« Cette année 2024, ce sera l'année de l'adaptation. Une année où nous allons passer du constat, de la sortie du déni, à la mise en œuvre des mesures qui sont nécessaires. » annonçait Christophe Béchu, ministre de la Transition Ecologique, en janvier 2024. Il rappelle la nécessaire adaptation de la France et de ses entreprises, face aux +4°C prévus à horizon 2100 et aux effets du réchauffement climatique déjà visibles et appelés à s’aggraver.
Le changement climatique représente une menace croissante pour les infrastructures critiques telles que les réseaux de transport et énergétiques. Les événements climatiques extrêmes, comme les inondations, les tempêtes, et les vagues de chaleur, deviennent plus fréquents et plus intenses, mettant en péril la continuité des services essentiels. Les pertes économiques dues à la multiplication des phénomènes climatiques extrêmes sont en augmentation et s’élèvent en moyenne à 12 milliards d'euros par an dans l'Union Européenne. Un réchauffement planétaire de 3°C par rapport aux niveaux préindustriels entraînerait, pour l'économie actuelle de l'UE, une perte annuelle d'au moins 170 milliards d'euros¹.
En réponse à ce constat, l’atténuation et l’adaptation au changement climatique sont deux logiques différentes, qui, combinées ensemble, permettent la transition climatique des entreprises.
L’atténuation du changement climatique vise à réduire ou éliminer les émissions de gaz à effet de serre anthropiques pour limiter le réchauffement futur. L’atténuation recouvre ainsi les stratégies climatiques des entreprises : décarbonation des activités et des chaines logistiques, retrofit, sobriété énergétique, économie circulaire, préservation de la biodiversité...
Cependant, la multiplication des phénomènes climatiques extrêmes est déjà en cours, avec une augmentation de la température globale de +1,7°C par rapport à l’ère préindustrielle. Les entreprises doivent donc développer des logiques d’adaptation au changement climatique dès maintenant pour limiter les dommages causés par les impacts climatiques actuels et futurs. L’adaptation permet à l’entreprise d’être résiliente aux futurs défis.
Le cadre juridique national, européen et international impose aux entreprises, notamment les entreprises publiques gestionnaires d'infrastructures, de s'adapter au changement climatique.
En France, des politiques nationales d’adaptation au changement climatique (PNACC-1 puis PNACC-2 courant jusqu’à fin 2022) existent. En janvier 2023, le ministre de la Transition Ecologique annonçait le lancement des travaux pour élaborer une PNACC-3. Si la stratégie n’est pas encore élaborée, la France s’est dotée d’une TRACC (trajectoire de référence à l’adaptation au changement climatique), qui fixe un scénario de réchauffement à +4° en France à horizon 2100 auquel se préparer.
Le ministère a précisé que les grandes entreprises publiques stratégiques d’énergie et de transport devront se doter d’un plan détaillé d’adaptation au changement climatique avant fin 2024. L’enjeu est majeur pour des entreprises et établissements tels que SNCF, RTE, EDF, HAROPA Port, les grands barrages et centrales nucléaires…
L'Europe évolue dans un contexte international et réglementaire de plus en plus dense en matière de résilience climatique, encadré par les Objectifs de Développement Durable (ODD) et l'Accord de Paris de 2015. La directive CSRD (Directive (UE) 2022/2464) impose désormais des normes de reporting extra-financier sur l'adaptation aux entreprises cotées. Par ailleurs, au niveau international, des initiatives volontaires comme la Task Force on Climate-related Financial Disclosures (TCFD) recommandent déjà aux entreprises de divulguer leurs risques financiers liés au climat et leurs stratégies d'adaptation.
Les obligations issues de ces différents cadres législatifs et règlementaires sont appelées à se renforcer à l’avenir.
Pour les gestionnaires d'infrastructures, l'adaptation au changement climatique est indispensable pour garantir la sécurité, la disponibilité et la continuité des infrastructures qu'elles gèrent, face à des aléas climatiques de nature et d’intensité diverses, qu'ils soient graduels (tendance de fond) ou extrêmes (modification soudaine et significative de la variable climatique).
Les aléas climatiques peuvent perturber ou interrompre les opérations des gestionnaires d’infrastructures. Ainsi, les incendies majeurs en France dans les Landes en 2022 ont interrompu la circulation de nombreux TGV et TER et causé la destruction de 30 000 hectares de pin. De même, la déformation des rails causée par des températures élevées entrainent des limitations temporaires de vitesse des trains (LTV) dégradant la qualité de service et la robustesse² . Les infrastructures doivent être conçues et maintenues de manière à résister aux conditions climatiques extrêmes pour assurer la continuité opérationnelle. Le Grand Port Maritime de Bordeaux (GPMB) adapte ses infrastructures au changement climatique grâce au projet ECCLIPSE. En collaboration avec le CEREMA et les ports de Valence et d’Aveiro, ce projet développe une méthodologie commune pour analyser les risques climatiques à moyen terme. Il utilise des modèles prédictifs pour concevoir des infrastructures portuaires adaptées à la montée du niveau de la mer et à l’augmentation des températures.³
Les coûts associés au manque d’adaptation au changement climatique sont et seront considérables : dommages directs aux actifs ou impacts commerciaux indirects du fait de la perturbation des opérations (annulation de trains, fermetures d’aéroports, indisponibilité des réseaux …). Si le coût associé aux conséquences des aléas climatiques est difficilement chiffrable, le rapport public annuel de la Cour des Comptes conclut à une perte de 13M€ par an en moyenne pour la SNCF de 2018 à 2021 et ce coût pourrait grimper à 31M€ par an à horizon 2050⁵. Le constat est similaire côté aérien : les investissements nécessaires pour s’adapter au changement climatique seraient de l’ordre de 360 Mds € en Europe d’ici 2040⁴. Certaines assurances, particulièrement aux Etats-Unis, cessent de couvrir des bâtiments dans des zones à haut risque, comme celles sujettes aux incendies, ouragans ou inondations.
Assurer la sécurité des utilisateurs et employés face aux risques climatiques est essentiel. Les entreprises doivent anticiper les dangers tels que les inondations, les glissements de terrain et la hausse des jours de forte chaleur. Les outils numériques aideront à mieux cibler les interventions humaines pour garantir la sécurité du personnel. Le rafraîchissement des chantiers extérieurs et des lieux de travail sera également un enjeu crucial.
² Article "Comment la SNCF s'adapte-t-elle aux vagues de chaleur et à la canicule ?"
³ Article "Projet ECCLIPSE : le GPMB poursuit ses travaux d'anticipation pour l'adaptation de ses infrastructures face au changement climatique"
⁴ Article "Le réchauffement climatique affecte aussi le transport aérien"
Alors, face à un changement climatique global, les risques sont-ils similaires pour tous les secteurs d’activité ? La seconde partie de cet article plongera dans une analyse comparative des risques principaux pesant sur différentes industries de réseau (ferroviaire, énergie, fluvial, aéroportuaire). Elle détaillera également les clés de succès pour structurer dès maintenant votre stratégie d’adaptation au changement climatique.
Auteurs :
- Caroline Perrin, Associée
- Edouard Chambalu, Senior Manager
- Louise Mayer, Business Analyst
- Arnaud Willain, Business Analyst