leur intérêt de mener leur transition vers une sortie des investissements fossiles, sous peine d’entretenir un monde qui nuira de plus en plus au climat et, in fine, à la santé des assurés, au risque de rendre effectivement une partie de l’activité économique et assurantielle trop risquée.

Pour autant, comme le souligne la fondatrice de l’ONG Reclaim Finance, une ONG qui a pour ambition de développer l’engagement des acteurs financiers français sur leurs sorties de projets d’investissements fossiles, le chemin est encore long : « les assureurs français ne sont pas (encore) à la hauteur […]. (La majorité des acteurs) ne font rien ou presque sur le pétrole et le gaz »[21].


Chez BearingPoint nous accompagnons régulièrement nos clients dans leur transformation vers un modèle plus durable. A titre d’exemple, nous accompagnons un acteur majeur de l’assurance en France dans le lancement d’une nouvelle offre permettant de mesurer l’exposition aux risques climatiques d’un portefeuille d’investissement. Nous intervenons également chez un autre assureur dans la construction d'une plateforme permettant de projeter les indicateurs climat des portefeuilles d’investissement, afin de s’assurer qu'ils suivent une trajectoire de décarbonation en ligne avec les objectifs NZIA.

Notre savoir-faire BearingPoint recoupe différents axes :

  • Stratégie & Gouvernance : Accompagnement à la définition de la stratégie ESG de nos clients et élaboration d’un plan de transformation interne & externe …
  • Transformation interne : Mise en place de la transformation auprès des équipes internes (acculturation, déclinaison opérationnelle de la stratégie RSE et communication)…
  • Business Model : Proposition & développement d’offres ESG sur mesure et mise en place d’outils adaptés en matière de « développement durable »…
  • Conformité réglementaire : Identification des impacts réglementaires sur le modèle opérationnel, évaluation et intégration des risques de durabilité, mise en place des reportings extra financiers et accompagnement dans la mise en conformité des fonds…

BearingPoint a récemment acquis I Care, un cabinet de conseil qui se positionne comme un acteur de référence dans l’accompagnement des organisations pour définir et mettre en œuvre leurs stratégies environnementales. Ce rapprochement marque une complémentarité des savoir-faire qui vient renforcer notre centre d’expertise développement durable et transformation à impact.


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