Le secteur de la Recherche pharmaceutique, caractérisé par sa technicité et sa complexité, se trouve au centre de l'innovation des laboratoires pharmaceutiques. Avec le besoin croissant de découvrir rapidement de nouvelles molécules ou indications, les laboratoires se lancent dans une réflexion pour bâtir le laboratoire du futur.

Aujourd’hui, les scientifiques voient leurs activités essentielles de recherche être entravées par des tâches administratives, informatiques et répétitives, sans valeur ajoutée. L'enjeu de simplification des tâches quotidiennes des chercheurs est donc considérable pour mettre en place un laboratoire moderne, optimisé et efficace !

Quels sont les défis à relever par les entreprises pharmaceutiques pour moderniser leur laboratoire de recherche au service du scientifique ?

L’équipe Life Sciences de BearingPoint a participé au congrès "Lab of the Future" à Amsterdam les 26 et 27 septembre 2023 pendant lequel des experts du secteur ont partagé leurs challenges, leur vision et leurs innovations en vue de façonner les laboratoires du futur. 

Figure 1 : A quoi ressemblera le Laboratoire du Futur ?

Orchestration des outils et centralisation des données

Aujourd'hui, les chercheurs utilisent de nombreuses applications au quotidien, telles que des LIMS1, eLN2, SDMS3, LES4, des logiciels liés aux instruments, dédiés à l’analyse et la visualisation de données, des plateformes de gestion des instruments, de gestion du parc informatique (comme ServiceNow), de maintenance des instruments, de gestion des achats de matériel, ou encore des logiciels de suivi des stocks de consommables. 

De plus, les applications au sein d'une même entreprise pharmaceutique se démultiplient car elles sont souvent propres à chaque pays et/ou à chaque unité de recherche. Encore de nos jours, les données sont parfois stockées et échangées via des plateformes SharePoint, des services de stockage en ligne (Drive), des espaces de partages de fichiers ou même des clés USB. Ces problématiques d'applications et de données, résolues depuis plusieurs années dans des domaines tels que la Supply Chain, la production, les RH et la finance, restent encore de réels challenges dans le domaine de la recherche.

Comment s'assurer de disposer d'une gestion optimale de ses données, c’est-à-dire, "FAIR" (Findable, Accessible, Interoperable, Reusable) ? Comment orchestrer ses processus et applications de bout en bout ?

Voici quelques pistes évoquées lors du congrès et sur lesquelles BearingPoint accompagne ses clients : 

  • Définir un référentiel de données (ou données maitres) et mettre en place un MDM pour le gérer avec des règles de gouvernance et de sécurisation, afin de garantir la qualité et l'intégrité des données. Il est aussi important de s’appuyer autant que possible sur les normes existantes en matière de référentiel de données pharmaceutiques.
  • Favoriser les applications globales (et non des applications spécifiques à une équipe et/ou à un pays), ce qui implique d'élaborer en amont des processus communs (core models), intégrant le cas échéant quelques spécificités.
  • Evaluer pour chaque application les données générées, les données requises et leur source, favoriser la centralisation des données et la mise en place d’interfaces autant que possible et de Data Lake si nécessaire. Le Data Lake est intéressant pour consolider des données brutes multi-sources avec l’utilisation d’outils d’IA prédictif ou de Machine Learning. Il existe des systèmes sur le marché spécifiquement conçus pour résoudre ces problématiques. 
  • Anticiper la durée conséquente de tout projet d’implémentation et d’intégration : ces projets sont longs, s’étendant souvent sur plusieurs années, et nécessitant une collaboration étroite et une co-construction entre équipes digitales et équipes R&D.
  • S’assurer de ne pas négliger l’accompagnement au changement des équipes pour garantir la bonne adoption des processus, des outils et des règles, depuis le partage du rationnel du projet jusqu’à la mise en place de plans de formation et de support des scientifiques.

Simplification des processus : utiliser le « Lean » est possible même en Recherche !  

Lors du congrès, de nombreux grands laboratoires ont mis en avant la nécessité de simplifier et d'améliorer l'efficacité des processus de recherche. Il est question ici à la fois des processus couverts lors de la préparation, l’exécution et l’analyse d’expériences (création de plan d’expériences, réservation d'instruments et des consommables, collecte de données puis chargement dans un outil d'analyse et de visualisation, enregistrement dans un eLN ou LIMS, circuit de « peer review », partage avec d’autres équipes), mais également de tous les processus transverses de la vie du laboratoire, englobant la gestions du cycle de vie des instruments, la gestion des stocks, ainsi que les demandes d'achats d'instruments et de matériel.  

Comment optimiser les opérations en laboratoire en maximisant la valeur ajoutée à chaque étape, tout en garantissant leur fluidité ? 

