Myriam Thimonier est assistante sociale de formation. Elle rentre au Ministère de l’Education nationale en 1986 par concours interne et, suite à une formation en Institut régional d’administration, elle devient intendante au sein de plusieurs établissements scolaires. Elle intègre le rectorat, et gravissant les échelons elle devient cheffe de la division de la formation, puis de la division des affaires financières de l’académie d’Aix-Marseille.

A la tête d’une équipe de 30 personnes, elle supervise la gestion des pensions, du chômage, des accidents de travail, de l’action sociale et des frais de déplacement.

BearingPoint : Quels sont aujourd’hui les principaux enjeux de modernisation de l’action publique pour la DAF de l’Académie Aix-Marseille ?

Myriam Thimonier : La DAF est actuellement au cœur de plusieurs grands projets de modernisation de la gestion des personnels, notamment de la réorganisation de la gestion des pensions, du transfert de la gestion du chômage à Pôle Emploi. En parallèle, elle mène également une réorganisation des services au sein de l’académie, par le biais de mutualisations, dans une perspective de centralisation des SIRH au sein d’un SIRH unique pour l’ensemble des personnels du Ministère : SIRHEN.

Trois grands enjeux doivent guider la mise en œuvre de ces projets :

  • Rendre la gestion des personnels plus efficace,
  • Dynamiser la gestion des carrières,
  • Favoriser l’adhésion au changement.

Premier enjeu : Rendre la gestion des personnels plus efficace

L’efficacité est le tout premier enjeu de la modernisation de l’action publique, d’abord pour un meilleur service aux usagers. En effet, le transfert de la gestion du chômage à Pôle Emploi permet par exemple de ramener le temps de traitement d’un dossier d’allocation à 4 semaines. Une gestion des personnels plus efficace doit également améliorer les conditions de travail des agents, invités à se recentrer sur leur cœur de métier en étant libérés des tâches répétitives ou à faible valeur ajoutée. Le déploiement de Chorus par exemple, même si sa maîtrise nécessite une formation poussée, permet aujourd’hui aux administrations centrales de disposer de données fiables tout en épargnant aux agents en services déconcentrés la saisie très fastidieuse de multiples rapports statistiques.

La mutualisation et l’harmonisation des pratiques devraient permettre un traitement plus rapide et une meilleure équité dans le traitement des dossiers. Dans les services académiques, il existe autant de métiers différents que de services, voire plus, qui coexistent parfois dans une même unité de gestion. Ces différents « métiers » nécessitent une formation parfois très pointue.

Deuxième enjeu : Dynamiser la gestion des carrières

Une gestion dynamique des personnels administratifs est également un enjeu essentiel pour moderniser et améliorer la performance des services et doit s’appuyer sur :

  • Un recrutement et un processus d’affectation affinés, pour une meilleure adéquation entre les profils et les postes,
  • Une formation au plus près des besoins des personnels, pour une meilleure adaptation aux différentes missions confiées, ainsi qu’aux nombreuses réformes et dans une logique de perfectionnement continu,
  • Une réglementation clarifiée et simplifiée, pour plus de lisibilité, d’efficience et d’équité,
  • Un management de proximité, à l’écoute des difficultés et proactif sur les axes d’amélioration de ses agents.

Troisième enjeu : Favoriser l’adhésion au changement

La résistance au changement est une réalité féroce au sein de notre ministère. Or, pour mener à bien tous les projets de transformation en cours, l’adhésion des personnels et le soutien des organisations syndicales sont indispensables. C’est pourquoi il est nécessaire de repenser la gouvernance de notre institution, de la rendre plus transparente, plus équitable et surtout plus inclusive, afin de redonner aux agents toute la place qui leur revient dans les processus de prises de décisions qui les concernent.

BearingPoint : Plus concrètement, au quotidien, comment répondez-vous à ces enjeux ?

Myriam Thimonier : Aujourd’hui, par rapport à mes débuts dans ce Ministère, plus de dispositifs de formation des personnels administratifs ont été mis en place dans les services académiques et les établissements scolaires, notamment dans le cadre de la professionnalisation et du déploiement de nouveaux outils. Ces dispositifs ont permis d’une part, de rendre plus efficace la gestion des carrières et, d’autre part, de faciliter l’adhésion au changement des agents.

Nous constatons également de grands progrès au sein des services liés au développement de l’informatisation. Les grands projets d’informatisation et la modernisation des outils ont vocation à apporter plus de confort aux agents grâce à leur meilleure efficacité et à leur plus grande fiabilité. Je pense notamment à l’application GAIA utilisée pour la gestion de la formation.

BearingPoint : En tant que manager public, de quels leviers et outils avez-vous besoin pour piloter la mise en œuvre des réformes ?

Myriam Thimonier : Face aux grands projets de transformation et à la multiplicité des acteurs, il est indispensable d’être accompagné sur les aspects organisationnels et la conduite du changement, sur lesquels nos cadres sont trop peu formés.

Cet accompagnement « externe » ne peut cependant venir qu’en complément du management de proximité, à qui incombe la responsabilité de mobiliser les équipes. Or les chefs de service disposent aujourd’hui de très peu de leviers, notamment sur la rémunération ou la gratification. Il est néanmoins possible d’activer trois leviers essentiels :

  • En général, mieux former et outiller les cadres en matière de management de proximité : leur apprendre à écouter, à évaluer, à remettre en cause et à faire progresser professionnellement leurs agents,
  • Favoriser le management par objectifs et la progression de carrière à la performance,
  • Pour les personnels en établissement, se poser la question de la gestion des carrières en réfléchissant à un rôle renforcé du chef d’établissement dans la détermination de leur progression, sur la base d’évaluations reposant sur des critères plus précis et plus responsabilisants.

BearingPoint : Comment les agents se positionnent-ils et comment les accompagnez-vous ?

Myriam Thimonier : Aujourd’hui, même s’ils sont mieux accompagnés qu’autrefois, force est de constater que les personnels en administration déconcentrée sont souvent démotivés face à ce qu’ils ressentent comme un manque de reconnaissance du travail accompli et au sentiment d’arbitraire face à certaines décisions peu lisibles pour eux et que nous sommes nous-mêmes souvent bien en peine de leur expliquer. Ces éléments alimentent leur résistance au changement. Ils restent néanmoins très sensibles au sens de leur mission et à la qualité des services délivrés aux usagers.

Pour les accompagner, il est d’abord essentiel de développer leurs compétences, pour les rendre plus efficaces, donc plus épanouis dans leur travail et plus sûrs de leur capacité à s’adapter. C’est pourquoi nous organisons régulièrement des formations « maison » en interne sur des sujets-clés, comme par exemple sur la saisie des attestations employeurs, dont la précision est essentielle pour faciliter les échanges avec Pôle Emploi, qui a repris depuis le 1er avril la gestion de l’indemnisation chômage de nos anciens agents.

Il est également fondamental de créer un climat de confiance au sein des équipes, par l’écoute et l’empathie, mais aussi par la reconnaissance et la mise en visibilité du travail de chacun. Cette reconnaissance passe notamment par l’accompagnement des projets individuels de carrière, accompagnement auxquels certains chefs de service sont cependant un peu réticents, afin de retenir leurs meilleurs agents. Il me semble au contraire nécessaire et juste d’encourager les agents à passer des concours, de favoriser la mobilité interne, de soutenir les demandes de formation continue afin qu’ils s’épanouissent dans leur carrière et soient des acteurs positifs du changement.

Auteurs:
Marie Alix Forestier, Consultante
Marion Pradoux, Consultante