Les 12 et 13 octobre 2023, l’Institut National Universitaire Champollion a été le cadre d'un colloque interdisciplinaire portant sur la gestion du patrimoine immobilier public et la transition écologique, en partenariat avec le Conseil Départemental du Tarn et l’Institut de la gestion publique et du développement économique. Réunissant chercheurs en droit, sciences de gestion, et professionnels du secteur public et privé, cet événement visait à croiser les regards et les expériences pour aborder les enjeux et opportunités de la transition écologique dans la gestion du patrimoine immobilier public.

Au cours des communications et des tables rondes, les participants ont mis en lumière les défis liés au patrimoine immobilier public. Les discussions ont également exploré les solutions novatrices couvrant divers aspects tels que la conception, la construction, la rénovation, l’exploitation, la maintenance et l’usage des bâtiments publics qui visent à adapter le patrimoine immobilier public aux exigences de la sobriété.

La première journée a été consacrée à un workshop scientifique, offrant l'occasion de débattre des enjeux majeurs liés à la gestion du patrimoine immobilier public. Parmi les sujets abordés figuraient la performance énergétique des bâtiments publics, les jumeaux numériques comme leviers de cocréation de valeur, le rôle de la transition écologique dans l'attribution de subventions d’investissement de l’État aux collectivités locales, les campus universitaires en tant que laboratoires environnementaux, les enjeux budgétaires et comptables des logiques de transition écologique, ainsi que la mise en œuvre de l’austérité et de la sobriété dans la gestion patrimoniale des collectivités locales.

La deuxième journée a été marquée par trois tables rondes passionnantes, abordant des thèmes tels que la politique immobilière des acteurs publics face à la sobriété, les mutations des pratiques d'exploitation du patrimoine immobilier dans un contexte de sobriété, et la sobriété dans les usages du patrimoine immobilier public.

Notre cabinet a eu le plaisir de participer à la première table ronde aux côtés de Caroline Cambou, adjointe au responsable régional de la politique immobilière de l’Etat en Occitanie, Eric Massol directeur des bâtiments à la Mairie d’Albi, et Alexandre Monnin docteur en philosophie et professeur.

Ce temps d’échange nous a permis de partager deux convictions fortes.

Tout d’abord, la politique immobilière constitue le document cadre qui définit les orientations à suivre pour la gestion du patrimoine immobilier dans les années à venir. Elle consiste à adopter une approche globale face aux multiples enjeux auxquels les gestionnaires de patrimoine immobilier sont confrontés et vise à associer l’ensemble des services qui interviennent de près ou de loin sur l’immobilier pour définir des axes stratégiques, des objectifs concrets, des actions à mener et des indicateurs de mesure pour suivre et présenter les progrès réalisés.

Dans cette optique, la politique immobilière se révèle être le document idoine pour intégrer des objectifs et des mesures concrètes visant à relever le défi de la transition écologique. Nous observons à travers nos missions de conseil, que la politique immobilière embarque trois types de leviers d’actions sur la question environnementale :

  • Les leviers pour améliorer la connaissance du parc, tels que la mise en place d'un suivi des consommations, le lancement de mesures d'empreinte biodiversité, la réalisation de bilans carbone, l’expérimentation d’objets connectés, etc.
     
  • Les leviers pour agir sur le parc, comprenant l'engagement à optimiser les surfaces occupées, l'instauration de critères de performance environnementale dans le choix des futures acquisitions et prises à bail, la définition des clauses à insérer dans les marchés de travaux, etc.
     
  • Les leviers pour ancrer le changement, tels que l'adoption d'une nouvelle gouvernance plaçant la question de la transition écologique au cœur des prises de décisions, la mise en place d'une labellisation des projets, le développement d’une approche territoriale et la création de partenariats.

Notre seconde conviction s’appuie sur une observation terrain : désormais, aucun Directeur Général des Services (DGS) de collectivité, ni Secrétaire Général (SG) de ministère ou d’établissement public n'ignore les enjeux relatifs à la transition écologique. Certains agissent par conviction et par une prise de conscience quant à l’impact de l’immobilier sur l’environnement, tandis que la majorité est incitée par les nombreux appels à projets offrant des aides financières conséquentes, ainsi que par les risques auxquels ils font face si rien n’est entrepris.  Par ailleurs, il est intéressant d’observer que les discours des décideurs embrassent désormais la question environnementale au sens large en abordant les thèmes de l’énergie, de l’eau, des déchets, des ressources, de la biodiversité, de l’artificialisation des sols et des effets induits par le réchauffement climatique. Il y a quelques années encore, les débats étaient largement concentrés sur la maîtrise des consommations d’énergie et le décret tertiaire. Pour en savoir plus sur les enjeux qui incitent les Directions immobilières à agir.

