Les offres de services de transports se multiplient, notamment dans les grandes villes : métro, bus, taxi, VTC, voiture en autopartage, scooter, vélo, trottinettes électriques, etc. Pour les utilisateurs, cela implique souvent de multiplier les applications et les abonnements, notamment dans le cadre de déplacements multi-modaux. Le MaaS (Mobility as a Service) vise à proposer aux utilisateurs une plateforme unique sur un territoire donné, pour accéder à un ensemble de services de mobilité. Pourtant, aucun acteur n’a encore véritablement réussi à s’imposer dans ce secteur.
Le MaaS est-il vraiment l’avenir des transports, quels sont les freins actuels et quels sont les leviers de développement ?
Le MaaS met en œuvre des avancées numériques au profit de la mobilité : connexion permanente grâce à l’IoT, positionnement en temps réel, partage de modèle de données. Les services sont généralement proposés à l’échelle d’une ville ou d’une région, afin de faciliter les déplacements pour les habitants et mieux insérer les métropoles au sein de leur territoire, en combinant les moyens de transport.
Le concept est né à la fin des années 90 et a vraiment pris son essor au début des années 2010, à travers la « E-mobility as a service », puis par la publication d’un Livre Blanc par l’alliance MaaS en 20171. Whim® est souvent qualifié de première solution ‘MaaS’. Cette application créée en Finlande en 2015 et souvent décrite comme le « Netflix de la mobilité », permet aux utilisateurs d’organiser leurs trajets et d’acheter leurs billets sur une interface unique, ceux-ci étant présentés sous forme de QR-code.
Trois types d’acteurs interviennent généralement sur les sujets MaaS : les Autorités Organisatrices de la Mobilité, les AOM, les Exploitants et les Plateformes. Les AOM sont souvent aussi à l’origine des plateformes de service. En France, par exemple, les communautés d’agglomérations de Mulhouse et de Saint-Etienne (Mulhouse Alsace Agglomération et Saint-Etienne Métropole) ont soutenu le développement des Compte Mobilité et Moovizy.
La principale difficulté du MaaS est liée à la complexité d’établir une stratégie commune entre les acteurs :
La plateforme vise à faire fonctionner ensemble de nombreux acteurs de mobilité : transports publics urbains, régionaux, voire longue distance, Taxis, VTC, vélos et mobilités douces, trottinettes, scooters, mais aussi gérer les parkings et places de stationnement, etc. Or, des concurrents peuvent refuser d’apparaître ensemble sur une même plateforme, qui se trouve alors face à un choix quant aux opérateurs à démarcher. Par exemple, dans son application SNCF Connect, le leader français du rail a été critiqué pour ne pas avoir présenté ses concurrents directs, comme Trenitalia. Coté numérique, des plateformes « neutres » comme Trainline, par exemple, visent au contraire à proposer une offre ferroviaire globale et internationale.
Quoi qu’il en soit, pour un même parcours, il existe de nombreuses solutions différentes, la plateforme doit donc faire un choix quant aux services à intégrer et à présenter dans l’application, tout en gardant son indépendance. Elle doit aussi s’efforcer de maintenir les accords entre les acteurs, pour préserver l’offre dans le temps.
Classification des acteurs et des modèles, selon le type de service (trajet partagé vs. véhicule partagé) et le type d’opérateur (professionnel vs. particulier). L’offre actuelle est très fragmentée. (Source : BearingPoint)
De plus, l’effet de réseau apporté par la plateforme est à double-tranchant : plus les opérateurs sont nombreux sur la plateforme, plus celle-ci sera utilisée et plus les usagers seront nombreux ; mais en contrepartie, les opérateurs délèguent une partie de leur distribution à un acteur tiers et risquent d’en devenir dépendants (ex : Doctolib pour les médecins, Google pour les médias, Amazon pour la vente en ligne, etc.). La gouvernance d’un tel système est un facteur clef de succès, elle doit garder toute indépendance.
