Comment les IFI (Institutions Financières Internationales), bailleurs de fonds, agences onusiennes, organisations publiques nationales, fondations privées, et autres acteurs de l’aide au développement, peuvent-ils tirer le meilleur parti du numérique dans leur manière d’accompagner les pays africains ? Voici quelques pistes de réponses tirées de notre livre blanc, Bailleurs et digital en Afrique.
Pour contribuer à l’atteinte du potentiel de croissance numérique de l’Afrique, les bailleurs de fonds peuvent d’une part soutenir la mise en place des infrastructures physiques nécessaires pour l’accès aux réseaux, et d’autre part favoriser le développement de « compléments analogiques » : des éléments essentiels à la mise en place d’un écosystème digital, bien qu’ils ne soient pas à proprement parler technologiques (cadre réglementaire, éducation, formation…).
Assurer un accès à Internet le plus large et abordable possible est l’objectif de plusieurs projets d’infrastructures déjà financés par les bailleurs de fonds, parmi lesquels :
Seuls la moitié des 54 pays africains ont mis en place une loi de protection des données personnelles. Certains pays comme le Kenya ou l’Afrique du Sud ont établi des ministères dédiés ainsi que des cadres réglementaires stricts pour contrôler le secteur florissant des TIC. En outre, de plus en plus de pays africains adoptent avec volontarisme des stratégies nationales pour le numérique. On peut citer le concours de la Banque Africaine de Développement au Plan Stratégie Digitale 2020 en Tunisie. Certains pays, comme le Rwanda, ont été pionniers en la matière[4] : le taux de pénétration d’Internet y a explosé, avec une croissance de 8900% entre 2005 et 2010. Le président rwandais Paul Kagame déclarait en 2014 : « Internet est un bien de première nécessité, au même titre que l’eau et l’électricité »[5]. Le Rwanda a notamment misé sur un partenariat avec la KT Corporation de Corée du Sud[6] pour développer l’accès à Internet dans le pays, et les investissements technologiques coréens ont par la suite afflué dans le pays. On peut également signaler le lancement du pré-incubateur kLab, pour « Knowledge Laboratory », à Kigali, fruit d’un partenariat public-privé (PPP) soutenu par le gouvernement, la chambre ICT de la Fédération du secteur privé au Rwanda, ainsi que la JICA (Agence Japonaise de Coopération internationale).
Les nouvelles technologies peuvent améliorer le fonctionnement des gouvernements de quatre manières :
L’IDEG (Indice de Développement du E-Gouvernement)[7] révèle d’immenses disparités en la matière sur le continent africain. En 2018, le Ghana, la Tunisie, Maurice, l’Egypte, les Seychelles et le Maroc sont en tête du classement continental et sont les seuls pays africains à être au-dessus de la moyenne mondiale du développement de l’e-gouvernement. En revanche, sur les 17 derniers pays du classement mondial, 15 sont africains.
La question de l’éducation et du numérique est double : elle concerne à la fois la façon dont le numérique peut être enseigné aux populations et la manière dont il peut être utilisé à des fins éducatives. Pour l’enseignement du numérique, financer la mise en place de salles de classe, de points d’eau, mais aussi de réseaux sanitaires et de centres médicaux est un préalable indispensable au succès de cursus dédiés aux nouvelles technologies, comme on en trouve déjà au Congo et au Niger. En ce qui concerne l’utilisation du numérique à des fins éducatives, la startup Elimu est un exemple kenyan de solution proposant une mise à disposition de contenus éducatifs sur smartphone et tablette, permettant notamment un micropaiement (pour un seul chapitre, au besoin).
La plupart des projets financés aujourd'hui par la Banque Mondiale incluent au moins une composante digitale. Or, les projets d’innovation numérique diffèrent des projets traditionnels par la faiblesse du montant moyen d’investissement, la temporalité courte des projets et l’appréhension des risques de ces derniers. Pour les bailleurs de fonds, se transformer eux-mêmes est donc un prérequis indispensable pour mieux accompagner la transformation des pays accompagnés. Cela suppose plusieurs évolutions :
Auteur : Florence Rieux, Equipe Afrique et Développement International
[1] Banque Africaine de Développement, « Transports et TIC au service du développement en Afrique », 2018.
[2] Banque Africaine de Développement, « La BAD va dégager 70 millions d’euros pour la construction du Parc technologique numérique du Sénégal » et Rapport d’évaluation du projet de parc technologique au Cap Vert.
[3] Banque européenne d’investissement, « Consensus sur le projet de réseau de câbles sous-marins d’Afrique de l’Est (EASSy) ».
[4] Agence Ecofin, « l’Unesco présente le Rwanda comme l’un des exemples réussis de développement d’Internet en Afrique », 2017.
[5] L’Usine Digitale, « Silicon Africa : Kigali, la volonté politique de faire du digital une priorité », 2015.
[6] https://www.cnbc.com/2017/09/26/south-korea-rwanda-unlikely-tech-partnership.html CNBC, “Forget Chinese investment in Africa, here’s a tech partnership in the region you haven’t heard of”, 26 septembre 2017.
[7] Organisation des Nations Unies, rapport « E-government Survey », 2018.
[8] KfW, “Blockchain creates more transparency in development cooperation”, communiqué de presse du 17 décembre 2018 : https://www.kfw.de/KfW-Group/Newsroom/Latest-News/Pressemitteilungen-Details_500800.html.