Il est des métiers qui confinent au Post-it : jamais totalement dans une case, ils se collent et se décollent selon l’air du temps, en espérant que l’adhésion ne fasse jamais défaut. Il en va ainsi de la communication interne. Où rattacher la communication interne ? Côté « communication », avec la communication externe, ou côté RH, avec la communication sociale ? Le choix est loin d’être anodin car il oriente fortement la manière dont la communication interne va être conçue dans l’entreprise, et donc perçue.

Une affaire de communication : évolutions de fond dans l’organisation des directions communication

 

On constate une technicité de plus en plus forte et une spécialisation par média (print, événementiel, relations presse, video, digital…) des équipes communication. Chacun de ces types de communication repose sur des processus différents, et des outils spécifiques (plateformes de gestion de contenus éditoriaux, bases de données clients, sites internet et applications mobiles…) qu’il faut maitriser, même si leur mise en œuvre peut être externalisée.

En parallèle, l’effacement progressif de la notion de « cible » en communication a rendu les anciennes organisations obsolètes. La frontière entre les cibles de communication internes et externes a été remise en question par une nouvelle vision des collaborateurs, définis comme :

  • Ambassadeurs de l’entreprise,  premiers relais vers l’externe et donc cibles intermédiaires de la communicationcorporate ou commerciale (c’est évidemment encore plus vrai des entreprises B to C)
  • Citoyens ayant accès au monde numérique, et donc porteur de la e-réputation de l’entreprise mais aussi récepteurs en temps réel de sa communication digitale externe
  • Parties prenantes de l’écosystème de l’entreprise, en lien avec les pouvoirs publics et les collectivités territoriales des territoires, souvent eux-mêmes cibles de communication

Certaines entreprises mettent donc en place des organisations matricielles, avec des communicants spécialisés par type de publics-cibles, et des communicants spécialisés par types de média. Dans ce cas, les collaborateurs peuvent constituer un public qui bénéficiera de l’ensemble  de ces communications. Cependant, cette organisation nécessite une comitologie rigoureuse pour continuer à assurer la cohérence des contenus.

Ce dernier point est devenu un souci majeur pour les Dir’Com. A l’heure où l’instantanéité de la communication met en relief les dissonances potentielles, tenir un discours unifié est indispensable. Une des solutions identifiées est alors de mettre en place des « usines à contenus » (content factory) produisant des éléments de langage, à destination de toutes les cibles.

Le seul problème, c’est que les directions qui empilent une usine à contenu et une organisation matricielle deviennent peu lisibles pour les opérationnels, avec lesquels elles finissent par avoir du mal à… communiquer.

Une affaire de RH : les nouveaux chantiers RH en proximité avec les opérationnels nécessitent des compétences en communication

 

En parallèle, on observe depuis quelques années une évolution de la fonction RH, qui du fait de l’industrialisation des tâches administratives, s’est rapprochée des centres de décision stratégique mais aussi du terrain.

Dans un contexte où les entreprises font toutes faces à des évolutions de leur environnement et à des transformations internes de plus en plus rapide, les acteurs RH ont ainsi été amenés à se saisir des problématiques de conduite du changement.

On leur demande aujourd’hui d’accompagner opérationnellement les managers pour donner du sens au changement :

  • Mettre à disposition du management des éléments de langage sur la transformation à l’œuvre, ou communiquer directement auprès des collaborateurs sur le changement
  • Décloisonner l’entreprise en améliorant la connaissance des métiers et en impulsant la transversalité
  • Faire partager la culture d’entreprise et fédérer les collaborateurs autours de valeurs, mais aussi de nouvelles manières de travailler

Mais il faut également accompagner les managers pour rendre le changement possible dans ses volets RH :

  • Communiquer sur la vision prospective des métiers pour faire adhérer aux plans de développement des compétences qui rendront les employés plus performants à court et moyen-terme
  • Communiquer sur l’ensemble des dispositifs d’accompagnement individualisé (ex. entretiens RH) ou collectifs (ex. parcours de formation)
  • Dynamiser la mobilité en améliorant  la visibilité sur les évolutions professionnelles possibles

Ces responsabilités partagées avec les managers impliquent de nouvelles compétences en matière de communication. Très concrètement, les acteurs RH peuvent être amenés à contribuer à :

  • La construction d’argumentaires sur la transformation, et son accompagnement RH…
  • Des vidéos, articles print et web sur les métiers, les emplois, les compétences…
  • L’animation de tchats, la modération de forums, l’alimentation de blogs internes sur les différents projets de transformation…
  • L’organisation d’événements internes de mobilisation, de rencontres de communautés de métiers, d’animations internes autour de la culture managériale…
  • La mise en place de dispositifs visant à décloisonner l’entreprise : rencontres entre salariés, « vis ma vie » entre les différentes populations,….
  • La création de « modes d’emplois », « kits d’utilisation » ou goodies visant à favoriser l’adoption de nouvelles méthodes de travail et outils….

Toutes ces actions nécessitent à la fois une solide connaissance des métiers et des collaborateurs, et de leurs besoins de communication, que les acteurs RH ont en général déjà, mais aussi une forte maitrise des techniques et outils de communication.

Alors, quelle collaboration entre les Ressources Humaines et la Communication ?

 

La solution n’est pas forcément de réintégrer la communication interne au sein de  la direction des Ressources Humaines, mais passe par une étroite collaboration  entre ces deux services.

Dans les organisations les plus traditionnelles, les directions de la communication, situées au siège, sont souvent en prise avec les décisions stratégiques, et  moins impliquées dans la déclinaison opérationnelle de ces décisions stratégiques sur le terrain. La communication interne peut alors être vue comme le prolongement de la communication externe corporate, centrée sur les enjeux d’image, et réduite à la rédaction du journal interne et à l’organisation de la grand-messe annuelle. Et les  communicants, coupés du terrain,  se trouvent en difficulté pour contribuer à l’accompagnement opérationnel du changement avec les acteurs RH.

Au sein d’organisations très centralisées, la communication interne peut également être portée par la direction des ressources humaines. Dans ce cas, les besoins en accompagnement du changement sont souvent bien pris en compte, mais les directions RH peinent parfois à outiller leurs managers sur les volets « communication » et « mobilisation », se trouvant en limite de compétence technique.

Le binôme HRBP / Communications BP que l’on observe dans les entreprises organisées par directions métiers complètes (un comité de direction par métier) est en général particulièrement efficace. En effet,  dans ce cas les communicants, eux aussi au service des métiers, sont également en prise directe avec les transformations et ont naturellement dans leur escarcelle l’accompagnement du changement par la communication.

Disposer d’une « agence de conseil en communication internalisée » permet également de répondre aux exigences croissantes des métiers opérationnels comme des fonctions support. Dans ce cas, les directions RH sont perçues comme des clients internes, et les directions communication mettent leur technicité de communicant et leur connaissance de l’entreprise au service des missions RH élargies. Dans ce cas, les directions des ressources humaines n’ont plus besoin d’intégrer des compétences de communication interne.

Cette dernière situation comporte en outre un bénéfice important : en considérant quasiment le DRH comme un annonceur, les communicants sont souvent force de proposition pour l’aider à « marketer » son offre RH. Dans un contexte où l’offre de service RH devient de plus en plus large et segmentée (direction, managers, experts, collaborateurs), la capacité des communicants à la rendre visible et lisible est précieuse !

Au fond, il faut reconsidérer le Post-it lui-même : la question n’est pas tant de le rattacher mais de l’attacher : aux contenus, aux annonceurs, aux métiers.

Contact: Olivier Parent du Chatelet, Associé