La gestion des hauts potentiels court souvent le risque de tourner au concours de beauté. La « recherche de la nouvelle star » dépense alors beaucoup d’énergie et de temps à apprécier et débattre de la voix et de la tenue de nos valeureux candidats… et s’interroge assez peu en regard sur l’organisation du spectacle et le casting lui-même.

La gestion des hauts potentiels, instituée comme dispositif de développement individuel, n’a pas de sens si elle n’est pas couplée à la gestion de carrière elle-même. Le haut potentiel n’est ni totalement une récompense, ni totalement un attribut : il répond à un besoin. Celui de l’entreprise de préparer des collaborateurs à occuper à long terme des postes clés de l’entreprises. Le focus « carrières » doit donc venir s’assoir à la table du jury, et irriguer toute la réflexion sur les Hi Po.

La détection des hauts potentiels : la voix du talent doit pouvoir chanter la partition de l’entreprise…

 

La voix du talent

Les dispositifs de Hi Po ont été généralisés depuis une quinzaine d’année : ils sollicitent en général les responsables hiérarchiques et les responsables des ressources humaines autour de l’idée de détection dans un processus d’escalades successives. Cette détection repose généralement sur deux axiomes, à équilibrer.

  • La performance constatée : le haut potentiel doit avoir apporté la preuve de son excellence.
  • Le potentiel : on doit pronostiquer une perspective de développement futur. On lui prête un avenir prometteur.

Focalisé sur ces deux notions, RH et managers passent au scanner les ressources qu’elles suivent. Bien souvent, réflexe humain, les détecteurs ont tendance à rechercher des profils qui leur sont similaires. Un « futur moi » en quelque sorte… Et de plus en plus, les managers sont incités, voire objectivés sur leur capacité de détection. Le volume ou le ratio de Hi Po étant en la matière l’indicateur le plus simple… et le moins pertinent !

Une question essentielle manque donc à l’appel de cette réflexion : « mais de qui (et non combien) aura-t-on besoin demain aux postes clés ? »

La partition de l’entreprise

L’alignement des politiques RH au business et à la stratégie de l’entreprise ne peut rester une antienne : un moyen de la diffuser concrètement dans les organisations consiste donc, sur ce sujet, à définir des critères supplémentaires à l’exercice de détection : les qualités et valeurs attendues (entreprenariat par ex.), le profil recherché (pays particuliers, langues et cultures), les compétences ou champs de connaissance (l’électrique, le développement durable, le digital, etc.).

Cette réconciliation entre un vivier et les besoins RH impulsés par la stratégie business est souvent faite, en bout de chaîne, dans le comité Hi Po au niveau des comités de direction ou Comex. Il faut désormais procéder à sa diffusion à tous les échelons de la détection. Et peut-être donner des objectifs davantage ciblés par besoins que par volumes.

La carrière du Hi Po : cocooner ou éprouver?

Cocooner…

Le statut de Hi Po, officialisé ou non, est avant tout perçu comme une reconnaissance. Au-delà de la variétés des dispositifs, une forme de cocooning s’impose comme le mode privilégié de rétention. Et voilà notre gagnant de la « Nouvelle Star » intégrant la Star Academy !

Toutes les entreprises ont institué des dispositifs de formation spécifiques pour les Hi Po. Ces cursus, voire ces écoles, incitent généralement moins à accroître l’expertise du Hi Po (déjà reconnue en partie) qu’à le développer en termes de management et leadership, de vision stratégique, voire d’ « ouverture sur le monde ». Attendus et bénéfices de tous ces programmes : le Hi Po va y développer son réseau professionnel interne, et donc sa compétence « organisationnelle».

Ne peut-on pas apprendre plus de ces parcours ? Ne sont-il pas aussi un lieu privilégié pour évaluer, professionnaliser, émuler, voire innover ?

Les dispositifs d’assessment commencent ainsi à se généraliser dans les programmes Hi Po. De même, on pourrait voir émerger un principe d’apprentissage de métiers connexes ?

