Le boom de la mobilité verte a pour conséquence une hausse de la demande en véhicule électrique et donc de batterie électrique : sa composante la plus précieuse.

Le recours à la voiture électrique, en remplacement de la thermique, est sensé avoir un double impact positif sur l'environnement. D’une part il vient répondre localement à la nécessité de diminuer la pollution causée par le transport, les véhicules thermiques fonctionnant par combustion d’énergies fossiles fortement émettrice de CO2, le transport est en effet responsable de 31% des émissions de CO2 en France en 2019 selon CITEPA dans le rapport Secten en 2020. D’autre part le recours à la voiture électrique vise à réduire la dépendance aux énergies fossiles dont l’extraction est déjà très énergivore et a un impact négatif sur la biodiversité.

Cet effet positif peut être amplifié par la nature du mix électrique du pays dans lequel elle est utilisée.

A titre d’exemple, en France, le mix énergétique étant composé à 90% d’énergie nucléaire et d’énergies renouvelables, le fonctionnement d’une batterie a une empreinte environnementale faible. En effet, en moyenne, en France, la voiture électrique émet jusqu’à 77% de moins de CO2 qu’une voiture thermique sur la totalité de sa durée de vie, selon l’étude « How clean are electric cars? » de l’ONG Transport & Environnement en avril 2020.

L’effet sur l’environnement de l’utilisation de la voiture électrique plutôt que thermique reste globalement positif. En effet, même en Pologne où la production d’électricité repose à 80% sur du charbon, la voiture électrique émet presque 30% de moins de CO2 que la voiture thermique.

La construction d’un véhicule électrique, soit l’amont de son cycle de vie, a, toutefois, un impact non négligeable sur l’environnement. Ainsi selon l’ADEME, sa construction est deux fois plus polluante que celle d’une voiture thermique classique, essentiellement du fait de la fabrication de sa batterie. Nous explorerons les causes de cette pollution causée par la fabrication des batteries et les potentielles solutions pour minimiser cette pollution.

Quels sont les impacts de l'Amont du cycle de vie (de la production des composants à l'assemblage des batteries) sur l'environnement ?

Les batteries rechargeables concentrent une quantité et une diversité très importantes de matériaux (lithium, cobalt, nickel et le manganèse entre autres), elles peuvent peser jusqu'à 500kg et concentrent environ la moitié du coût de construction du véhicule électrique (environ 7500€).

L’industrie minière est considérée comme l’une des plus polluantes du monde. En effet la fabrication des différents composants nécessite beaucoup d’énergie, dans des pays où l’électricité est souvent d’origine fossile et l’extraction des minerais génère souvent de sérieuses atteintes à la biodiversité locale.

  • Le lithium est le composant principal d’une batterie. On le trouve bien plus sous forme ionique (sel) qu’à l'état métallique. Le lithium est principalement produit au Chili (37% de la production mondiale) et en Australie (34% de la production mondiale).

    Dans ces régions arides, les mines de lithium utilisent le peu de ressources en eau. A titre d’exemple, sur le site d'Atacama au Chili, l’exploitation minière utilise 200 millions de litres d’eau par jour. A la surexploitation de l’eau douce s’ajoute le traitement du lithium au chlore. Les eaux polluées au solvant ne sont pas toujours traitées avant d’être rejetées dans la nature, détruisant ainsi une partie de la biodiversité environnante.
    Or, du fait de la hausse de la demande en véhicules électriques, UBS, dans un rapport de 2017, estime que d'ici 2040, le lithium sera la matière première dont les besoins augmenteront le plus, soit une hausse de 2898% en comparaison avec la production mondiale. Cela aura pour effet une baisse des ressources en eau potable dans les régions exploitantes avec un impact significatif sur la biodiversité et évidemment pour les populations locales.

  • Outre le lithium, les batteries sont également construites à base de Cobalt, principalement issu de la République Démocratique du Congo (RDC) où il est extrait conjointement au cuivre. Or, les ONG internationales pointent régulièrement du doigt le fait que son extraction fait souvent appel au travail des enfants dans la région. Dès lors beaucoup de fabricants, dont Tesla, ont décidé de se passer de Cobalt et d’augmenter la part du lithium, du nickel et du manganèse.
     
