En 2022, la production d’électricité du parc nucléaire a été historiquement faible, elle était de 279 TWh alors qu’elle était de 360,7 TWh en 2021. L’examen et la réparation des circuits concernés par la Corrosion Sous Contrainte (CSC) sont en grande partie à l’origine de cette baisse.

Quel est ce phénomène ? Quelles sont les centrales nucléaires impactées ? Quelle est la stratégie d’EDF ? Quel est le bilan des réparations ?

Ce phénomène a été découvert en 2021, nous allons expliciter la stratégie développée par EDF pour la résolution du problème et présenter le futur de notre parc nucléaire français.

En octobre 2021, lors de la réalisation de contrôles sous forme d’Examen Non Destructifs (END) par ultrasons programmés lors de la deuxième visite décennale du réacteur 1 de la centrale de Civaux, EDF a détecté des défauts au niveau des soudures des circuits d’injection de sécurité du circuit primaire du réacteur et en a informé l’ASN. Ce système d’injection de sécurité contribue notamment à assurer le refroidissement du réacteur en cas de rupture des tuyauteries du circuit primaire. Il s’agit de tuyaux en acier inoxydable d’un diamètre de 30 centimètres et d’une épaisseur d’environ 3 centimètres. Aucun défaut n’avait été identifié lors de la première visite décennale en 2011.

Des défauts difficiles à caractériser

La méthode de contrôle utilisée en octobre 2021 a ses limites, elle ne peut pas identifier exactement la nature des défauts, en particulier leur profondeur. Dans le cas de la CSC, la fissure se propage entre les grains de la matière, on parle de fissuration intergranulaire. Les techniques de contrôle ultrasonores, développées jusqu’à présent pour caractériser les phénomènes de fissure de fatigue thermique (phénomène initialement redouté dans les tuyauteries du système d’injection de sécurité (RIS)), sont peu adaptées pour la détection et la caractérisation des signaux de la CSC.

C’est pourquoi il a fallu réaliser des tests complémentaires, beaucoup plus intrusifs : des parties de tuyauteries ont été découpées pour examen en laboratoire.

En décembre 2021 : EDF a procédé à la découpe des portions de tuyauterie (35 lignes ont été déposées avant la remise du rapport à l’ASN et 105 découpes supplémentaires ont été programmées pour affiner les connaissances et adapter les procédés de contrôles). Les résultats en laboratoire ont permis de confirmer les défauts constatés sur le réacteur 1 de Civaux. Sur la base des analyses menées par EDF, ces fissures sont attribuées à un phénomène de corrosion sous contrainte (CSC). Ces défauts se traduisent sous forme de microfissures (amorcées en surface du matériau) se propageant dans l’épaisseur de la pièce.

Le phénomène de corrosion sous contrainte apparaît sous l’effet de trois facteurs simultanés : un matériau sensible (acier), un milieu chimique favorable (circuit eau primaire) et des contraintes mécaniques (soudage par exemple).

Le premier facteur est la sensibilité du matériau à la corrosion sous contrainte. Dans le cas présent, le matériau est principalement un acier inoxydable, couramment utilisé dans l’industrie pour sa bonne résistance à la corrosion et qui n’est pas réputé sensible au phénomène de la CSC.

Concernant le deuxième facteur, la chimie, l’exploitant contrôle de manière très précise la qualité de l’eau du circuit primaire (pH, taux d’oxygène, polluants, etc.) et possède ainsi des données sur l’ensemble des années de fonctionnement. Il n’a, à ce jour, pas détecté d’anomalie pouvant expliquer une augmentation sensible du risque de la CSC dans les réacteurs concernés.

Les contraintes dans le matériau (troisième facteur de la CSC), quant à elles, peuvent être engendrées par le soudage (contraintes résiduelles), le montage des lignes (géométrie) ou leur chargement en service (pression et température). C’est donc ce facteur qui a été à l’origine de la CSC dans les circuits d’injection de sécurité de certains réacteurs d’EDF.

Au cours de l’hiver 2022, combien de réacteurs ont été à l’arrêt et quelle stratégie a été déployée par EDF ?

Douze réacteurs nucléaires français étaient soumis à « une expertise approfondie » du phénomène de la CSC : quatre tranches du palier N4, cinq du palier 1 300 MW et trois du palier 900 MW.

Les expertises et analyses ont identifié que les réacteurs les plus sensibles à la CSC étaient les quatre réacteurs du palier N4 (Chooz et Civaux) et les douze réacteurs du palier P’4 (centrales de Belleville, Cattenom, Golfech, Nogent-sur-Seine et Penly).

L’ASN considère que cette stratégie répond à la nécessité de poursuivre les contrôles sur les lignes considérées comme les plus sensibles. Toutefois, s’agissant du réacteur 2 de la centrale nucléaire de Belleville, l’ASN considère que le contrôle de ce réacteur prévu en 2024 est trop tardif.

Quelles sont les modifications nécessaires ?

Pour les réacteurs concernés, il s’agit de remplacer tout ou partie des circuits par des pièces neuves construites à l’identique. De plus, la surveillance des réparations sera réalisée par un procédé d’ultrasons améliorés (UTa) qui permet de détecter et mesurer les fissures dans une tuyauterie.

Puissance en watt fin décembre 2022 et début janvier 2023, quelques chiffres clés sur les années précédentes

EDF sort d’une année 2022 historiquement faible. La production nucléaire en France était de 279 TWh.

L’année 2023 a redémarré sous de meilleurs auspices. En ce début janvier, plus des deux tiers de la puissance installée sur le parc nucléaire français est à nouveau disponible : quarante quatre réacteurs fonctionnent et seulement douze sont à l’arrêt. Le parc nucléaire peut de nouveau mobiliser une puissance avoisinant les 45 gigawatts (GW), sur une capacité théorique de 61 GW.

Juste avant la crise sanitaire due au Covid-19, le niveau annuel tournait plutôt autour de 380 TWh entre 2016 et 2019, sans parler du record de 2005 : 430 TWh.

EDF espère avoir de meilleurs résultats en 2023 (entre 300 et 330 TWh), puis en 2024 (entre 315 et 345 TWh).

En mars 2023, apparition d’un nouveau phénomène sur le réacteur 1 de Penly

Une fissure de taille importante a été découverte sur un circuit d’injection de sécurité (RIS) du réacteur 1 de Penly. L’événement touche une soudure ayant subi une double réparation lors de la construction du réacteur.

Ce phénomène est classé 2 à l’INES (Échelle internationale des événements nucléaires), C’est-à-dire comme un incident, là où l’ensemble des cas de la CSC était limité au niveau 1, c’est-à-dire des anomalies.

Jusqu’à maintenant, la raison majeure de l’apparition de la CSC était liée à la géométrie des lignes d’injections de sécurité. Dans le cas de Penly 1, la double réparation de certaines soudures au moment de la construction des réacteurs apparaît comme un facteur aggravant.

Perspectives

À la suite de l’apparition de ce nouveau phénomène, EDF avait recensé 320 soudures réparées sur le parc. Une bonne partie d’entre elles seront remplacées lors des arrêts de tranches à venir. En revanche, l’électricien a identifié soixante-neuf soudures qui doivent faire l’objet d’un contrôle prioritaire, dont 90% seront contrôlées d’ici la fin de l’année 2023 et la totalité d’ici mars 2024 en complément de la stratégie initiale d’EDF de contrôler d’ici fin 2025 tous les réacteurs en exploitation.

Frise chronologique synthétique

Auteurs :  
Sriram Jeyalingam, consultant sénior
Julien Bos, manager sénior 
 

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