Ces processus sont généralement pensés, décrits et outillés de façon segmentée, par « petits bouts » et non de bout en bout. Certains ont été bâtis par et pour une équipe spécifique, sans concertation avec les autres unités ou pays, parfois sans prendre en compte les fonctions supports impliquées (HSE, Digital, Qualité, Service généraux…). Ces dernières sont d’ailleurs trop souvent perçues comme des services auxquels les scientifiques font appel en cas de besoin, et non comme des partenaires les aidant à mettre en place ensemble le laboratoire de demain. 

Bien connue en Production ou en Qualité, la méthodologie « Lean » est néanmoins peu utilisée au sein des laboratoires de recherche où la performance n'est pas l'objectif premier, mais où l'accent est davantage mis sur l'innovation et la découverte scientifique. Un « Gamba walk5 » dans les laboratoires permettrait pourtant d’identifier facilement des irritants et étapes inutiles. D’autres méthodes très accessibles existent pour identifier aisément et ludiquement des optimisations d’organisation, de processus ou de façon de travailler, comme le « Best Practice Club6 », les « Job Rotations7 », le « Failure Friday8 » …

S’appuyer sur des indicateurs de performance ou mesurer les temps d’attentes sur un processus de bout en bout permettrait de visualiser les points bloquants et les zones à améliorer. En fournissant des données chiffrées et des mesures concrètes, cette approche terrain pourrait sensibiliser les scientifiques et les inciter à s’engager davantage dans des projets de transformation au service de l'accélération de la recherche.

Gestion optimisée des actifs de laboratoire 

Pour les grands laboratoires pharmaceutiques, le CAPEX des équipements de laboratoires représente des centaines de millions d’Euros. Comment s’assurer que ce parc d’instruments est correctement géré, réellement utilisé, et fiable pour le scientifique ?

Deux principaux sujets sont à retenir en ce qui concerne la gestion optimisée des actifs de laboratoires :

1. Le niveau d'utilisation des instruments de laboratoire

Intégrer de nouvelles technologies et bénéficier de fonctionnalités avancées est essentiel pour améliorer la qualité des recherches et rester compétitif sur la scène scientifique. Alors que certains instruments sont sous-utilisés ou restent dans des placards, comment libérer de l’espace et du budget pour s’équiper des dernières technologies ?  

Cette question implique avant tout d’avoir un inventaire précis de tous ses instruments de laboratoires, mais également de connaitre et de visualiser leur statut, leur valeur résiduelle, la fréquence des pannes et maintenances curatives, et idéalement la mesure de leur utilisation réelle.

Lors du congrès, il a été évoqué de mesurer l'utilisation des instruments à l'aide de méthodes telles qu'un système de réservation d'équipement, l'implémentation de capteurs de déplacement au sein du laboratoire, ou encore la surveillance de la consommation électrique par instrument.

La mutualisation des instruments de laboratoire entre différentes équipes d’un même couloir ou bâtiment favorise la collaboration entre chercheurs, réduit les coûts liés à l'acquisition inutile d'équipements peu utilisés ou en doublons, et améliore l'efficacité de l'utilisation des actifs existants. Il s’agit néanmoins d’une approche nouvelle pour les laboratoires privés, qui passe par le respect de règles de bon usage des instruments et un changement de « mindset » pour les scientifiques.  

2. La protection des données de recherche

La sécurité des données de recherche contre les cyberattaques passe forcément par une mise à jour régulière des systèmes d'exploitation (ex : migration Windows10) de tous les équipements informatisés du laboratoire. Alors que ces mises à jour passent inaperçues ou presque sur des postes de bureau, elles sont beaucoup plus complexes au laboratoire lorsque les postes sont partagés, peuvent être déplacés ou mal inventoriés, sont GxP pour certains, et nécessitent parfois une nouvelle version du logiciel et/ou de l’instrument si celui-ci n’est pas compatible. Conscients des risques croissants en matière de cybersécurité et des coûts non négligeables de la recherche, certains laboratoires renforcent la protection de leurs données en utilisant des pares-feux plus sécurisés sur leurs équipements. 

Figure 2 : Instruments de laboratoire : les atouts clés du Laboratoire du Futur

Conclusion :  

Le Labo du futur est un environnement sécurisé, optimisé et pratique, dans lequel le digital et la data sont centralisés et au service du scientifique, avec des espaces, processus et des instruments communs qui favorisent une collaboration entre les équipes et départements. 

La transition vers le laboratoire du futur requiert des décisions audacieuses, une vision à long terme, et la collaboration avec les scientifiques et les fonctions support pour mener conjointement des projets de transformation. Une méthodologie projet rigoureuse et collaborative, et un accompagnement au changement pensé au plus tôt sont des clés du succès pour ces projets en R&D. 

N’hésitez pas à nous contacter pour nous partager vos défis et vos ambitions, ou pour en savoir plus sur nos belles histoires en R&D pharma et sont aussi valables dans le domaine de la chimie ou encore de l'agroalimentaire. 

Les illustrations présentes dans cet article ont été générées avec de l’IA.

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