En une seule heure, la quantité d’énergie solaire qui frappe la Terre est plus importante que celle consommée par l’ensemble des habitants de la Terre en une année. Selon les chiffres du US DoE (Department of Energy), chaque heure, 430 trillions (10 à la puissance 18…) de Joules d’énergie solaire frappent la Terre, alors que la quantité totale d’énergie qu’utilisent tous les humains en un an est de 410 trillions de Joules. De toute évidence, nous possédons une source virtuellement illimitée – le soleil ne se tarira pas avant 5 milliards d’années – d’énergie propre sous la forme de l’énergie solaire. Nous ne la capturons pas.
Pourquoi, avec toute cette puissance disponible, n’utilisons-nous si peu l’énergie solaire ?
Pour deux principales raisons :
Des industriels et des startups proposent de multiples innovations pour faciliter l’adoption de l’énergie solaire. Tesla vient ainsi de présenter ses « tuiles solaires », alors que les travaux pour une route solaire expérimentale en France, menés par Colas en partenariat avec le CEA Tech et l’Institut national de l’énergie solaire, devraient être achevés en décembre. Loin d’être toujours révolutionnaires sur le plan technologique, ces innovations consistent parfois simplement à employer au mieux des technologies existantes pour améliorer l’intégration dans l’environnement, simplifier la vie des utilisateurs ou réduire le prix des équipements, pour faire de cette source d’énergie illimitée un vecteur de confort et de progrès.
Petit tour d’horizon d’exemples d’innovations dans l’énergie solaire (cette liste est bien sûr non exhaustive, mais permet d’appréhender l’état de l’art)
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Quelques définitions :
Le photovoltaïque permet de produire de l’électricité. La conversion directe de l’énergie solaire en électricité se fait par l’intermédiaire d’un matériau semi-conducteur comme le silicium. L’élément de base est la cellule photovoltaïque et le produit commercial s’appelle un module photovoltaïque. Trois technologies principales sont aujourd’hui mises en œuvre dans la filière photovoltaïque : la plus importante, et de loin, utilise un matériau très abondant, le silicium ; la technique des « couches minces » associe divers matériaux en les projetant en très fines couches sur un support ; la technique dite du « photovoltaïque à concentration » consiste à diriger sur les cellules jusqu’à 1 000 fois la lumière du soleil…
Le solaire thermique permet de produire de la chaleur et d’échauffer un fluide. Le solaire thermodynamique permet de produire de la chaleur ensuite convertible en électricité.
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Les innovations technologiques dans l’énergie solaire se focalisent sur l’amélioration de l’efficacité du solaire photovoltaïque, ainsi que sur sa capacité d’intégration dans notre environnement dans le but d’atteindre « l’ubiquité du photovoltaïque ». Nous distinguons 3 types d’innovations technologiques :
Ces innovations consistent à modifier la constitution des modules pour les rendre exploitables sur un maximum de surface.
Prenons pour exemple la société Flexwave. Elle a mis au point un module solaire transparent grâce à la technologie ‘Flexible Waveguiding Photovoltaics’ (FWPVs). Il s’agit d’un système de guidage d’ondes qui ont des propriétés mécaniques flexibles. Le module est constitué d’un mélange de cellules solaires de silicium et du polydimethylsiloxane, un polymère utilisé dans la composition des colles, de certaines huiles ou comme agent anti-moussant. Cet assemblage donne une consistance de silicone au produit. Les rayons lumineux se dispersent lorsqu’ils frappent la surface du module et se diffusent vers les cellules solaires installées sur les côtés de celui-ci. Cette configuration permet de conserver la flexibilité de l’ensemble.
Certaines innovations ne consistent pas à améliorer les modules solaires en eux-mêmes, mais à améliorer le système dans lequel ils sont inscrits pour faire gagner l’ensemble en performance.
Le beta.ray de Rawlemon est une centrale photovoltaïque miniaturisée, placée derrière une grande sphère translucide qui joue le rôle de verre de loupe en concentrant les rayons solaires. Un bras oscillant permet aux capteurs de suivre la trajectoire des astres du jour et de la nuit. Car l’efficacité est telle avec ce système, que même la clarté de la pleine lune peut produire du courant. Selon son concepteur, André Brössel, les premiers résultats de tests menés sur un prototype montreraient que le procédé serait 35 % plus efficace qu’un panneau photovoltaïque fixe classique.
Le manque d’efficacité, lié aux propriétés physiques des semi-conducteurs traditionnellement utilisés (silicium) est l’un des freins au déploiement massif des panneaux photovoltaïques. Les dispositifs à coût raisonnable plafonnent à un rendement d’environ 25 %. Ce rendement est l’objet de toutes les attentions des chercheurs, et la recherche de nouveaux matériaux prometteurs bat son plein.
En 2012, des nouveaux matériaux ont fait leur entrée dans le monde du photovoltaïque : les pérovskites hybrides (organique-inorganique), avec une première cellule homologuée présentant un rendement de 12%. Les rendements de conversion de cellules de laboratoire à pérovskites ont été quintuplés en cinq ans pour atteindre environ 20 %, rendements proches de celui des cellules à base de silicium (25 %) mais ces chercheurs considèrent aujourd’hui possible d’atteindre des rendements de l’ordre de 30% voire de 35%, en combinant pérovskite et silicium, pour des coûts restant faibles.
Que sont les pérovskites ? Les pérovskites sont des matériaux à structure cristalline particulière qui comprennent des composants organiques et inorganiques. Leur efficacité réside dans la bonne séparation des charges électriques et leur mobilité dans le matériau. A cela s’ajoutent une bonne absorption de la lumière du soleil, la possibilité de les manipuler sous forme d’encre pour de grands revêtements et un coût de fabrication peu élevé.
