Alors qu’ils pouvaient paraître quelque peu dépassés, les réseaux de chaleur reviennent sur le devant de la scène. Des entreprises, des collectivités ou des pays les remettent en selle car ils sont une partie intégrante de la gestion de l’énergie en « boucle locale », de la production aux usages. La chaleur qu’ils transportent fournit également un moyen de stocker l’énergie et de lisser les consommations. De multiples mutations expliquent ce retour en grâce. Regard croisé avec Dalkia, leader français du secteur.

Panorama reseau de chaleur

La digitalisation des réseaux de chaleur progresse

Comme ailleurs dans l’énergie, les smart grids font leur apparition dans les réseaux de chaleur. Ainsi :

  • A Aahrus (Danemark), l’opérateur AffaldVarme Aarhus a équipé une partie de son réseau de chaleur de capteurs. Cela a permis de réduire de 2/3 les fuites d’eau, avec un gain estimé de plus de 15 M€.
  • De même, à Toulouse, Dalkia a proposé un réseau avec des fibres optiques intégrées pour récupérer des informations et les traiter dans leur centre d’analyse de données (DESC– Dalkia Energy Savings Center).

Leur efficacité énergétique s’améliore rapidement

La synergie entre chaleur et froid se renforce. Ainsi, sur son projet Massileo, Dalkia joue sur la complémentarité des bâtiments : la chaleur produite par la climatisation de certains bureaux permet de chauffer l’eau chaude sanitaire de logements proches, augmentant la performance énergétique globale et l’efficacité économique du système. Plus généralement, la modélisation du phasage des consommations entre bâtiments (Bureaux, hôpitaux, logements…) permet aux nouveaux réseaux une utilisation plus efficace du froid et de la chaleur.

Les acteurs du secteur utilisent également de plus en plus la chaleur fatale de processus industriels ou de datacenters pour l’approvisionnement de leurs réseaux :

  • Sur le réseau de chaleur de Dunkerque, 70% de l’énergie distribuée provient de la chaleur des aciéries d’Arcelor-Mittal
  • Dalkia a de son côté lancé Terrao, un échangeur de chaleur qui récupère la chaleur fatale des fumées
  • Dalkia utilise également depuis 2011 la chaleur de serveurs informatiques pour chauffer 600 000 m2 de bâtiments près d’Eurodisney

On peut s’attendre à une augmentation de la récupération de la chaleur fatale : la directive 2012/27/UE impose depuis 2015 aux installations industrielles de plus de 20 MW de réaliser une étude coûts/bénéfices sur la récupération de la chaleur fatale industrielle en cas de rénovation ou d’installation.


« Quand on étudie un projet sur son cycle de vie, on voit rapidement l’intérêt de récupérer les chaleurs fatales. Outre un prix compétitif, ces solutions limitent l’exposition à la volatilité des prix et ont un impact environnemental exceptionnel.
Nous travaillons à améliorer nos capacités de valorisation des ENR&R. »

Bertrand Guillemot, Directeur des programmes innovation, Dalkia


Le verdissement des réseaux progresse, mais lentement

Le mix énergétique des réseaux de chaleur se verdit de façon indéniable. D’après le SNCU (syndicat national de chauffage urbain et de la climatisation urbaine), la barrière des 50% d’énergies renouvelables a été dépassée en 2015, en nette hausse par rapport à la part de 26% en 2005.

La loi de transition énergétique de 2015 prévoit d’aller plus loin, en visant de multiplier par 5 la chaleur renouvelable à horizon 2030, et ce majoritairement grâce aux réseaux de chaleur. Cela impliquerait de continuer à augmenter la part de renouvelable dans les réseaux, mais surtout de développer fortement les réseaux de chaleur existants et d’en créer des nouveaux. Aux dires de professionnels, les évolutions des dispositifs d’aides ne permettront pas d’atteindre ce seuil.


« Jusqu’en 2017, les aides, notamment le Fonds Chaleur, ont efficacement permis à la profession de lutter contre la très forte compétitivité des énergies fossiles et de développer significativement le recours aux énergies renouvelables et de récupération pour les réseaux de chaleur déjà existants. La complexification du schéma de soutien initié en 2017, couplée au maintien d’un niveau global d’aide insuffisant au regard des ambitions affichées en matière de développement de la chaleur renouvelable, ne permettra pas d’atteindre les objectifs que la France s’est fixé pour 2030.  »

Olivier Conte, Directeur commercial Habitat & Collectivités, Dalkia


La prochaine étape : proposer de nouveaux services

Forts du dynamisme actuel, les acteurs du secteur ont commencé à lancer des services innovants autour des réseaux de chaleur, dans une logique de smart grid.

Certains réseaux proposent ces services depuis longtemps. Par exemple, à Borås (Suède), le réseau de chaleur est équipé depuis 2009 d’un accumulateur géant de 37 000 m3, qui stocke la chaleur dans les périodes de creux et la restitue pendant les périodes de pointe pour écrêter les appels de puissances et améliorer la stabilité globale du réseau énergétique.

D’autres proposent un large éventail de services.


 « Les synergies possibles entre les réseaux thermiques et électriques nous permettent de proposer des solutions qui apportent de la stabilité aux gestionnaires de réseaux énergétiques, et une plus grande performance énergétique sur les territoires.
Par exemple, les réseaux de chaleur ou de froid peuvent stocker sous forme thermique l’électricité renouvelable produite localement à un moment où il n’y a pas de demande ; ou encore, l’électricité produite par cogénération sur un réseau de chaleur peut venir soulager localement le réseau électrique à la pointe.

Cette gestion intelligente de l’énergie fait émerger un nouveau rôle : celui de “pilote énergétique local“. »

Christelle Vives, Directrice marketing groupe, Dalkia


Réussir ces transitions : un défi pour les acteurs du secteur

Les gestionnaires de réseaux de chaleur deviennent ainsi des acteurs énergétiques plus complets. Dans les prochaines années, ils devront continuer de se renforcer sur leur rôle d’opérateurs de systèmes complexes en constante amélioration. Ils devront également offrir de nouveaux services plus variés, et apprendre à les contractualiser et les monétiser dans un contexte de marchés publics impliquant davantage les industriels et même les particuliers.

Ces évolutions représenteront un défi pour les managers et leurs équipes : le secteur des réseaux de chaleur n’échappe pas à la vague de transformation rapide des business-models !

 

Auteurs

Jean-Raphael Barreau, Senior Consultant

Sébastien Maltaverne, Senior Manager