Nous avons ensuite pu échanger sur les facteurs clés de succès d’une politique d’immobilier durable, qui incluent :

  • L’adoption d’une approche globale de la problématique et la constitution d’un réseau d'acteurs inter-directions pour mutualiser les compétences, décloisonner les pratiques, favoriser les partages de retours d’expériences, et fédérer les différentes parties prenantes autour d’un projet commun. Cette démarche permet d'exploiter pleinement le potentiel des différentes expertises présentes et de maximiser l'efficacité des actions engagées.

    Pour passer à l’action, les leviers disponibles sont effectivement nombreux, tout comme les acteurs impliqués. Les solutions ne font pas défaut, et nos services regorgent de compétences et d'innovations pour relever ce défi. Cependant, la véritable complexité réside dans la diversité des solutions et des acteurs chargés de les mettre en œuvre. Parmi eux, on compte ceux qui élaborent la stratégie immobilière, dirigent les opérations de construction et de rénovation, assurent l'entretien des bâtiments, gèrent les sites, l'énergie, les finances, les achats, ainsi que des tiers tels que les facility managers, fournisseurs d'énergie, tiers financiers, partenaires locaux, etc.

    Chacun de ces acteurs a un rôle crucial à jouer, mais souvent, ils ne sont pas habitués à communiquer et à collaborer de manière efficace. L'enjeu réside donc dans la nécessité d’obtenir une vue d'ensemble et systémique de la problématique, afin de comprendre les liens et les adhérences entre les différentes initiatives en cours.

    Trop fréquemment, nous constatons que certaines organisations confient la question environnementale aux services chargés de la construction et de l'entretien des bâtiments, adoptant ainsi une vision nécessairement très technique du sujet, se limitant souvent à des audits et des plans de travaux.
     
  • Le recensement des dynamiques déjà en cours, leur valorisation, ainsi que le partage des bonnes pratiques. Un sondage que nous avons mené durant l’été 2022 avec l’Association des Directeurs Immobiliers (ADI) auprès des directions immobilières du secteur public et privé, a révélé que seulement 1 répondant sur 2 déclare avoir dressé un bilan des actions déjà engagées au sein de son organisation durant ces dernières années, afin de mesurer le chemin à parcourir pour atteindre les objectifs fixés mais aussi pour valoriser la dynamique engagée.
     
  • La réalisation d’un état de la connaissance du parc et de sa performance environnementale pour identifier les réels enjeux avant de lancer des campagnes d’audits et des plans de travaux massifs. Notre sondage relève que seulement 60% des répondants ont réalisé un diagnostic de l’empreinte environnementale de leur patrimoine immobilier, par le biais par exemple d’un bilan carbone et/ou d’un audit énergétique, ce qui est considéré comme insuffisant. La réalisation d’un diagnostic de l’existant est une étape préalable indispensable avant de bâtir un plan d’actions.
     
  • L’attention portée à l’articulation entre cette démarche et le plan RSE de l’organisation. Cette cohérence est essentielle car le plan RSE vise à intégrer toutes les composantes du développement durable au cœur de l’ensemble des activités métiers et fonctions supports d’une organisation. Au-delà des aspects environnementaux, il englobe des éléments tels que l’insertion, la mixité, l’égalité entre les sexes et la maîtrise des dépenses. L’immobilier étant une fonction support parmi d’autres, le plan d’action environnemental de la direction immobilière doit logiquement s’inscrire dans le plan RSE de l’organisation. Or notre sondage a révélé que pour seulement plus de la moitié des répondants (57%) le plan d’action pour la maîtrise de l’empreinte environnementale de leur immobilier est intégré dans un plan RSE plus global à l’échelle de l’organisation, avec un taux de 66% dans le privé et 40% dans le public.

En conclusion, ce colloque a été une opportunité précieuse pour rencontrer des acteurs dévoués qui œuvrent au quotidien pour la gestion du patrimoine immobilier public. Qu'ils appartiennent aux services de l'État, aux collectivités locales ou au milieu universitaire, qu'ils soient chercheurs, enseignants-chercheurs, responsables de patrimoine, experts ou consultants, cette diversité de parcours et d'expertises (économie, droit, sociologie, géographie, comptabilité, architecture, ingénierie, etc.) a été une source d'enrichissement. Elle nous a incités à reconsidérer nos approches et à envisager de nouvelles solutions.

Enfin, nous avons particulièrement apprécié que cette rencontre se soit déroulée à Albi, inscrivant ainsi l'immobilier public dans les territoires au cœur des politiques publiques. Il est essentiel que des réseaux émergent localement, au plus près des réalités terrain, renforçant ainsi le lien entre l'immobilier public et les besoins concrets des collectivités.

Nous remercions chaleureusement l’équipe de recherche en droit et sciences de gestion de nous avoir conviés à ce colloque et pour le travail conséquent de préparation et d’animation réalisé.

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