Impossible de passer à côté cet hiver, elle est dans toutes les bouches des politiques et des énergéticiens, elle se rappelle brutalement à vous quand vous arrivez dans des bureaux à 19°C et elle est votre seule arme face à la flambée des factures énergétiques : la sobriété énergétique, bien sûr !
Les tensions d’approvisionnement en gaz résultant du conflit ukrainien, ainsi que l’accélération du réchauffement climatique, l’ont propulsée au premier plan. Mais qu’est-ce que la sobriété énergétique ?

La sobriété énergétique consiste à réduire la consommation d’énergie en modifiant les comportements des individus et des organisations. Au niveau de l’Etat, la Stratégie nationale bas carbone[1] qui vise la neutralité carbone pour 2050 suppose une réduction de moitié de la consommation d’énergie totale. Cette ambition nécessite des transformations profondes sur différents volets, celui de la technologie, de la consommation d’objets (durabilité, efficacité énergétique), des infrastructures de transport et également des modes de vie.

Le volet social de la sobriété énergétique est d’autant plus important qu’il est politique : selon le baromètre du médiateur national de l'énergie[2], le nombre de personnes souffrant du froid chez eux ou ayant des difficultés pour payer certaines factures d’énergie ne cesse de progresser ces dernières années.

Face à ces difficultés sociales et pour répondre aux exigences de la lutte contre le réchauffement climatique, des initiatives se mettent en place et une solidarité énergétique s’organise, venant ainsi renforcer les appels à la sobriété lancés par le gouvernement.

Nous vous présentons dans cet article 3 exemples d’initiatives à différentes échelles (start-up et grand groupe de l’énergie) qui donnent vie “au don d’énergie”.

La start-up « Don de chaleur » ou le défi de la solidarité énergétique   

Cette jeune start-up[3] créée en novembre dernier affiche l’ambition « d’amener plus d’un million de personnes vers la solidarité énergétique ». L'objectif est double : d'une part inciter les utilisateurs à réduire leur consommation d'énergie grâce à des défis proposés par l'application et d'autre part financer des projets associatifs à hauteur des économies d'énergie réalisées.

Le fonctionnement de cette application 100% gratuite est simple : les utilisateurs sont encouragés à réaliser des économies d’énergie grâce à des conseils et défis proposés par l’application. Ils connectent leur compteur Linky (ou Gazpar pour le gaz) à l’application afin de suivre et mesurer ces économies. Ils peuvent ensuite choisir un projet associatif de lutte contre la précarité (Croix-Rouge, Emmaüs, Habitat & Humanisme entre autres) qui sera financé proportionnellement aux kWh économisés. Ces dons sont réalisés grâce au soutien de fournisseurs d’énergie partenaires et d’entreprises engagées.

Il s’agit d’un mécanisme gagnant-gagnant à la fois pour les consommateurs qui voient leur facture d’énergie baisser et pour les fournisseurs d’énergie qui, au regard des fluctuations des prix de l’énergie sur les marchés de gros, ont tout intérêt à ce que leurs clients optimisent leur consommation. Les entreprises partenaires de « Don de Chaleur » s’engage ainsi à reverser une partie de l’argent économisé aux associations choisies par les utilisateurs.

Le partenariat solidaire entre la Fondation Abbé Pierre et EDF

Les applications solidaires de don d’énergie n’ont cependant pas attendu les nouvelles start-ups pour se lancer. Depuis 2018, les clients d’EDF ont la possibilité de faire un don financier du montant de leur choix via l'application EDF&Moi[4] pour aider les ménages en situation de précarité énergétique. Pour chaque euro donné par ses clients, EDF fait un don du même montant. La Fondation Abbé Pierre utilise l’argent récoltés pour régler les factures d’électricité des ménages qu’elle accompagne (quel que soit leur fournisseur d’énergie), ainsi que pour financer des actions de prévention de la précarité énergétique (ex : sensibilisation aux éco-gestes, diagnostics socio-techniques à domicile, programme de rénovation énergétique, etc.)

LibertéWatts : l’application qui récompense la baisse de consommation aux heures de pointe

Cette application[5] permet aux utilisateurs de déclarer des heures durant lesquelles ils sont prêts à suspendre leur consommation d'électricité. L’objectif est de pouvoir ainsi mieux anticiper les pics de consommation qui peuvent mettre à mal la sécurité court terme du réseau électrique et ainsi éviter les « délestages tournants ».

Le principe de LibertéWatts est simple : les déclarations des utilisateurs sont recensées anonymement et le jour J, ces derniers reçoivent une alerte pour leur rappeler leur engagement et ainsi soulager le réseau durant de courtes périodes. Pour convaincre les consommateurs de participer à l'effort, l'application propose de gagner des « Watts-E » qui permettent d'obtenir des réductions dans des enseignes partenaires et une compensation financière.

LibertéWatts a pour ambition, à terme, de couper l'électricité à distance avec l'accord de l'utilisateur et le compteur Linky.

Le fonctionnement de LibertéWatts repose sur un mécanisme bien connu et qui joue un rôle important dans le maintien de l’équilibre du réseau : « l’effacement » énergétique. Ce dernier existe sous plusieurs formes : incitations tarifaires (ex : tarif heures pleines/heures creuses, tarif EJP), marché privé des opérateurs d’effacement pour les particuliers et les industriels qui sont rémunérés en fonction de la quantité d’énergie effacée.

Ces 3 exemples montrent bien qu’en matière d’énergie aussi, l’innovation sociale est à l’œuvre : que ce soit pour venir en aide aux plus précaires ou bien pour éviter des coupures sur notre réseau. La crise en Ukraine et la crise climatique semblent bel et bien marquer la fin du temps de l’insouciance, où nous étions accoutumés à ce que l’électricité abonde sitôt que nous pressions un bouton. Désormais, nous devons composer avec les termes « délestages », « risques de coupures » et nous comporter en consommateurs responsables, moins gaspilleurs. Ce besoin de sobriété énergétique s’explique principalement par les transformations d’usage (essor de la mobilité électrique notamment), le développement de sources de production renouvelables moins pilotables telles que le solaire ou l’éolien et la hausse des coûts de production.

Avec la fin de l’ère de l’énergie abondante et peu chère, la question de sa consommation au regard notamment de ses usages sociaux, des inégalités et de sa gouvernance est réinterrogée et fait l’objet d’un intérêt grandissant de la part des citoyens.


Sources : 

[1] https://www.ecologie.gouv.fr/strategie-nationale-bas-carbone-snbc#:~:text=Elle%20d%C3%A9finit%20une%20trajectoire%20de,de%20la%20consommation%20des%20Fran%C3%A7ais.
[2] https://www.energie-mediateur.fr/publication/2022-16eme-edition-du-barometre-energie-info/
[3] https://www.dondechaleur.fr/
[4] https://www.fondation-abbe-pierre.fr/actualites/edf-don-denergie
[5] https://libertewatts.fr/?page=accueil


Auteurs :

Lucie Moulin, Consultante
Lionel Braun, Manager