Le solaire centralisé, un mode d’exploitation de l’énergie solaire de plus en plus rentable

Lorsque l’on parle d’énergie solaire, le grand public pense bien souvent, et à une large majorité, aux panneaux installés en toiture. Néanmoins cette énergie, en France notamment, a du mal à décoller et souffre encore parfois d’une mauvaise image auprès des consommateurs : coût encore élevé, aspect esthétique, problèmes de raccordement et d’étanchéité… Les facteurs de défiance restent nombreux.

Mais l’énergie solaire c’est aussi celle produite par des centrales installées au sol comptant des milliers de panneaux photovoltaïques et dont la puissance peut aller de quelques MW à plusieurs centaines de MW ; on parle alors de solaire « ground-mounted » et non plus de solaire « rooftop ». On remarque que le coût au mégawattheure de cette énergie produite en centrale solaire au sol a fortement diminué ces dernières années : une étude récente de l’IEA (Agence International de l’Energie) fait part d’une baisse des coûts de près de 80 % en 5 ans, avec des PPA – Power Purchase Agreement[1], qui varient entre 2,6 et 3,2 US cents / kWh. Dernier exemple en date, une centrale solaire de 350 MW prévue prochainement à Abu Dhabi et pour laquelle les PPA semblent s’établir autour de 23 dollars le MWh, soit 21,5 euros. Début 2015, une centrale solaire de Dubaï détenait le record du moment avec un prix autour de 48 USD / MWh, soit 43 euros environ… ce qui représente une baisse des prix de 52% si l’on compare ces 2 centrales solaires situées dans une même zone géographique. Relativisons néanmoins, puisqu’il s’agit là d’un coût du MWh intermittent, c’est-à-dire qui n’intègre pas le coût de l’énergie de substitution lorsque le moyen de production ne fonctionne pas faute de soleil. Malgré tout, il faut se rendre à l’évidence : le coût du solaire centralisé continue de diminuer d’année en année.

Mais alors comment expliquer cette baisse des prix du solaire centralisé qui rend cette énergie de plus en plus compétitive ? Il existe plusieurs explications à ce phénomène.

Tout d’abord, l’industrialisation de la production des panneaux solaires ainsi que la baisse des coûts de production des différents composants – silicium, onduleurs, capteurs, diodes, etc. – expliquent en partie la baisse des coûts du solaire. Ainsi, les acteurs chinois du solaire contrôlent près de 85% du marché selon une étude de la Deutsche Bank, et parviennent à produire à des coûts toujours plus faibles, notamment en industrialisant massivement la production. Le coût des modules photovoltaïques, par exemple, a diminué de 70% entre 2010 et 2015 selon l’IEA.

Une baisse des coûts favorisant l’émergence de nouveaux business models

De nouveaux types de business model favorisent la baisse des coûts du solaire centralisé en donnant accès au plus grand nombre à cette source d’énergie. C’est le cas notamment des communautés solaires, dont le principe est de permettre à des entreprises, des collectivités, et surtout des particuliers, d’acquérir des panneaux solaires dans une centrale au sol plutôt que de les faire poser sur leur toit. Les études les plus récentes estiment que ce marché permettrait de toucher jusqu’à 75% des ménages américains qui sont actuellement privés d’accès à l’énergie solaire, que ce soit parce qu’ils vivent en appartement, que leur toiture ne soit pas adaptée, que le coût soit trop élevé, ou encore pour des raisons esthétiques. Le principe est simple : les participants acquièrent un certain nombre de panneaux dont le coût est réduit par rapport aux panneaux en toiture grâce aux économies d’échelle que permet une centrale au sol, et l’énergie produite par les panneaux qu’ils ont acquis leur est créditée chaque mois sur leur facture d’énergie. Ainsi, la SEIA – Solar Energy Industries Association – estime que la capacité installée en communautés solaires devrait passer de 120 MW actuellement aux USA à plus de 530 MW d’ici 2020.

Un environnement réglementaire incitatif dans de plus en plus de pays

Notons également que la baisse des coûts du solaire centralisé découle d’un environnement réglementaire et de marché qui est de plus en plus favorable à l’installation de grandes centrales solaires au sol. En effet, on assiste dans de nombreux pays à la diminution, voire à la fin des FiT[2] pour le solaire rooftop, ce qui rend dans ces pays le solaire résidentiel de moins en moins intéressant et pousse donc les particuliers à se tourner vers d’autres façons d’accéder à l’énergie solaire, via des centrales au sol notamment dont le coût au MWH est souvent deux fois moindre.

En parallèle, la volonté de promouvoir les énergies vertes se fait de plus en plus pressante et l’on voit fleurir des initiatives internationales telles que l’Initiative Terrawatt ou encore l’Alliance Solaire Internationale. Le but de ces initiatives est de créer les conditions à la mise en place d’une énergie solaire compétitive et à grande échelle.

Autre facteur réglementaire favorisant l’émergence des communautés solaires, il est désormais possible dans de nombreux pays de dissocier le lieu de production de l’énergie solaire du propriétaire des panneaux. C’est le système des Net Metering Credits, appliqué dans de nombreux états américains ou encore au Brésil.

Certaines utilities mondiales, conscientes de ces enjeux, ont décidé de réorienter leur stratégie et de se séparer des activités les plus polluantes, charbon en tête, pour se concentrer sur des moyens de production d’énergie verte. Engie est un bon exemple car l’entreprise a annoncé sa volonté de se centrer sur l’énergie solaire et a acquis pour ce faire Solaire Direct à l’été 2015.

En conclusion, rappelons simplement que l’énergie solaire, si elle devient de plus en plus compétitive d’un point de vue purement financier, est surtout plus que jamais nécessaire afin de relever les défis posés par le changement climatique. Cette énergie non émettrice de CO2 et très peu polluante – les composants d’un panneau solaire sont recyclables à 95% – est amenée à poursuivre son développement, d’autant que l’Organisation météorologique mondiale vient de publier un rapport qui montre que l’air n’a jamais été aussi pollué par le CO2.

Auteurs :
Alexandre Bienfait, Consultant
Anthony Dos Reis, Manager