Au-delà des gains substantiels qu’elle peut générer, la transformation digitale représente une véritable complexité allant bien au-delà de la simple mise en place de nouveaux outils pour les entreprises qui s’engagent sur ce chemin.
En réalité, la transformation digitale est à la croisée des chemins entre le renouveau technologique, l’utilisation de la data, l’optimisation des processus et la refonte organisationnelle. Ainsi, la complexité émane de la nécessité de maîtriser ces quatre axes et de savoir solliciter des compétences qui puissent les maîtriser et les coordonner de façon holistique.
Sur ces deux derniers axes, l’utilisation des pratiques du Lean est un véritable atout permettant d’accélérer la transformation. C’est pourquoi nous voyons de plus en plus émerger une convergence entre deux mondes auparavant séparés, l’excellence opérationnelle et le digital, donnant ainsi naissance au « Lean Digital ».
Cette notion s’avère particulièrement efficace dans un cadre industriel contraint par les coûts où le Lean permet de dégager rapidement des ressources pouvant être réengagées sur le digital. C’est notamment le cas du nucléaire, où cette approche a été mise à profit avec succès par Vincent Champain chez Framatome afin d’optimiser les processus de fabrication.
S’il n’y aucun doute quant à l’importance du digital, réussir son implémentation relève parfois du parcours du combattant. C’est pourquoi 86% des dirigeants déclarent qu'il est important de s’engager sur le digital mais seulement 20% déclarent avoir adopté une stratégie efficace pour cela.
Alors que la crise du coronavirus a d’abord creusé le fossé digital dans et entre les entreprises puis contraint les organisations à se restructurer à marche forcée pour répondre aux enjeux courts-termes, il convient de prendre de la perspective et construire une approche pérenne dans le temps, à la fois pour l’entreprise mais également pour les collaborateurs.
En effet, si la transformation digitale se caractérise par la mise en place de blocs technologiques, la simple implémentation de blocs technologiques, ne se traduit pas en une transformation digitale réussie, mettant, par la même, fin à l’âge du digital « candy shop » où tout projet était bon à prendre.
Il ressort que le manque d’implication des collaborateurs et l’évaluation des impacts organisationnels générés par la transformation digitale sont les principales raisons de son échec. De même, le nombre d’initiatives digitales n’est pas gage de succès. Au contraire, il peut s’avérer démoralisateur pour des équipes qui ne pensent pas disposer des outils et compétences pour les mener à bien. C’est pourquoi il est nécessaire et impérieux de focaliser l’attention sur l’organisationnel pour aider le digital à s'enraciner.
Initié dans les années 60, le Lean management repose sur « l’inversement » de la pyramide managériale de telle sorte que les opérationnels et les parties prenantes directes sont les acteurs mêmes de la transformation.
A travers cette approche ayant fait ses preuves, le principal intérêt repose sur le fait que l’adoption et la conduite du changement se trouvent facilités quand les solutions et axes d’amélioration ont été directement formulés par les personnes qui les implémentent.
Cette approche s’avère aujourd’hui extrêmement bénéfique dans le cadre de la transformation digitale pour sécuriser les fondements nécessaires au changement.
En effet, construire une organisation avec un état d’esprit ouvert et une transformation ne se décrète pas. Pour les entreprises rompues au Lean, cela demande le passage d’un nouveau palier en s’acculturant à un nouveau framework et de nouveaux concepts, intrinsèquement plus techniques et moins codifiés.
Si la notion d’expertise Lean se conçoit bien, la notion d’expertise digitale est beaucoup plus diffuse et peut paraître déroutante de prime abord.
Comme exprimé, la transformation digitale se compose d’un aspect technologique, de l’exploitation de la donnée, de l’optimisation des processus et d’une refonte des modalités organisationnelles.
Au regard de nos retours d’expérience, la méthodologie la plus efficace laisse une grande place au Lean avant de s’engager sur le digital, selon une proportion de deux-tiers Lean et un-tiers Digital. De cette façon, le Digital s’inscrit dans la continuité du Lean, perçu comme « enabler », plutôt qu’une activité parallèle, décorrélée des préoccupations et des procédés métier.
Cette approche deux-tiers Lean et un-tiers Digital s’articule de la façon suivante :
Ainsi, les équipes directement impactées par le digital sont impliquées en amont de la transformation en travaillant d’une part sur l’amélioration de leurs processus opérationnels et, d’autre part, sur l’acculturation aux nouvelles technologies.
De cette façon, lors de la phase d’implémentation technologique, les équipes sont pleinement propriétaires de leurs processus et connaissent les tenants et les aboutissants des apports du digital dans l’accélération de la performance.
De même, cela réduit le pas à franchir entre les concepts métier et le digital en adoptant une approche séquentielle qui permet de sécuriser la transformation en y posant des bases opérationnelles solides.
Auteur :
François Rovere, Manager