Cependant, ce matériau présente des limites. En effet, les cellules photovoltaïques à structure pérovskite se dégradent rapidement et de manière irréversible. Autre inconvénient : les pérovskites contiennent aussi du plomb, pouvant à terme nuire à l’environnement et présentent une mauvaise résistance à l’eau. Là encore, les chercheurs planchent sur le sujet et des solutions émergent.
Les technologies autour du solaire ont beaucoup progressé mais risquent d’atteindre leurs limites. Elles ne pourront pas aller au-delà d’un certain niveau de performance. Outre les innovations technologiques que nous venons de citer, les nouveaux usages des technologies solaires vont permettre d’amener l’énergie solaire là où, jusqu’à aujourd’hui, on ne l’envisageait pas. Nous distinguons 2 types d’usages :
Pour faciliter l’adoption de l’énergie solaire, des sociétés misent sur leur intégration dans l’environnement. Que ce soit par la pose de modules sur des surfaces variées, ou par l’imitation des formes de notre écosystème, les industriels rivalisent d’innovations.
En octobre 2016, Ségolène Royal a inauguré les travaux du projet pilote de route solaire, Wattway par Colas, capable de capter l’énergie solaire et de produire de l’électricité. Il a été conçu en partenariat avec le CEA Tech et l’Institut national de l’énergie solaire. Les cellules photovoltaïques sont insérées dans un mille-feuille de couches successives de quelques millimètres d’épaisseur qui s’adaptent aux dilatations thermiques de la chaussée et aux charges des véhicules.
Nous pouvons citer de nombreux exemples dans cette catégorie qui pourvoit le plus d’innovations : arbre solaire, fleur solaire, ballon solaire, textile solaire, solaire flottant, fenêtre solaire, tuile solaire…
Ces usages utilisent les technologies existantes, mais les combinent pour générer des synergies.
Prenons deux exemples où l’intégration de technologies entre elles rend les projets innovants :
Microsol est une microcentrale thermodynamique, développée par Schneider Electric, qui fournit simultanément eau potable, électricité et chaleur. Les panneaux solaires concentrent les rayons du soleil pour chauffer un circuit d’eau à 180 degrés. Cette eau est stockée dans une cuve qui permet de stocker l’énergie sans batteries. Cette eau alimente ensuite la turbine pour produire l’électricité, et vient chauffer jusqu’à évaporation de l’eau pompée à proximité, permettant au système de produire de l’eau potable sans produit chimique. La chaleur elle, peut être utilisée directement. Les applications sont nombreuses dans l’agriculture, les micro-industries, ou dans l’alimentation en énergies des infrastructures, situées en zone rurale dans les pays à fort ensoleillement, en priorité sur le continent africain. Microsol répond aux enjeux d’une économie rurale et durable.
Brenmiller est une société israélienne innovante de production d’énergie solaire, utilisant une technologie de stockage qui produit de l’électricité pendant 20 heures par jour, et permettant ainsi de corriger l’intermittence de l’énergie solaire. La technologie repose sur du solaire thermique générant de la vapeur, stockée dans un système souterrain pour une utilisation la nuit. Cette vapeur va être utilisée ensuite pour faire tourner des turbines classiques produisant de l’électricité. Cette technologie permet ainsi de lisser et adapter la production à la demande d’électricité, condition de plus en plus indispensable pour envisager un déploiement à une échelle importante.
Par ailleurs, autre avantage de la technologie de Brenmiller, dans le cas où les panneaux ne fourniraient pas suffisamment de vapeur pour les turbines, ils peuvent être épaulés par un système d’appoint classique fonctionnant au gaz ou au pétrole.
Le fondateur Avi Brenmiller affirme en effet que “le futur proche va se construire en utilisant différentes sources d’énergie, renouvelable ou non et notre technologie permet de combiner les deux.”
L’adoption de capacités de production solaires en masse ne passera pas uniquement par l’amélioration des technologies de modules ou de la multiplication de la surface disponible. D’autres éléments périphériques entrent en ligne de compte : l’ensoleillement, l’intermittence, le cadre légal, le prix de revente…
Des innovations connexes abondent en ce sens, et vont améliorer le taux de pénétration du solaire. Nous pouvons citer, sans être exhaustifs :
- SolarCoin, qui rémunère chaque MWh d’énergie solaire produite par de la cryptocurrency, et permet donc de stimuler la production d’énergie solaire
- Brooklyn Grid, micro-grid entre habitants d’un même quartier. La blockchain permet aux producteurs de vendre de l’électricité auto-produite à leurs voisins consommateurs.
Auteurs :
Fabien Scemama, Senior Consultant
Anthony Dos Reis, Manager
Flexwave : https://www.edfenr.com/actualites/module-photovoltaique-flexible-transparent/
Rawlemon : http://www.batiactu.com/edito/la-concentration-d-une-boule-de-cristal-40455.php
Perovskite : https://lejournal.cnrs.fr/articles/photovoltaique-la-fievre-perovskite
http://www.futura-sciences.com/sciences/actualites/physique-cellules-solaires-photovoltaiques-perovskites-toujours-plus-efficaces-maj-63516/
Wattway : http://www.techniques-ingenieur.fr/actualite/articles/route-solaire-wattway-une-innovation-peut-a-la-fois-etre-francaise-et-inefficiente-31555/
Microsol : https://www.youtube.com/watch?v=Vnwp7k0Ucjk
Brenmiller : http://www.bren-energy.com/siliconwadi.fr/19627/cop21-brenmiller-collecte-lenergie-solaire-a-chaud