En effet, aujourd’hui, le principe de mobilité fonctionnelles sur des métiers variés constitue la règle de carrière des Hi Po. Cette mobilité relève souvent du défi et elle permet d’éprouver le Hi Po. Il serait pertinent de mettre en place les conditions de réussite de ce parcours. Sans remettre en cause la « majeure », domaine de compétence clé sur lequel le Hi Po fonde sa carrière, l’idée est d’inciter ces apprenants exceptionnels à se former à une « mineure », second domaine de spécialisation, choisi ou imposé, qui saura l’aider dans son parcours diversifié.

Enfin, hormis la constitution de réseau, le parcours de formation des Hi Po sont assez passifs en ce qu’il n’apporte pas de valeur directe à l’organisation. Si les meilleurs (ou futurs meilleurs !) sont réunis, pourquoi ne pas attendre également de leur part une réflexion ou un contribution sur la stratégie de l’entreprise ? En leur confiant un dossier ou une étude stratégique à présenter au Comex, ou un groupe de travail transverse pour une durée déterminée (un semestre par exemple), le programme permet une prise directe avec l’entreprise et une mise en application opérationnelles des concepts appris.

Eprouver…

La carrière de Hi Po est souvent définie par des critères simples : une carrière internationale, accélérée (prendre des postes N+2 à un horizon de 5 ans), jusqu’à atteindre un niveau de Codir. Au-delà de ces principes, peu d’entreprises définissent des parcours types de Hi Po, adaptables et des profils nécessairement variés.

Comme en matière de formation et de détection, le risque est souvent de considérer la catégorie comme homogène et faire passer le label Hi Po devant la compétence, le transformant ainsi en capacité (usurpée) à occuper une fonction. A nouveau il est nécessaire de mettre en adéquation des profils prometteurs dont la carrière est à prévoir avec les besoins stratégiques de l’entreprise, caractérisés in fine en postes clés. Une GPEC des Hi Po ? C’est en quelque sorte l’exercice qui doit être mené.

Leurs mobilités successives sont aujourd’hui surtout conçues pour rendre service (voire allégeance) à l’entreprise. Elles sont perçues également comme des épreuves à surmonter.

Le modèle maniant la carotte (la Star Academy…) et le bâton (la mobilité imposée en Chine…), s’il a fait ses preuves, ne paraît plus adapté. La génération Y qui déboule accepte moins de subir une carrière de telle sorte. Leur engagement est le fruit d’une réciprocité, relation mature ente une perspective de carrière, sa valorisation et ses contraintes et les besoins de l’entreprises, préparés et transparents.

Cette évolution incite donc les DRH et les Comex à individualiser, professionnaliser et « métierisier » les parcours de Hi Po. En l’occurrence, si la route ne peut être tracée de manière précise à 20 ans, la visibilité des deux ou trois prochains postes, et l’émergence d’une dominante (commercial, production, IT, etc.) semblent un minimum qu’il faut challenger. La variété des postes tenus, leur environnement, doivent également faire l’objet d’une réflexion. Ainsi par exemple, les postes en mode projet, ou les fonctions transverses sont aujourd’hui souvent délaissés par ce type de profils car peu valorisés alors qu’ils offrent des perspectives intéressantes pour les collaborateurs et sont de plus en plus ancré dans les modes de fonctionnement des entreprises.

Le modèle de carrière ne peut plus être celui de la starlette redevable de sa carrière à son agent mais doit basculer vers une quasi-contractualisation du développement, au travers d’engagements réciproques et transparents.

Passer du sprint au marathon : une transition à prévoir

 

La finalité du Hi Po n’est pas de sauter d’un poste à l’autre dans une frénésie de développement personnel et de dévotion à son entreprise. La finalité est de se préparer un jour à accéder à des postes de responsabilité (de type Codir) exigeant une connaissance large et une capacité de prise de recul.

Ces fonctions, de nature relativement différentes, exigent surtout de s’installer dans la durée : la stabilité de la direction est souvent un facteur de succès des entreprises. Il s’agit donc d’adopter une posture nouvelle à laquelle leur parcours les ont peu préparés .

Ce passage du sprint au marathon exige d’adopter un nouveau souffle, parfois une nouvelle technique. Cette transition aussi doit s’accompagner.

Avec la contribution de Cécile Atlan

Contact: Olivier Chappert, Associé