La relance du fret ferroviaire français ne se passe décidément pas comme prévu. Après des années de déclin, le fret ferroviaire regagne des couleurs et atteint en 2022 son meilleur niveau de part modale depuis 2017, soutenu par le plan de relance de l’Etat et jouissant de son avantage écologique. Cependant, la décision de la Commission européenne de condamner Fret SNCF à rembourser l’intégralité des aides publiques (5,3Md€) qu’elle aurait perçues entre 2007 et 2019 et jugées non-conformes aux règles de libéralisation de l’UE vient perturber les efforts de relance. La transformation structurelle de Fret SNCF qui en découle peut faire craindre un report modal inversé vers la route, ainsi que la destruction partielle de l’outil industriel français.
Quels sont les leviers existants à court-terme pour développer le fret ferroviaire et attirer les chargeurs ?
Au regard des volontés politiques et plans d’investissements présentés dans notre premier article, la question est désormais : comment le fret ferroviaire peut-il améliorer rapidement sa compétitivité par rapport au transport routier en termes de souplesse, ponctualité et qualité de service ?
Le développement du transport de marchandises des industriels et chargeurs en France requiert des infrastructures spécifiques au fret ferroviaire mais nécessite, tout d’abord, de pouvoir capitaliser sur le réseau structurant français.
La quasi-totalité (99%)1 des circulations non-voyageurs sur le réseau ferroviaire français sont réalisées sur 58% du réseau ferré national, principalement l’axe Luxembourg-Metz-Dijon-Lyon-Marseille ainsi que dans des régions frontalières. Ce réseau a été ouvert progressivement à la concurrence, ce qui permet à des nouveaux acteurs comme Captrain ou DB Cargo de se développer aux côtés de Fret SNCF. Pour autant, la part modale du fret ferroviaire peine à augmenter.
Plusieurs barrières freinent encore l’accès au fret, empêchant ainsi d’aller véritablement au bout de l’ouverture à la concurrence et de développer ce mode de transport de marchandises.
Concrètement, le système de commande et de réservation d’accès à l’infrastructure pourrait faire l’objet de davantage de pédagogie et d’accompagnement, dans une logique de parcours clients optimisés et orientés vers les besoins et attentes des Entreprises Ferroviaires (dans une logique d’orientation client BtoB.)
Lever des barrières à l’accès à l’infrastructure rendrait le transport ferroviaire de marchandises plus accessible mais il est également nécessaire de le rendre plus attractif.
Le transport de marchandises par le rail se heurte à la forte utilisation du réseau ferré français et de la concurrence avec des travaux ou des trains de voyageurs. Ce qui peut engendrer des difficultés de circulation ou encore des retards (le taux de ponctualité des trains de fret à 15 minutes était de 76,9% en 20212).
Pour rendre le fret ferroviaire plus attractif au regard de la route, il est essentiel de poursuivre les efforts conséquents déjà entrepris, notamment par SNCF Réseau dans l’amélioration de la qualité de service. SNCF Réseau s’est engagée dans une démarche forte d’amélioration de la ponctualité des sillons et dans le partage d’informations relatifs aux sillons.
Cependant, reste la complexité industrielle à trouver le juste milieu entre anticipation dans la planification et impératifs de court terme, soit en termes ferroviaire la standardisation de la construction du service horaire et l’intégration des impératifs de court terme.
Trouver un équilibre entre les impératifs long-terme et court terme est un réel défi pour SNCF Réseau mais également pour chacun des acteurs de la chaine ferroviaire et des chargeurs.
Le fret ferroviaire possède une forte capacité de massification des flux, notamment des flux réguliers, et peut gagner en compétitivité en accentuant sa recherche continue d’augmentation de la massification.
Pour développer cette capacité et augmenter l’offre de circulation dédiée au fret, des investissements dans les infrastructures sont toutefois nécessaires. Des aménagements seront indispensables pour remettre en état et construire de nouvelles infrastructures comme les plateformes de triage, les voies de service, les lignes capillaires ou les tunnels dont le gabarit n’est pas toujours compatible.
Ces investissements permettront de développer la capacité de massification du réseau, ce qui bénéficiera finalement aux entreprises ferroviaires comme aux chargeurs.
Le transport combiné est une méthode de transport qui utilise plusieurs modes de transport pour acheminer les marchandises d’un point à un autre. Il implique généralement la combinaison du transport ferroviaire, routier, aérien, maritime et fluvial afin de tirer parti du meilleur de chacun des modes de transport.
En comparaison à un mode de transport plus conventionnel, le transport multimodal propose de nombreuses optimisations économiques et écologiques pour les acteurs du fret. Ainsi, à titre d’exemple, le programme REMOVE vise à soutenir les industriels qui cherchent à repenser le mode de transport vers des modes de transport combiné. Ou encore, SNCF Réseau (gestionnaire du réseau ferré) et VNF (gestionnaire des voies navigables) ont officialisé en janvier 2021 une alliance visant à la construction de chaines logistiques moins émettrices en gaz à effet de serre que les autres types de transports et d’accroitre leurs trafics dans une logique de complémentarité de ces modes de transports.
Cette alliance est portée par une série d’actions concrètes dont notamment :
Retrouvez la suite de notre article dans notre prochaine publication.
Auteurs :
Alexandre Mayer, consultant
Lucie Moulin, consultante
Laetitia Chatain, senior manager
Caroline Perrin, partner
[1] Le marché français du transport ferroviaire en 2018, Autorité de régulation des transports, lien : bilan_marche_ferroviaire_marchandises_2018_vf-1.pdf (autorite-transports.fr)
[2] Le marché français du transport ferroviaire en 2021, Autorité de régulation des transports, lien : essentiel_bilan-marche-ferroviaire2021.pdf (autorite-transports.fr)
[3] SNCF Réseau et VNF : une alliance fer/fleuve pour contribuer à la transition écologique - VNF