  • L’exploitation du Manganèse au Gabon (premier producteur mondial) a, elle aussi, des effets catastrophiques sur l’environnement. Dans l’exploitation de Moanda tous les déchets miniers ont été stockés au sein du site d’extraction depuis son ouverture en 1962 (représentant une accumulation extrêmement importantes). Ces déchets, traités au solvant (acide sulfurique, cyanure, mercure ou encore arsenic) ne sont pas stockés dans un endroit étanche et se déversent ensuite dans la rivière proche du fait du ruissellement. Ces eaux polluées ont provoqué l’envasement de la rivière, qui a lui-même causé la disparition de toute vie aquatique et l’obligation des populations locales de consommer une eau néfaste pour la santé. L’envasement de la rivière est l’une des conséquences néfastes, listées dans l’étude réalisée par l’ONG Brainforest, à la demande de COMILOG, entreprise productrice de Manganèse au Gabon, qui souhaitait une liste exhaustive des impacts environnementaux de l’exploitation de Manganèse sur la rivière Moulili. A la suite de cette étude COMILOG s’est lancé dans des travaux de réhabilitation.
  • Enfin l’exploitation du nickel, dernier métal important dans la fabrication des batteries, est, elle aussi, très nocive pour l’environnement. La Nouvelle Calédonie, 4ème producteur mondial avec 200 000 tonnes en 2019, souffre particulièrement de la déforestation, l’assèchement des cours d’eau et l’appauvrissement de la biodiversité aquatique autour de l’île. En outre, elle ne semble pas pouvoir se passer facilement de son exploitation : le secteur représente 10% du PIB de l’île et pourvoit environ 3,5% des emplois du territoire voire 20% si on se concentre sur l’emploi privé.

En plus de l’impact négatif qu’a l’extraction des métaux sur l’environnement, les matériaux sont ensuite traités et raffinés quasi systématiquement en Chine. A l’extraction polluante des métaux, s’ajoute donc l’empreinte carbone de leur transport ainsi que la pollution des déchets chimiques issus du raffinage de ces métaux.

La fabrication des batteries a également des effets pervers non anticipés sur l’environnement, par exemple, par l’utilisation de nouveaux matériaux. Pour compenser le poids important des batteries dans les voitures électriques, les équipementiers font, en effet, le choix de remplacer l’acier par de l’aluminium dans les carrosseries. C’est ainsi qu’un des modèles de voitures électriques du constructeur allemand Audi contient, par exemple, 804kg d’aluminium, soit 4,5 fois plus que la moyenne des voitures européennes. Or la production d’aluminium est 3 fois plus consommatrice d’énergie que celle de l’acier et entraine donc des émissions de CO2 supplémentaires.

L’amont du cycle de vie des batteries a donc une empreinte environnementale significative et ses conséquences risquent de s’aggraver avec la hausse de la demande en véhicules électriques. Plusieurs solutions, que nous détaillerons dans un prochain article, existent pour diminuer cet impact sur l’environnement : l’écoconception et le recyclage des batteries.

 

Sources :

Articles presse

  • Reporterre, En Nouvelle-Calédonie, de jeunes Kanaks se lèvent contre l’industrie du nickel, novembre 2018,
  • Reporterre, La voiture électrique cause une énorme pollution minière, septembre 2020
  • Challenges, Oui, la petite voiture électrique est plus écologique du puits à la roue, mars 2020
  • Les Echos, Le boom des batteries va entraîner une ruée sur les métaux critiques, septembre 2017
  •  L’usine Nouvelle, Amnesty International dénonce la pollution des batteries de voitures électriques, 21 mars 2019
  • Le journal de l'automobile, Le recyclage des batteries est déjà un enjeu stratégique, octobre 2021

Site internet des parties prenantes

  • Site d’Eramet, le manganèse, un des métaux les plus utilisés au monde https://www.eramet.com/fr/activites/produits/manganese
  • Institut Veolia, Le recyclage des batteries de véhicules électrique : transformation écologique et préservation des ressources, 2021
  • EDF, Recyclage des batteries de voitures électriques : où en est-on ? , mars 2022

Statista

  • Principaux pays producteurs de nickel dans le monde de 2013 à 2021

Etudes de marché

  • ADEME, le véhicule électrique dans la transition énergétique en France, 2017
  • Xerfi, La fabrication et le marché des piles et batteries, mars 2021,
  • Xerfi, le marché du recyclage des métaux, Aout 2021,
  • BCG Focus, Electric cars : challenges and opportunities, 2017
  • CNRS Edition, Les piles à combustible et les batteries : des technologies « vertes » pour l’énergie ?, Michel Cassir, Le développement durable à découvert
  • Les Echos Etudes, le marché français des batteries pour le stockage stationnaire d'électricité, Octobre 2018
  • AEE, « Electric vehicles from life cycle and circular economy perspectives », rapport de l’AEE, 2018, p. 43
  • UBS : “Evidence Lab Electric Car Teardown—Disruption Ahead?” Report, UBS, 2017

Auteurs :
Marie Nouveau, consultante
Lionel Braun, manager