A minima, la plateforme doit recueillir les données auprès des acteurs et les traiter efficacement, ne serait-ce que pour afficher rapidement des informations pertinentes et à jour.
Dans un second temps, des services plus complexes peuvent être mis en place :
Les services rendus sont multiples :
Finalement, l’utilisateur risque d’être vite noyé sous les services. Alors qu’il cherche la simplicité, les applications peuvent nécessiter de nombreuses étapes (charger son permis de conduire/sa carte d’identité, faire valider le document, activer le Bluetooth, s’approcher suffisamment de la trottinette, scanner un QR-code, etc.). Autant d’étapes qui ne sont pas innées pour tous les utilisateurs.
Les AOM ont intérêt à faire développer les plateformes MaaS pour favoriser la desserte du territoire, pour les habitants ou les touristes. Les retombées socio-économiques peuvent être positives pour la région en soutenant l’activité locale, le tourisme et en améliorant la qualité de vie de la population.
Les AOM, les pouvoirs publics et les territoires peuvent apporter
Le sujet étant complexe, les entreprises peuvent être utilisées comme pilotes pour développer des offres à l’échelle d’une ville/région. Les services de véhicules auto partagés ont été développés d’abord en entreprise, avant que ce ne soit proposé aux particuliers. La démocratisation du Crédit Mobilité (avantage en nature proposé au salarié) pousse déjà les entreprises à proposer un « mini-MaaS » à leurs salariés. Des acteurs comme Edenred ou Swile se positionnent pour remplacer/compléter la carte ticket restaurant ou la carte carburant en entreprise.
Les plateformes, au cœur du dispositif, disposent d’informations de grandes valeurs pour optimiser les services de transports, notamment concernant le comportement des voyageurs : mesure de la demande, des modes de transports utilisés, fréquences de voyages, géographie, flux, etc.
Ces données ont une grande valeur pour les territoires et pour les opérateurs, afin de mieux organiser leur trafic, d’anticiper les difficultés et d’améliorer leur service. En contrepartie, les plateformes peuvent, par exemple, partager anonymement des données aux opérateurs (données de vente, données de recherches des utilisateurs, etc.).
Mettre à disposition des utilisateurs des moyens de transports plus nombreux : longues et très longues distances (train internationaux, transport aérien, etc.), véhicules autonomes, bornes électriques.
Proposer des partenaires locaux : les City-cards (London-Card, etc.) offrent notamment à leurs utilisateurs des réductions sur des visites (musées, activités locales, etc.).
Plutôt que par le volume de services offerts, les plateformes peuvent s’imposer par leur qualité. Par leur maîtrise du numérique, elles peuvent directement proposer aux AOM et aux opérateurs des solutions pour les usagers : paiement par smartphone/NFC, utilisation de QR code, etc.
En offrant un service unifié et simplifié, elles permettent aux AOM et aux opérateurs d’externaliser certains services (applications smartphone pour la distribution, etc.).
De leur côté, les opérateurs et AOM peuvent mettre les plateformes en concurrence, identifier celles qui mettront le mieux en avant ses intérêts et éventuellement les favoriser en leur ouvrant plus de services qu’aux autres. Le CEREMA (Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement) est un établissement public qui vise (entre autres) à recenser les plates-formes MaaS en France. On peut y trouver des informations permettant de comparer les plateformes.
A moyen terme, la tendance sera probablement une réduction du nombre d’acteurs par des partenariats et regroupement ; à la manière de ce que connaissent ou ont connu les autres segments de la mobilité (VTC, Trottinettes en libre-service, etc.).
Exemple de d’évaluation pour l’application CityMapper
Auteurs :
Kevin Anceau, consultant sénior
Khalid Taoumza, consultant sénior
Anthony Dos Reis, manager sénior
[1] https://maas-alliance.eu/wp-content/uploads/sites/7/2017/09/MaaS-WhitePaper_final_040917-2.pdf
[2] https://transport.data.gouv.fr/